Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.25: RÉSISTANTS DE PREMIÈRE HEURE.
LES RÉSISTANTS DE PREMIÈRE HEURE: FIN JUIN 1940, SEPT BATEAUX REJOIGNENT LA FRANCE LIBRE DEPUIS SAINT-JEAN-DE-LUZ ET BAYONNE.
Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –
Fiche n°25.
LES RÉSISTANTS DE PREMIERE HEURE:
FIN JUIN 1940, SEPT BATEAUX REJOIGNENT LA FRANCE LIBRE DEPUIS SAINT-JEAN-DE-LUZ ET BAYONNE.
Refusant à leur manière la défaite et l’humiliation de l’occupation, les volontaires, partis fin juin 1940 des ports basques pour gagner l’Angleterre ou l’Afrique du Nord, ont été dans notre département les premiers résistants à prendre conscience de la nécessité de poursuivre la lutte.
Choisissant le combat aux côtés des alliés et des futures forces françaises libres plutôt que la clandestinité en France, ces hommes sont restés pendant toute la guerre des modèles de courage et de sacrifice, mais aussi des exemples imités par de nombreux réfractaires.
Les résistants pendant le seconde guerre mondiale sont souvent perçus comme des hommes ou des femmes qui combattent les armes à la main, par leurs actions militaires et violentes, l’occupant allemand. Pourtant, en se limitant à cette vision de l’engagement, on oublie généralement une composante essentielle et centrale de cette notion : celle du refus et de l’opposition.
En effet, évoquer l’histoire de la résistance française revient avant tout à parler d’un refus, celui de la défaite et de la présence de l’ennemi germanique. Si cet engagement et cette prise de conscience peuvent se matérialiser par une opposition concrète et armée sur le territoire national, elles peuvent également prendre une forme plus symbolique ou plus indirecte. Ainsi, un acte de résistance peut correspondre à une manifestation publique bravant simplement l’ordre de l’occupant comme celle que mènent les étudiants parisiens le 11 novembre 1940 en allant fleurir la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc de triomphe. De même, et plus proche de nous, au Pays basque, nous pouvons considérer comme résistants à part entière les hommes qui partent dès juin 1940 des ports de Bayonne ou de Saint-Jean-de-Luz vers l’Angleterre et l’Afrique du Nord, pour continuer la lutte ou pour ne pas subir l’autorité d’une puissance étrangère sur le sol natal.
Episode peu connu de l’histoire locale, cet embarquement de volontaires français, mais aussi anglais et polonais (militaires et simples civils), marque la naissance et l’affirmation, dans cette partie des Basses-Pyrénées, d’un esprit de rébellion qui ne fait que se développer par la suite de manière diverse.
A l’origine de cette aventure se trouve la défaite. L’année 1940 voit en effet la France traversée par les foudroyantes armées allemandes et par une foule de réfugiés (civils et militaires) qui, dans un exode sans fin, fuient vers les dernières zones non occupées dans le sud de la France. La région basque, par sa position « d’impasse » (dos aux Pyrénées et à l’Espagne inaccessible) aux antipodes de la zone théorique de combat et du front, accueille donc naturellement des milliers de ces naufragés, perdus et épuisés. Parmi les réfugiés, massés dans les grandes villes des Basses-Pyrénées, un nombre important de soldats se rassemble dans les principaux ports que sont Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans l’espoir de trouver un bateau qui leur permette de ne pas être faits prisonniers et de gagner l’Angleterre d’où ils ont la possibilité de reprendre le combat.
Parmi ces hommes se trouvent un important contingent de Britanniques et de Français en déroute, mais aussi de nombreux Polonais libres qui, après l’annexion de leur pays, sont venus en France lutter contre les Allemands. Nous rencontrons également, dans les ports beaucoup d’élèves officiers de Saint-Cyr, de Polytechnique (ou d’écoles préparatoires à ces institutions) déplacés dans le sud du pays après l’offensive germanique. Enfin, toute une foule de civils, Basques refusant la défaite, juifs craignant les nazis, lycéens (ceux de l’établissement de Marracq de Bayonne sont plus de trente) et simples réfugiés de tous horizons, parmi lesquels se glissent des (futures) personnalités comme :
– René Cassin
– Daniel Cordier, futur secrétaire de Jean Moulin
– Pierre de Chevigné, futur président du Conseil général des Basses-Pyrénées et futur ministre
– Robert Galey, futur ministre
– Jacques Monod, futur Prix Nobel
– Maurice Schumann, future voix de la France libre
– Vaslin
– le roi Zog d’Albanie
Pour tous ces candidats au départ que nous pouvons déjà considérer comme étant les premiers évadés de France (comme le sont dans les années à venir les réfractaires au Service du travail obligatoire ou les agents de la résistance ), les opérations se présentent mal. Jusqu’au 10 juin, aucun navire n’est en effet annoncé ni susceptible d’approcher la zone pour appareiller. L’ancêtre des réseaux d’évasion1 présent sur la côte basque (Intelligence Service et Military Intelligence), travaille pourtant déjà à faciliter le départ des personnes importantes pour les alliés. Ainsi, le consulat britannique de Bayonne (littéralement pris d’assaut) assure dans un premier temps un tri sélectif et délivre au compte-gouttes les quelques rares laissez-passer, principalement pour les personnalités et les soldats (par ordre de priorité, britanniques, polonais et français), permettant d’approcher des futurs sites d’embarquement. Cependant, vite débordé, cet organe doit déléguer une partie de sa tâche à l’un de ses bureaux secrets (2 place du maréchal Foch) à Saint-Jean-de-Luz que des bruits font vite rechercher par une foule de personnes voulant partir.
Toutefois, aucun bâtiment n’étant encore en vue, privilégiés ou demandeurs sont sur un pied d’égalité et attendent désespérément (et avec angoisse) sur les quais. Différentes rumeurs selon lesquelles les Allemands couperaient une main à toute personne tentant de quitter le pays pour l’empêcher de porter un fusil, contribuent à renforcer la crainte et le climat de tensions.
Finalement, le 20 juin, sept navires arrivent sur les quais de Saint-Jean-de-Luz et Bayonne :
– trois sont polonais : le Sobietski, le Bartory et le Kelso
– deux sont britanniques : l’Ettrick et l’Arranda Star
– un yougoslave, le Tsrat
– un suédois, le Tabergue.
Pris d’assaut par tous les candidats au départ, plusieurs cordons de sécurité et de triage sont mis en place par les gardes mobiles, les gendarmes et les marins des navires afin de donner priorité aux personnes ayant une autorisation.
Le premier bateau à appareiller, le 21 juin, pour Cardiff, est le Tsrat (avec à son bord, des Anglais et des lycéens ayant réussi à se faufiler). Le suivant, le Tabergue, embarque dix-sept élèves pilotes de l’école d’aviation d’Avord avec leurs instructeurs et le commandant Marnier (organisateur du départ), ainsi qu’un important matériel provenant de l’usine aéronautique de Bréguet. La destination de cette unité est le Maroc puis Gibraltar et la Grande Bretagne. Les jours qui suivent, d’autres transporteurs de troupes parviennent à échapper aux attaques des avions ou des U-boats allemands (sous-marins) et à approcher des ports basques. Le 22, le paquebot polonais Batory embarque ainsi de Bayonne un maximum de soldats polonais (mais aussi la majorité des lycéens de Marracq) avant de partir vers Plymouth. Le 24, alors qu’au même moment l’Ettrick se voit confier le sort de nombreuses personnalités et de soldats français et britanniques, le Kelso laisse monter à son bord, sans contrôle ni sélections, toutes les personnes présentes sur les quais (principalement des juifs). Les autres cargos et paquebot embarqueront par la suite une partie des soldats restés sur le port et quelques civils, la dernière unité quittant la zone le 24 juin pour arriver en Angleterre le 28.
Cependant, si une telle évacuation réussit, c’est en grande partie grâce au courage et à la prise de risques des marins qui ont accueilli sur leurs bâtiments parfois le triple de leur capacité (l’Arranda Star est prévu par exemple pour cinq cent personnes et part avec mille cinq cents individus). C’est aussi, et on l’oublie souvent, grâce à l’aide désintéressée et spontanée des nombreux pêcheurs basques, notamment luziens, quarante sardiniers et thoniers, au rythme de plus de trente rotations par jour pendant quatre jours. Ces derniers ont en effet assuré les convoyages entre les ports et les cargos en mer. Cet acte généreux, souvent décisif illustre et incarne dès cette époque la volonté de résister de beaucoup de Basques.
Résistants méconnus de la « première heure », les volontaires partis en 1940 des ports basques, qu’ils soient Bayonnais ou Polonais, officiers ou lycéens, ont donc écrit par leur refus l’une des plus belles et précoces pages d’histoire de la lutte contre l’occupant dans les Basses-Pyrénées. Cet acte a dans de nombreux cas servi, par la suite d’exemple et de référence pour les nombreux autres opposants aux nazis, nous pouvons donc le considérer comme fondateur et réfèrent.
1 Pintat A. « Vers la France libre, les départ du port de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz » Revue d’Histoire de Bayonne, Pays basque et Bas-Adour. Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne, n° 155, Bayonne p
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