Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Réseaux. Passages. Passeurs.12: Kattalin Aguirre.

 

KATTALIN AGUIRRE,  L’ÂME DU RÉSEAU COMÈTE  AU PAYS BASQUE.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°12.

 

 

KATTALIN AGUIRRE,
L’ÂME DU RÉSEAU COMÈTE AU PAYS BASQUE.

      Membre active de plusieurs organisations de résistance sur la côte basque, Kattalin Aguirre est devenue pendant la guerre l’un des personnages incontournables de l’évasion et du renseignement dans les Basses-Pyrénées.

      Travaillant successivement ou simultanément pour Margot, Nana, Comète ou Démocratie, cette réfractaire de Ciboure symbolise et illustre par son combat, l’engagement de nombreux volontaires anonymes qui, avec un rôle d’intermédiaire dans les mouvements de résistance et par des actions parfois «secondaires» (hébergement ou ravitaillement), luttent contre l’ennemi nazi avec un dévouement et un courage dignes des plus grandes figures de l’armée de l’ombre.

      Si les grandes figures de résistants ne manquent pas sur la côte basque, l’une d’entre elles mérite une mention spéciale pour son rôle à l’échelle du département, pour la longévité de son engagement et pour son sens du sacrifice : Kattalin (Catherine en basque) Aguirre.

      Née à Sare à la fin du XIXème siècle (1897), cette veuve de guerre, dont le mari est tombé gazé pendant la guerre 1914 – 1918, reste pendant tout le conflit l’un des contacts et l’un des points d’appui les plus importants pour les réseaux de résistance qui utilisent la côte basque pour leurs activités.

      Travaillant depuis de nombreuses années dans un hôtel de Saint-Jean-de-Luz tenu par sa cousine Catherine Munuega (l’hôtel Eskualduna), Catherine Aguirre est, dès le début de l’occupation, en relations avec le monde « souterrain » de la contrebande et de la Résistance naissante, par des contacts avec des clients réguliers de l’établissement, comme Florentino Goïkoetxea (fiche 10), Alejandro Elizalde ou d’autres célèbres passeurs (fiche 7) de la région. Cependant, son véritable premier engagement concret dans la lutte contre l’occupant se produit au début de l’année 1942 après sa rencontre avec une jeune femme qui cherche un logement pour trois «enfants». Ces derniers s’avèrent être en réalité des fugitifs recherchés par les nazis et escortés par Marguerite Corysande, comtesse de Gramont, future responsable du réseau d’évasion et de renseignement Margot (fiche 31). Face à cette sollicitation, Kattalin propose son habitation et signe par cela son entrée officielle dans la résistance.

      Au début, il ne s’agit que d’héberger, nourrir et préparer au passage de la frontière des officiers français, en attendant de recevoir des aviateurs alliés. Toutefois, Mme Aguirre prend progressivement une place de plus en plus importante dans le réseau et exprime le désir de s’investir plus largement dans l’armée de l’ombre. Mlle de Gramont la met alors rapidement en contact avec un agent palois, connu sous le pseudonyme de Milito (Emile Meyran), qui centralise depuis la capitale béarnaise toutes les informations recueillies par les espions dispersés dans toute la France pour le réseau Nana (fiches 10 et 13), en action jusqu’en 1945. Engagée comme contact local par ce dernier, elle se voit confier une mission hebdomadaire. Celle-ci consiste à acheminer les nombreux documents collectés depuis Pau vers la côte et à les faire parvenir aux les passeurs qui se chargent de leurs transferts en Espagne.

      En relation avec le passeur Fiorentino Goïkoetxea qui a la responsabilité de cette dernière étape, Katalin Aguirre entre peu de temps après ses premiers convoyages dans le réseau Comète (fiche 17) pour lequel ce dernier travaille régulièrement (elle y précipite même son entrée après le démantèlement de Margot , suite aux assauts de la Gestapo).

      Mélangeant ainsi les activités et les contacts avec les différents réseaux de résistance qui opèrent dans la zone basque (Comète, Margot, Nana, Mécano (fiche 13), Perroquet…), elle multiplie les prises de risques et s’impose dans chaque organisation comme un agent indispensable et incontournable. Dans beaucoup d’entre elles, son activité se limite toutefois à l’hébergement et au ravitaillement d’aviateurs, de soldats ou d’agents (fiche 2) de la résistance comme M. Mayont (Maurice dans la clandestinité) ou le colonel Richard, dit Dominiche (élément du réseau Démocratie (fiches 10 et 13)  jusqu’au moment de leurs départs nocturne vers la frontière.

           Pourtant, cette action étant insuffisante pour cette courageuse Basque, elle se lance rapidement, accompagnée par son amie Gracy Ladouce et par sa fille Joséphine (qui n’a que quatorze ans), dans l’escorte d’évadés et dans le transport d’argent ou de matériel interdit comme des postes radios émetteurs (démontés en plusieurs parties et cachés dans des sacs, Kattalin et Gracy en passent plusieurs par exemple le 5 septembre 1943 de Ciboure à Orthez).

           En cette difficile période, malgré cette multiplication des engagements et des initiatives, l’essentiel de son activité dans les rangs de la résistance consiste à loger et nourrir pour la ligne Comète des pilotes de la RAF (Royal Air Force), de l’USAF, des Canadiens, des Australiens, mais aussi des cadres du réseau comme Jean François Nothomb (fiche 18) ou de simples agents et soldats français souhaitant rejoindre les alliés. Son courage et sa volonté la poussent de même, à de nombreuses reprises, à accompagner les fugitifs sur une partie de la dernière étape (de son domicile jusqu’au tunnel de la voie ferrée Hendaye – Paris) en empruntant les ruelles de Ciboure, c’est à dire sur une partie très difficile et dangereuse de la zone interdite, puis jusqu’au point de rendez-vous à la ferme Bidegain-Berri (fiche 18) à Urrugne où le passeur Florentino Goïkoetxea attend les évadés.

      Fidèle à cette organisation comme aux autres dans lesquelles elle s’est engagée, Kattalin Aguirre mène de front, jusqu’à la libération, toutes ses activités clandestines, quels que soient les dangers. Son engagement devient ainsi de plus en plus important et essentiel au fur et à mesure de l’évolution des sollicitations des mouvements.

Personnage incontournable de nombreux réseaux présents sur la côte basque, Kattalin Aguirre reste donc pendant la Seconde guerre mondiale une référence en tant qu’agent de passage et intermédiaire pour les fugitifs de toutes les nationalités.

Illustrant parfaitement ce qu’est l’engagement et le sacrifice de beaucoup de ces anonymes (fiche 6) dans les Basses-Pyrénées, cette combattante basque montre également toute l’importance de tels résistants dans ces grandes chaînes de solidarité que sont les réseaux.

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