Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

TEULE Marcel.

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Marcel TEULE

Témoignage du 17 février 2015 à Mazerolles.

Recueilli par M-Claude Salles-Mandrou et Cl. Chadelle.

Transcrit par M-Claude Salles-Mandrou.

 

Au cours du mois de juin 1942, Marcel TEULE est convoqué à la préfecture pour un enregistrement administratif en qualité de S.T.O. (service du travail obligatoire) comme tous les jeunes  Français de la classe 1922. En effet, l’Allemagne nazie imposait au gouvernement de Vichy la mise en place du S.T.O. pour compenser le manque de main-d’œuvre dû à l’envoi de soldats allemands sur le front russe. Marcel à 20 ans, il vit à Mazerolles avec ses parents qui ont une machine à battre  à vapeur, une batteuse avec lesquelles ils pratiquent le battage du blé de ferme en ferme.

        Marcel a déjà fait les Chantiers de Jeunesse ; il ne souhaite absolument pas partir pour travailler et décide de se cacher pour se soustraire à cet appel. Son père qui a combattu durant la guerre de 14 n’encourage pas cette décision qu’il qualifie de dangereuse. C’est un homme honnête et droit, craignant les représailles : il pense que son frère ou lui-même devront le remplacer dans ce rôle de S.T.O. . Marcel ne peut envisager que son père ou bien son frère prenne sa place. Son père le convaincra et lui dira »il faut partir, sans quoi ils vont venir te tuer ».

        Ses parents font cependant pression auprès d’un ami, employé de préfecture à Pau. A la suite de ces démarches, il apprend qu’il ne partira certainement pas. En effet, à la Gare d’Assat, où il s’est rendu suite à la convocation reçue, on lui annonce qu’il peut rentrer à son domicile car son nom a été rayé de la liste. Il laisse ses camarades du S.T.O. sur le quai de la gare d’Assat et rentre à Mazerolles, persuadé qu’il n’ira jamais travailler pour les Allemands.

        Cependant, peu de temps après, il apprend que les gendarmes le recherche et, à 3 reprise, il leur échappera en se cachant dans les environs. Le maquis n’est pas loin, sur les coteaux de Boumourt, mais il n’y connait personne, il n’est pas sollicité pour s’y introduire, il ne sait que faire. Sa mère est très affectée par le départ éventuel de son fils ; il sait qu’elle ne se résignera pas. Il reste prudent mais chaque dimanche, parce que dans la famille TEULE s’et un rituel impératif, il se rend à la messe à l’église de Mazerolles. Les gendarmes, certainement informés, le cueillent à la sortie de la cérémonie, sous l’œil des paroissiens. Contraint de les suivre à bicyclette jusqu’à la gendarmerie d’Arzacq, il y passera la nuit, encadré par un jeune gendarme qu’il n’a pas oublié. Marcel TEULE n’est ni un voleur, ni un criminel, il est très fâché de cette situation mais il comprend alors qu’il va partir servir les Allemands, malgré lui, parce que c’est « obligatoire ». A partir de ce moment, pacifiste convaincu, résigné mais téméraire, il décide de tout mettre en œuvre dans son comportement pour tenter de revenir dès que possible auprès de ses parents. Ce sera sa façon de résister à l’ennemi ; il ne veut pas que sa mère continue de pleurer….

        Depuis le gendarmerie d’Arzacq, encadré par les gendarmes, il est accompagné en voiture à la villa Sainte Odile de Billère où est rassemblé un convoi de camarades. Encadrés par des Français, il ira depuis la gare de Pau jusqu’à celle de Dijon. Il est malheureux, triste et contrarié ; il ne se souvient plus dans quelles conditions il a fait ce voyage. Plus tard, dans la nuit, le convoi ferroviaire traverse la Forêt Noire, il se souvient qu’il a eu peur. Le convoi est encadré cette fois par des soldats allemands. Il arrivera en Silésie, à Dubrowa-Huta, très fatigué car le train qui les transportait n’avait pas de sièges.

        On les conduit dans une usine métallurgique de fabrication d’armements qui comporte 10 000 ouvriers. Ils sont logés dans un camp composé de baraquements en bois, non loin de l’usine à laquelle ils se rendent à pied. Il se souvient de la chambrée et des châlits. D’ailleurs, il dort au dessus de son camarade Pierre Laulhère de Mazerolles. Dans ce camp, il y a également Anselme Lassalle de Fichous-Rieumayou, Michel Crabos de Cabidos, Fourquet de Pomps….

        Il est tout d’abord affecté à un poste où il doit faire fonctionner un tour à métaux. Ne connaissant absolument pas ce travail, il fait son « apprentissage » avec un Polonais qui ne comprend pas vraiment ce que fait un Français à ses côtés à le regarder travailler. Finalement, il fera de la manutention en déchargeant les trains ; le travail est de 12 heures par jour (de 7 à 19 heures), dimanche compris, avec seulement un dimanche de repos par mois. Il y a un système de ticket pour le repas. Concernant la nourriture, il ne se souvient pas de quels ingrédients elle se composait mais elle était dépourvue de qualité et de quantité ; d’ailleurs, il avait décidé de ne pas manger et il donne la plupart du temps son ticket à son compagnon de Mazerolles. Il se souvient que l’hiver a été très rude à Dubrowa-Huta…la fatigue et le manque de nourriture s’ajoutant à la rigueur du climat.

        Il se souvient parfaitement que le 11 novembre ils ont tous décidé de ne pas travailler : il n’y a pas eu de répression de la part des gardiens. Le chef de camp est de Bizanos, arrivé certainement avec des S.T.O. volontaires.

        Bien entendu, ils reçoivent les colis des familles et le contenu leur permet des échanges ; c’est le système du troc. Ses parents font des sacrifices pour lui faire parvenir des produits de la région, du tabac qu’il peut échanger avec ses camarades d’infortune ainsi qu’avec la population polonaise qu’il trouve sympathique malgré la barrière de la langue.

        La vie au camp, Marcel TEULE la qualifie de supportable en ce qui concerne le travail ; cependant il cherche par tous les moyens à revenir en Béarn, comme il l’a promis à sa mère avant de partir. Il sait qu’il a peu de chance d’y parvenir mais il reste déterminé et il envisage toutes les solutions pour tenter un départ.  Certes, sa santé est fragile d’autant qu’il ne mange pratiquement pas ; il est très fatigué, son organisme est affaibli mais pas au point d’alerter le médecin du camp. Il apprend qu’avec un cocktail « gris – aspirine » son cœur sera certainement mis en difficulté. Il fait part de son projet à quelques camarades mais personne ne veut le suivre dans ce délire qui peut entrainer des conséquences sur sa santé. D’autre part, une année vient de s’écouler, il n’en peut plus, son moral est au plus bas, il n’a plus d’espoir et il veut tenter tout ce qui est susceptible de le renvoyer en France. Il dit « c’était partir ou mourir ». Il reste aujourd’hui persuadé qu’il serait mort là-bas.

        Au cours de sa jeunesse, il n’a jamais fumé mais les cigarettes qu’il traficote avec l’aspirine mélangé au tabac ne tarde pas à faire de l’effet : les 2 substances finissent par provoquer des palpitations cardiaques alarmantes. Il consulte le médecin du camp qui décide pour lui un travail « moins pénible » dans l’usine. Marcel est ébranlé par cette décision négative : le retour en France n’est donc pas envisagé par sa hiérarchie. Finalement, ses supérieurs ne trouvent pas à l’usine  «le travail moins pénible » suggéré par le médecin du camp et on lui remet un certificat médical pour rentrer en France. Il a du mal à le croire, mais il a réussi…. Il ne comprend pas encore à ce jour pour quelles raisons d’autres S.T.O. n’ont pas voulu le suivre dans ce délire ; il sait qu’il a été jalousé, critiqué, même si son organisme est ébranlé par l’absorption des deux substances.

        Il se présente donc à la gare de Dubrowa-Huta, cette même gare où il est arrivé il y a 11 mois…Avec son certificat médical, on lui remet un billet de train indiquant «3 000km »… Il n’a rien payé, il est monté dans le train, personne ne lui a rien demandé. Il ne se souvient plus combien de temps a duré son voyage mais il est arrivé à Paris où il s’est rendu chez des cousins avant de reprendre un train jusqu’à Pau.

        Certes, Marcel TEULE a pris des risques avec sa santé mais il a réussi ce retour qui était une véritable obsession : il revient enfin dans son village auprès de ses parents et de son frère.

        Le jour de la libération, lorsque les cloches de l’église se sont mises à sonner la victoire à tout rompre, il était sur le toit de la grange familiale avec des ouvriers. Il se souvient de ce moment où ils sont descendus du toit pour aller «boire un coup » au café de Mazerolles. La guerre était finie.

        Il a conservé, quelque part dans sa maison, ce billet de train libérateur sur lequel est inscrit «3000km »…

 

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