Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Six évasions par avion de la B.A. de Pau-Uzein. Juin 1940.

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Six tentatives d’évasion par avion à destination de l’Afrique du Nord sont parties de la Base Aérienne du Pont-Long, fin juin 1940.

Ces tentatives d’évasion, peu connues, ont été étudiées par M. Noël Maignan qui a enquêté pour retracer le parcours de Charles Marchand dont le nom figure sur la plaque commémorative de l’église Saint Julien, quartier Lartigue à Lons. Voir  article dédié.

Ces tentatives ont connu un destin tragique puisque seuls deux des six avions qui ont quitté la base aérienne ont atteint leur destination. Celui dans lequel avait pris place Charles Marchand s’est écrasé dans les Pyrénées, en Aragon, à quelques kilomètres de la frontière française.

Article de M. Noël Maignan publié dans la revue semestrielle éditée par le Cercle Généalogique des Pyrénes-Atlantiques « Généalogie des Pyrénées-Atlantiques ». N°116 de décembre 2017. Imprimerie ICN Orthez.

           Dans la revue numéro 113 de juin 2016, j’évoquais l’enquête que j’avais entreprise au sujet des dix noms qui étaient inscrits sur la plaque commémorative de la guerre de 1939-1945 du quartier Lartigue à Pau. J’achevais cet article en m’intéressant particulièrement aux recherches concernant Charles Marchand. J’avais pu établir qu’il était mort pour la France le 22 juin 1940 dans un accident d’avion qui s’était produit en Espagne sur la commune d’Acumuer, non loin de Jaca, dans la province de Huesca. Je m’interrogeais alors en ces termes : « reste maintenant à essayer de retrouver pourquoi cet avion s’est écrasé en  Espagne à cette date et aussi quelle était la fonction à bord de Charles Marchand. Deux hypothèses sont envisageables : une mission d’entraînement avec une mauvaise  météo qui aurait fait franchir la frontière au pilote par erreur, ou une fuite de l’équipage vers l’Afrique du Nord, comme cela s’est passé pour certains, au moment de l’armistice. »

            Bien entendu ma curiosité m’a poussé à continuer mes recherches que je vais dévoiler ici.

            C’est finalement une correspondante d’un forum spécialisé dans le domaine militaire qui m’a permis de découvrir plusieurs documents relatifs à cet accident d’avion et de remonter petit à petit toute cette histoire digne d’un roman.

            C’est ainsi que j’ai pu établir que le Colonel Brault, commandant la base aérienne de Pau, avait signé le 19 juin 1940 un ordre de mission pour six équipages afin qu’ils se rendent en Afrique du Nord à bord de leurs avions type LéO 451.

  

          Sur l’ordre de mission spécifique de l’avion qui nous intéresse, je constate que le pilote était le lieutenant Marchesseau qui compte parmi les « figures » de l’Armée de l’Air. En frappant son nom dans un moteur de recherche sur Internet, je tombe tout à fait par hasard sur l’extrait du livre « Souvenirs inachevés » ( Avia éditions – 2006) écrit par l’un des survivants de cette épopée, Roger Receveau1, autre « figure » de l’Armée de l’Air. En voici quelques lignes :

« L’interdiction de vol venait d’arriver et il fallait décoller immédiatement avant de se trouver bloqué au sol. Compte tenu de la situation météo, la seule solution possible pour avoir une chance d’arriver, était de partir en direction de l’Afrique du Nord.

Six pilotes « confirmés » parmi lesquels le Cne Arnaud, Dellys, Littolff, Marchesseau et moi (je ne me souviens plus du dernier) formèrent sur place un équipage composé de volontaires désireux d’en découdre

            Pour la navigation, j’avais récupéré une carte de calendrier qui comportait l’Afrique du Nord, la France, l’Europe et la Russie sibérique. C’est dire l’échelle et la précision de cette carte. Lors de l’un de mes vols précédents, j’avais vérifié que le compas de mon avion, le 161, était à peu près juste… Pour le reste à Dieu vat.

            C’est sous une pluie torrentielle que j’ai mis les moteurs en route. Plein gaz au milieu d’un geyser d’eau sous les ailes, je décollai pour me retrouver immédiatement dans les nuages. C’était le moment ou jamais de mettre en application les quelques notions de pilotage sans visibilité que j’avais acquises au cours de mes vols sous capote comme élève bombardier. À Salon, chaque fois que j’en avais l’occasion, je m’entraînais sur link-trainer, simulateur de l’époque, malgré cela, avec un total de 250 heures de vol, je n’étais guère armé pour affronter un très mauvais temps en vraie grandeur.

    Pour limiter mes manœuvres, je m’étais fixé de prendre au départ le cap 050 et de ne plus bouger pour ne pas avoir à courir après les instruments. Je n’avais qu’à me concentrer sur mon horizon artificiel et mon conservateur de cap  en attendant d’arriver à un ciel clair.

            Mais les choses ne se sont pas passées aussi facilement. Traversant une couche instable, j’avais beaucoup de mal à garder mon avion en ligne de vol. Puis à un moment la couche devint plus épaisse et du givre commence à se déposer sur les ailes. Je demandais alors à Labastarde de chercher et mettre en marche le réchauffage des carburateurs. C’était trop tard et le moteur gauche s’arrêta.

            La situation devenait catastrophique. Obligé de redescendre, je pris le cap plein nord pour m’éloigner des montagnes que je sentais toutes proches. Évidemment, j’ignorais totalement où j’étais, secoué par les turbulences et sur un seul moteur, je me battais avec les commandes pour essayer de garder le contrôle de mon appareil.

            J’étais peut-être à 500 m d’altitude lorsque subitement le rideau de nuages se déchira. Je me trouvais dans une étroite vallée, face à une paroi que j’ai réussi à éviter de justesse. Puis mon moteur gauche, qui tournait en moulinets, redémarra. Il ne me restait plus qu’à suivre les méandres de cette étroite vallée pour essayer de m’en sortir par le nord.

            Hélas, la pluie se remit à tomber et la visibilité vers l’avant de plus en plus réduite  m’obligea à remonter dans les nuages. Dégagé du relief, le temps devint de plus en plus calme et, toujours cap au nord, je sortis des nuages vers 3500 m d’altitude…

            … Des cinq équipages, seul celui du capitaine Arnaud était arrivé. (à Alger)

            Nous apprîmes plus tard que Dellys et Littolff, par suite d’ennuis mécaniques et du mauvais temps, s’étaient crashés quelque part dans le sud de la France. Marchesseau s’était planté dans les Pyrénées espagnoles, quant au cinquième nous n’avons jamais su ce qu’il était devenu. »

            Ce récit éclaire parfaitement la situation qui s’est présentée aux 6 pilotes et l’on peut en conclure que l’avion du lieutenant Marchesseau n’a pas eu la même chance que celui de Roger Receveau.

            L’équipage de cet avion était constitué par les lieutenants Marchesseau et Destrem, les adjudants-chefs Boulesay et Marchand, le sergent-chef Lastrade et caporal Labrousse.

            Mais l’histoire ne s’arrête pas là !

            En effet, d’autres documents recueillis sur des sites espagnols montrent que le crash de cet avion a suscité une sorte de légende autour du petit village d’Acumuer. Selon ce qui est rapporté dans certains journaux, les habitants du village se seraient tout d’un coup enrichis en découvrant de l’or dans l’épave. Réalité ou fiction ? Selon certaines sources consultées, il apparaît que les autorités ont été rapidement prévenues et que les Gardes Civils sont arrivés sur place le jour même. Selon d’autres sources, ils seraient arrivés plusieurs jours après. Un document officiel datant du 6 juillet 1940 donne l’état des objets retrouvés dans l’épave. On peut considérer qu’il y avait effectivement un petit trésor avec 12 710 F en billets de banque et 130 000 F en obligations d’État dans le portefeuille de Marchesseau et 1955 F dans le portefeuille de Lastrade.

            Selon certains chercheurs espagnols qui ont étudié cette affaire, plusieurs éléments laissent penser que cet avion transportait des fonds confiés par les services gouvernementaux repliés à Bordeaux. Ceci bien évidemment dans le but de participer au financement des troupes de l’Afrique du Nord.

            Charles Marchand repose actuellement dans la nécropole nationale de Cambronne-lès-Ribécourt, dans l’Oise, après qu’il eût été inhumé dans le petit cimetière du village d’Acumuer dans des conditions un peu particulières comme le relate l’extrait du registre d’état-civil que l’on peut lire page suivante. Comment se fait-il que 12 jours se soient écoulés si les Gardes Civils étaient bien là rapidement

 

1 – Le Lioré et Olivier LeO 451, appelé communément « LeO 45 », était un bombardier du constructeur français Lioré et Olivier, dont le prototype vola pour la première fois le 16 janvier 1937. Le LeO 45 était équipé d’un canon de 20 mm sur le dessus qui protégeait l’avion des attaques de chasseurs par l’arrière. Afin de dégager l’axe de tir de ce canon, le constructeur avait opté pour la solution d’un double empennage (deux dérives) en place du classique empennage composé d’un unique gouvernail. L’équipage normal était constitué par le pilote, un navigateur, un   radio, un mécanicien et un canonnier.  

 

1 – Roger Receveau, né en 1919, est pilote de planeur à 16 ans, d’avion à 17, et breveté pilote militaire à Istres. Moniteur à Salon avant de rejoindre l’A.F.N. aux commandes d’un LéO 45 en juin 1940, il participe à diverses campagnes avant d’être abattu par la flak, en Allemagne, en octobre1944. Il reste 8 mois en captivité. En 1946 il intègre le Centre d’Essais en Vol et fait partie des quatre premiers brevetés pilotes d’essais après guerre avec C. Cabaret, Y. Brunaud et G. Grigaut.

Extrait du livre « Souvenirs inachevés » de Roger Receveau, Avia Editions, mai 2006: cliquer ici.

Autres documents communiqués par M. Noël Maignan.

 

 

Déclaration du crash. Etat major de l’armée. Madrid le 22/10/1940

 

 

 

 

 

Lieu du crash. Pic de Bucuesa. Village d’Acumuer, province de Huesca.

 

 

 

 

 

Livret militaire de Charles Marchand

 

 

 

Acte de décès de Charles Marchand, retranscrit dans les registre d’état-civil de la commune de Moussy (51).

Remarque:

La date exacte des événements pose question:

  • l’ordre de mission est daté du 19 juin 1940,
  • le livret militaire indique le décès le 21 juin 1940,
  • l’acte de décès mentionne le 22 juin,
  • le commandant Receveau ne donne aucune date.

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