Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

HOURCABIE Jacqueline

IMGP6807Mme Jacqueline Hourcabie.

Témoignage recueilli le 20 juin 2015.
à Biarritz 64200.

Un récit sobre, concis, informatif, sans emphase émotionnelle.

 

Milieu socio-familial.

Née en 1922, en 1940, elle vit à Tours avec sa mère et étudie à l’école normale d’institutrices.
Le père, militaire de carrière, a fait la guerre 14/18 ; et pour la seconde guerre, il est basé à Bohain-en-Vermandois près de Saint-Quentin (02) ; il est tué –on le saura plus tard – le 18 mai 1940 avec deux autres compagnons d’armes. Des civils retrouveront par hasard les trois corps enseveli dans une couverture. La nouvelle de la mort ne sera connue par la famille que tardivement dans le courant de l’année 1940, après l’armistice, le retour de certains soldats, les débuts de l’occupation ; les événements de Dunkerque (rapatriement de l’armée en déroute) laisseront croire un moment, à Mme. Hourcabie et sa mère que le « père » a pu gagner l’Angleterre.

La perception de la guerre : la naissance d’un sentiment « antiallemand ».

Mme Hourcabie le met en liaison avec des faits précis particulièrement marquants : évidemment, le passé de militaire de son père et sa mort traumatisante parmi les premières victimes de la guerre ; la vision de l’arrivée massive des réfugiés avec les récits, les séquelles physiques de leur mitraillage par l’aviation allemande et italienne ; l’occupation avec, pendant des années, dans son quotidien d’étudiante à l’école normale, la vexation de voir l’oriflamme à croix gammée le long du campanile de l’hôtel de ville, aux trottoirs interdits par l’armée d’occupation.
A cette époque, la famille n’a pas eu connaissance de l’appel de de Gaulle du 18 juin 1940, elle connait simplement le nom de ce général qu’on sait être à Londres.
La Résistance ? pour Mme Hourcabie on « n’entre pas en Résistance » ce sont des hasards, des circonstances, des relations qui mettent en contact avec…Pour elle, c’est en 1943 que l’occasion se présente.

Contact avec la Résistance : 1943.

Contexte historique de 1943 : le S.T.O. vient d’être instauré, de ce fait de nombreux hommes jeunes doivent partir en Allemagne, beaucoup cherchent à éviter ce départ – les réfractaires – dès lors, polices allemandes et vichyssoises surveillent particulièrement les hommes jeunes. En réaction, pour un certain nombre de tâches, dont celles de liaisons, les réseaux de Résistance vont se tourner vers des jeunes filles moins surveillées.
C’est dans ces circonstances que Mme Hourcabie est approchée, chez elle, par un capitaine, ami de sa famille – elle saura plus tard qu’il appartenait au réseau Cohors-Asturies -. Il lui propose de servir de courrier entre Tours et Poitiers par la ligne ferroviaire. Elle accepte sans avoir conscience du danger encouru. Elle a 21 ans. Elle assurera ses missions de liaison jusqu’à son arrestation pendant près de un an et demi.

Les missions 1943 – 1944.

Les liaisons entre Tours et Poitiers vont devenir de plus en plus fréquente, hebdomadaires. Bientôt, on lui fournit des faux papiers, la domiciliant à Poitiers et légitimant ses voyages réguliers, hebdomadaires, depuis l’école normale de Tours. Ce qu’elle transmet dans l’appartement de Poitiers est dissimulé dans un double fond dans sa valise de linge sale. Elle ne saura jamais ce qu’elle a transporté, ni avant son arrestation, l’identité des membres de son réseau. Elle n’en a vraisemblablement pas conscience. Certains Allemands s’habituent même à la voir passer, image rassurante de la jeune fille étudiante.
A l’agent de liaison, le capitaine qui l’a recrutée va ajouter une nouvelle mission : le balisage de terrain d’atterrissage nocturne pour avion anglais. Pour cette tache, quatre agents étaient nécessaires, or l’équipe du capitaine n’en avait plus que trois. Il recrute la normalienne. On vient la chercher à l’école normale et ils gagnent, la nuit venue, un terrain à baliser près d’Azay-le- Rideau. Chacun des membres dispose d’une lampe, d’un rythme d’éclairs et envoie les signaux au commandement du chez du commando à l’approche de l’avion. Il s’agit de ces avions monomoteurs de type Lysander, utilisés pour le transport de passagers. Mme Hourcabie ne connaitra jamais l’identité des passagers débarqués ou embarqués dans l’avion, en 9 minutes.
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Par contre, après la guerre, par le jeu d’associations, elle rencontrera le pilote de l’avion de liaison qui a écrit un livre « Nous atterrissions de nuit » ; il le lui dédicacera avec ces simples mots « merci beaucoup ». Elle accomplira plusieurs missions de ce type.
Sans y participer, elle aura connaissance, sans doute par le balisage des terrains, du trafic d’armes opéré par son réseau. Les armes sont entreposées, grâce à la complicité de la propriétaire, au château de Langeais, dans uns cave à double fond, à la « barbe » des Allemands qui occupent l’endroit.

L’arrestation.

Elle a lieu chez elle, à Tours. Elle surprend sa mère qui ignorait ses activités. Celle-ci n’est pas conduite en prison car atteinte d’une crise de paludisme qui impressionne les Allemands.
Par contre, elle, elle est conduite à la prison de Tours, rue H. Martin.
Pourquoi l’arrestation ? Le noyautage du réseau est le fait d’un capitaine belge, M. Poulet arrivé à Tours dans une famille avec sa femme et ses deux enfants. Se présentant autant patriote que résistant, il est recruté pour sa connaissance des armes par le réseau, il le noyautera et le livrera.

La prison de Tours.

Elle y restera trois semaines avec 5 autres filles, d’abord au cachot puis en cellule. Interrogée vraisemblablement par la Gestapo, elle ne mentionne pas de brutalités particulières, elle ne connait rien du réseau. Les hommes du réseau seront traités avec beaucoup plus de violence et déportés pour la plupart vers Dora ou Mauthaussen, après être passés par Compiègne.

La déportation ;

Pour les femmes, elle se fait en avril 1944 en trois étapes :
– Par train de Tours à Romainville,
– Par bus gardé par des sentinelles jusqu’à Noisy-le-Sec
– Delà, selon les modalités habituelles si souvent décrites, c’est le voyage en « wagons à bestiaux » pendant 5 à 6 jours vers Ravensbrück, le camp des femmes.
Elles sont 60 femmes par wagon. Les déportées –ici des « politiques »- pensent partir en Allemagne pour des travaux forcés. Elles sont cependant interpellées à Noisy-le-Sec par la vision sur un quai voisin de femmes juives, reconnues à leur étoile jaune, chargées dans des wagons avec des enfants de tous âges, avec pour destination probable Bergen Belsen ou Auschwitz.

Ravensbrück.

– La deshumanisation. Le fait le plus marquant dès l’arrivée au camp. Elle se déroule en plusieurs étapes :
. l’atmosphère du camp : barbelés électrifiés, sentinelles, baraques..
. l’isolement des personnes agées (symbole rose),
. la mise en quarantaine en cachot, un espoir leur sera donné à travers les fenêtres par un cri de Geneviève de Gaulle, nièce du Général, évoquant la résistance de son oncle,
. la tonte des cheveux,
. la mise à nu : biens personnels, objets de valeur, dents, bagues, lunettes,… enlevés,
. l’habit rayé,
. la réduction définitive à un numéro, le 35280 .
– Simple matricule, le quotidien de la déportée, description hélas banale.
.Lever vers trois, quatre heures du matin, appel, journée de 12 heures avec un seul repas misérable. Travail épuisant dans des conditions difficiles : construction de digues et chemins en zone marécageuse.
. Les peurs : la faiblesse, le « revier », l’expérimentation médicale, trois raisons possibles de disparaitre dans le four crématoire signalé par sa fumée, l’infirmerie est tolérée pendant trois jours, au-delà on n’en revient pas.
– Atmosphère entre déportées : Quelques femmes avec des enfants de moins de 15 ans, cosmopolitisme : toutes nationalités, on se parle par gestes, expressions, égalitarisme – pas de distinction sociale ou politique -, débrouillardise (des objets, des chaussures peuvent disparaitre), la solidarité permettant la survie. Germaine Tillon y écrit même une pièce de théâtre. Fatalisme, hasard permettent la survie.

Juin 1944, départ en commando dans les Sudètes Holleischen.

Deux jours de voyage depuis Ravensbrück. Le camp est situé dans une grande ferme avec environ 300 internées. L’usine de travail est située à 3km, faits quotidiennement à pied.
Les déportées fabriquent des cartouches en deux étapes : garnir la cartouche de poudre avec de grands entonnoirs puis la sertir après remplissage. Par sa grande taille, Mme Hourcabie est affectée à l’entonnoir placé en hauteur.
Les journées de travail restent toujours de douze heures avec une équipe de jour et une de nuit qui alternent. A cela s’ajoutent des corvées de ménage dans les logements des gardiens qui permettent parfois d’améliorer l’ordinaire, en volant quelques débris de nourriture partagés avec les autres détenues ou bien de chaparder des petits objets du quotidien (boutons, ficelle, tissu).
A l’usine même, les préposées à l’entonnoir, défaisant les sacs de poudre pourront voler certaines couches des sacs en papier pour disposer de quelques feuilles qu’elles cacheront sur la poitrine et qui leur permettra d’écrire et de dessiner leur quotidien, comme le fera une détenue –Mme Lherminier, femme du commandant du sous-marin Casabianca qui gagnera la France Libre-.
Beaucoup de solidarité entre les femmes dans ce camp. La rumeur, « les rapiapias » puis des nouvelles entretiendront l’espoir. Le débarquement en Normandie du 6 juin 1944 ne sera appris que par un message laissé par un ouvrier tchèque venu dépanner une machine dans l’usine en septembre.

 

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J. Hourcabie: dernier rang, 3ème à partir de la droite, foulard blanc sur la tête.

La libération du camp, le 5 mai 1945.

Le camp est libéré par un petit commando de soldats U.S. Mme Hourcabie pèse alors 35kg. Le médecin américain leur interdit les excès de chocolat et limite leur nourriture car leurs organismes sont très fragilisés.
Le retour à l’état civil : Paris le 1er juin 1945.
Le voyage de retour vers Paris se fait encore dans des wagons à bestiaux propres, à 8 par wagon, couchées dans la paille car la plupart des déportées ne peuvent ni s’assoir ni se tenir debout.
Les autorités U.S. leur donnent un papier d’identification de déportée correspondant à leur matricule. Les trains s’arrêtent à Longuyon pour un transfert dans des wagons voyageurs. On leur donne alors des papiers d’identification, des vêtements, des chaussures et 50F par personne. Elles arrivent à la gare de l’Est et son transférées à l’hôtel Lutetia.
Après un accueil chaleureux, des rencontres ou des contacts avec les familles prévenues, des soins et des vêtements fournis par la Croix Rouge, des cartes d’identité leur sont remises.

Pour certaines déportées le retour peut être tragique : décès de proches, destructions des maisons,….
Pour la mère de Mme Hourcabie, le sort qui lui avait enlevé son mari ne pouvait lui enlever aussi sa fille. Elle la retrouvera au téléphone.

 

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Le 19 mars 1967. A partir de la gauche:           n°2  G. Tillon, n°4 Y. Le Four, n°5 J. Hourcabie, n°6 Mme Delaunay,n°7 Mme Péant dit « Petit ange ».
1946
Jacqueline Hourcabie Sète 6/10/1946

 

Epilogue.

En 1946, un pèlerinage à Lourdes regroupera déportées, prisonniers, anciens du S.T.O. : un moment d’union puissant d’une partie des victimes de guerre.
Les associations de déportées resteront unies quelques années, mais les divisions politiques les sépareront plus tard. Mme. Hourcabie restera en contact avec ses camarades de Ravensbrück dont Germaine Tillon et Geneviève de Gaulle. Elle a gardé de cette expérience jusqu’à aujourd’hui une force de caractère et une sérénité rayonnante.

IMGP6821 De cIMGP6822e parcours Mme. Hourcabie gardera toujours comme un éternel souvenir une petite trousse d’étoffe confectionnée en déportation, fermée par deux petits boutons, contenant  « comme des trésors » : une bague fabriquée dans l’usine, une petite croix de Lorraine réalisée avec des débris métalliques volés et collés sur un papier, un reste de chapelet et la seule lettre reçue de sa mère.

 

 

 

A l’issue de la rencontre, Mme Hourcabie nous a présenté le livre de Catherine Roux  » Le triangle rouge », avant propos de Geniviève de Gaulle et quelques dessins de Jeannette L’Herminier.

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Dans ce camp de concentration, Jeannette L’Herminier commence à croquer les silhouettes de ses camarades détenues. Pour échapper à l’horreur des camps, elle embellit ses camarades pour les montrer telles qu’elles auraient dû être.

Pour dessiner, elle utilise des morceaux de journaux puis des boîtes de cartouches récupérées dans le Kommando d’Holleischen, une fabrique de munitions où elle travaille.

Elle fit ainsi plus de 150 dessins, réalisés et sauvés grâce à la complicité souvent dangereuse de ses camarades (notamment Elisabeth Barbier, qui sortira du camp la plupart des dessins de Ravensbrück). Après avoir récupéré la grande majorité de ces dessins clandestins, elle les confie en 1987 au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon et au Musée de l’Ordre de la Libération, à Paris.

 

Camarade de déportation de Jeannette L’Herminier et de Jacqueline Hourcabie, Germaine Tillion a mis en lumière la vie concentrationnaire et la force de l’amitié entre les déportées à travers des manuscrits rédigés lors de sa détention.

 

Outre son opérette, Le Verfügbar aux enfers, dont Mme Hourcabie possède une copie du carnet Capturemanuscrit original, elle écrit de nombreuses notes sur le camp.

Par exemple, elle trouve, par le biais de recettes de cuisine, le moyen de noter les noms de différents responsables nazis rattachés au camp afin de les divulguer à l’extérieur. Ainsi, en prenant uniquement la première lettre de chaque ligne, apparaît un nom ou une indication.

 

 

 

 

 

 

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