Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.40: LE GOUVERNEMENT BASQUE EN EXIL : SOUTIEN A LA RÉSISTANCE.
LE GOUVERNEMENT BASQUE EN EXIL:SOUTIEN A LA RÉSISTANCE.
Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –
Fiche n°40.
LE GOUVERNEMENT BASQUE EN EXIL: SOUTIEN A LA RÉSISTANCE.
Lorsque, en 1939, le second conflit mondial éclate, l’immense majorité des Basques ne semble voir dans cette terrible nouvelle que la fin d’une courte période de répit. En effet, si l’ensemble de l’Europe vit en paix depuis les années vingt, l’Espagne et notamment le Pays basque souffrent, depuis 1936, d’une guerre civile qui ravage le pays et divise ses habitants. Victime pendant trois ans des persécutions nationalistes, le gouvernement basque en exil se range sans équivoque et spontanément dans le camp de la France et des démocraties.
Le gouvernement basque en exil, expatrié depuis la défaite des troupes républicaines contre les rebelles du général Franco, avait installé avant-guerre une délégation à Paris et tissait un véritable réseau de relations avec de nombreux personnages importants des mondes politique, intellectuel et ecclésiastique français. Dès le 1er septembre 1939, c’est par leur biais qu’un premier acte, certes symbolique mais important, marque la volonté du gouvernement basque de résister aux Allemands et de lutter pour la liberté.
Cet engagement trouve sa source dans une déclaration d’Ernest Pezet, secrétaire général de la Ligue Internationale des Amis Basques (L.I.A.B.). Celui-ci offre l’aide de « son peuple pour la défense nationale française »1 en mettant à contribution toutes les forces et les spécificités de cette population : unité morale, particularité linguistique, mais aussi actions dans la marine, l’aviation, l’armée de terre (l’accent est mis sur la nécessité de créer un corps de volontaires basques homogène), ainsi que pour l’effort de guerre avec l’appui de tous les civils réfugiés en France. Cette proposition est peu de temps après (le 4 septembre) confirmée par le président du gouvernement basque, José Antonio de Aguirre, qui, par une émouvante lettre adressée au peuple français, réitère le choix et la « collaboration entière des Basques d’Euzkadi »2.
A partir de ce moment, plusieurs organes de recrutement sont créés par la L.I.A.B., afin de rassembler un maximum de volontaires pour les défenses civiles ou militaires. A la fin de l’année, environ trois mille candidats sont ainsi engagés dans les usines travaillant pour l’effort de guerre français (sept cent cinquante-neuf à l’arsenal de Tarbes, cinq cent cinquante à celui de Toulouse et quatre-vingt-six au port de Bordeaux) et dans quelques unités de la légion étrangère.
Cependant, ce soutien ne peut en rien empêcher l’écrasante offensive de la Wehrmacht et la défaite de l’armée française en juin 1940. Pour les Basques, l’occupation revêt alors un caractère encore plus tragique. En plus de vivre une deuxième défaite face au fascisme, les hommes d’Euzkadi se voient en effet considérés dès cette époque par les vainqueurs allemands, comme de dangereux ennemis et non comme de simples populations défaites ou neutres. Les nazis se souviennent en effet particulièrement de la guerre d’Espagne et de la résistance de ces républicains face aux troupes franquistes (et à leurs alliés germaniques). Cette position entraîne, au début de l’été 1940, l’interdiction puis la fermeture de l’antenne française du gouvernement basque, mais surtout l’incarcération dans le « camp de concentration » de Gurs de plus de huit cents civils (hommes et femmes), réfugiés en France depuis quelques années. Ce harcèlement se poursuit au niveau national par l’arrestation, suite à une dénonciation, d’une vingtaine de membres d’une organisation d’assistance aux prisonniers basques et d’un réseau de renseignement opérant en France et en Espagne.
Pourtant, au-delà de ces premiers coups durs, de nombreux Basques, suivant les ordres du président Aguirre, se lancent dans la grande aventure de la résistance aux côtés des «Français libres» et des alliés. Les premiers à refuser cette défaite sont les membres du Parti National Basque (P.N.B.) du Navarrais Manuel de Irujo. Le président Aguirre ayant disparu, cet ancien ministre du gouvernement républicain espagnol se place alors à la tête du Conseil national d’Euzkadi (formé à Londres en juillet 1940) et rassemble autour de lui tous les hommes souhaitant reprendre le combat. Toutefois, aucune action n’étant envisageable sans un rapprochement avec une puissance alliée déjà engagée dans la lutte, les exilés basques décident de solliciter leurs anciens hôtes français, eux aussi réfugiés en Grande Bretagne.
Ainsi, dès l’automne, des négociations entre le conseil et les adjoints du général de Gaulle sont menées afin de trouver un accord qui réunirait les deux partis. Ces tractations portent principalement sur la reconnaissance des combattants basques, sur la libération des prisonniers des camps français mais aussi sur la constitution de réseaux de renseignement en territoire occupé, en zone libre et en Espagne. Lors de ces discussions, les évadés français sont représentés par M. Dejean (directeur des affaires politiques de la France libre), par René Pleven (relations extérieures) et par les commandants Escarra et Hackin, l’accord final étant ratifié au nom du général de Gaulle, par le secrétaire permanent du Conseil de défense René Cassin. Du côté basque, Manuel de Irujo, Angel Gondra, José Ignacio de Lizaso (responsable de la délégation du Conseil national basque à Londres) sont les principaux négociateurs. Ce dernier signe par la suite (le 17 mai 1941 à Londres) l’accord rapprochant « le général de Gaulle, au nom du Conseil de défense de l’empire français, et le Conseil euzkadiko bitzar nagusia » .
Les termes les plus importants de cette alliance portent comme prévu sur la libération des Basques espagnols emprisonnés en France, sur l’obtention de la nationalité française pour les soldats ayant combattu aux côtés des Forces de la France libre, sur les facilités d’installation de ces ressortissants espagnols sur les territoires coloniaux de la France libre ainsi que sur le développement des relations commerciales entre la France libre et l’Amérique du sud. Primordial symboliquement (c’est la première fois qu’une autorité française reconnaît juridiquement un organisme représentatif du peuple basque), cet accord est également décisif pour la constitution d’une unité militaire basque au sein des Forces Françaises Libres (F.F.L.).
Rattaché au troisième bataillon de fusiliers marins, ce groupe de volontaires espagnols et français devait à l’origine être divisé en plusieurs sections, dans lesquelles la langue officielle (du commandement et des troupes) devait être l’Euzkara. Le rassemblement des combattants originaires du Pays basque devait également être facilité par les cadres du bataillon. Cependant, les Britanniques voulant ménager l’Espagne franquiste afin qu’elle ne s’allie pas aux nazis, Churchill fait avorter ce projet en faisant pression sur de Gaulle. Ce dernier est ainsi obligé d’annoncer aux hommes (le 23 mai 1942) de cet embryon d’armée basque, la dissolution du bataillon pour motifs diplomatiques. « Sacrifiée sur l’autel des relations de Gaulle et Churchill », ce projet ne voit donc jamais le jour. Les Basques désirant combattre aux côtés des alliés sont incorporés dans des unités de la légion étrangère ou dans des bataillons de fusiliers marins du Levant.
Cependant, si la résistance basque s’est surtout manifestée par des engagements en Angleterre ou en Afrique du Nord dans les armées alliées, de nombreux Espagnols et Français de cette culture ont choisi la lutte contre l’occupant sur leurs terres d’origine, de part et d’autre des Pyrénées. Dès 1940, un réseau de membres du P.N.V. (Parti National Basque) s’organise afin de recueillir pour les alliés, notamment pour les services secrets américain et britannique, des renseignements sur les activités allemandes dans l’hexagone. Une fois recueillies, ces informations transitent par différents agents en poste en France (Mitxelena, Eusebio Zubillaga, de Leizaola…), au Pays basque péninsulaire (Jésus de Solaun…) et en Espagne (Juan Ajuriaguera à partir de la prison de Burgos). De même, en 1943, le président Aguirre crée et organise un nouveau réseau de renseignements, baptisé « Gernika », en sollicitant plusieurs agents installés en France et impliqués dans d’autres structures (Mitxelena, de Ziaurriz).
Rapidement constituée, cette organisation dispose en novembre 1943 de quarante-six contacts travaillant sur trois chaînes pour faire passer le courrier en Espagne. La fréquence des traversées augmente rapidement avec les nouvelles sollicitations des services secrets alliés, toujours plus demandeurs de renseignements. Ainsi, en onze mois, de septembre 1943 à août 1944, plus de soixante courriers (plus d’un par semaine) franchissent les Pyrénées après avoir transité par les nombreux relais mis en place, en coopération avec des réseaux français (à Dax et Paris), ou avec des contacts permanents (Paris, Angoulême, Bordeaux, Dax, Bayonne, Pau, Lourdes, Tarbes, Ossun, Saint-Jean-de-Luz) disposés par le bureau central du réseau installé à St Paul les Dax. Arrivées en Espagne, les informations parviennent ensuite aux consuls français, américains et britanniques, en fonction au Pays basque espagnol, qui les font par la suite passer en Afrique ou en Grande Bretagne (Joseba Elosegui remet par exemple au consul américain de Bilbao des documents secrets parmi lesquels se trouvent des plans ainsi que des échantillons de sable des futures zones de débarquement en Normandie).
Enfin, il faut noter que dans de nombreux départements du sud de la France, les Basques ont joué un rôle très important dans la résistance, notamment au sein des guérilleros de l’Union national espagnol (plus de 30 000 volontaires actifs dans les Hautes Pyrénées, en Ariège ou en Béarn). Toutefois, c’est à partir d’une autre stratégie et d’une autre utilisation de ces combattants que naît, en 1944, l’une des plus belles pages de la résistance des fils d’Euzkadi : celle du bataillon Gernika. Son histoire et son épopée mèneront en 1945 ces quelques centaines d’aventuriers des Pyrénées aux derniers bastions de lutte contre les nazis, dans les poches fortifiées de Royan et de la Pointe de Grave, où flottera à la Libération l’Ikurrina (drapeau basque), symbole de victoire et de reconnaissance du sacrifice de ces Basques libres.
Adversaires précoces et acharnés du nazisme, les nombreux volontaires basques, qui ont choisi pendant la Seconde guerre mondiale la lutte aux côtés des alliés, ont donc exprimé à leur manière et avec leur force, la résistance de tout un peuple aux nombreuses formes du fascisme.
1 Laborde J.C., Le bataillon Gernika, les combats de la Pointe de Grave (avril 1945).
Bayonne, éditions Bidassoa, 1995, 126 p.
2 Goyhenetche E. Le Pays basque, Soûle, Labourd, Basse Navarre, Pau, Société Nouvelle
d’édition régionale et de diffusion, 1979, 670 p.
3 Laborde J.C., Le bataillon Gernika, les combats de la Pointe de Grave (avril 1945),
Bayonne, éditions Bidassoa, 1995, 126 p.
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