Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Servir ou désobéir. Le dilemme des gendarmes. Incident du 14 juin 1944 à Lasseube.
Servir ou désobéir ?
Jean-François Nativité a consacré un ouvrage à cette problématique qui voit « la gendarmerie, institution légitimiste et légaliste, déchirée entre son devoir d’obéissance à l’Etat et son souci d’être au service de la Nation, en une période où la scission entre Etat et Nation prend de la consistance. Chaque gendarme, individuellement, se trouve lui aussi confronté à cette situation inédite, ce qui explique l’éclatement des comportements individuels, attentistes ou engagés, surtout en 1943 et plus encore en 1944 ».
Préface de Jules Maurin in : Nativité Jean-François, Servir ou désobéir ?, Vendémiaire Editions, Paris, 2013, 479 pages.
Le document reproduit ci-dessous donne un exemple de la difficulté de comportement des gendarmes confrontés à des situations ambiguës pendant la période qui a suivi le débarquement de juin 1944, avant la libération du département.
Il montre, aussi, combien leur hiérarchie avait de difficultés à se positionner elle même.
Source : archives de l’association.
Incident du 14 juin 1944 à Lasseube.
Dissimulation malgré demande écrite émanant de l’intendant du maintien de l’ordre Marty de Toulouse.
Rapport du capitaine Vincent, commandant de la section de gendarmerie d’Oloron (9 août 1944) sur les agissements du gendarme Guegou de la brigade de Lasseube (n°716/2).
Le 13 juin 1944 vers 2h. le gendarme Guegou quittait sa brigade afin de ne point obéir à la mesure de regroupement et s’enfuyait dans les bois environnants.
Le lendemain 14 juin il retournait à Lasseube coiffé d’un béret basque et affublé des insignes du grade d’adjudant-chef, il se présentait comme tel au maire de la localité. Après avoir exigé la mise en place immédiate du drapeau à la mairie il faisait sonner le tocsin et haranguait la population sur la place du bourg ; puis il disparaissait dans les bois environnants pour se réfugier chez un cultivateur.
Informé de ces faits le 15 juin le capitaine commandant la section a demandé aux autorités du bourg de vouloir bien faire inviter le gendarme Guegou à se présenter sans délai au capitaine. Le lendemain à 8h le gendarme Guégou s’exécutait. Il apparut alors au commandant de section qu’en raison de l’état psychique anormal marqué par les périodes de nervosité extrême alternées de dépression profonde, le gendarme Guegou ne possédait point le contrôle de ses actes. A l’issue d’un rapide examen, le Dr Foix concluait à la nécessité d’un transfert à Pau pour une mise en observation de l’intéressé. Dès son arrivée à Pau, le gendarme Guegou était admis à l’asile d’aliénés qu’il quittait le 4 juillet nanti d’un congé de convalescence d’un mois renouvelable.
Au cours de l’incident qu’il a créé, le gendarme Guegou s’est couvert de ridicule.Il a donc gravement compromis le prestige de la gendarmerie toute entière dans l’esprit d’une partie de la population. Grâce à la compréhension des autorités et des notables, le commandant de la section a pu néammoins redresser la situation actuellement normalisée par les brillants succès remportés par la brigade dans la poursuite et la capture d’une bande armée opérant dans la région, incidents au cours desquels le commandant de brigade a exposé sa vie. Il ne subsiste plus en définitive que le ridicule attaché au gendarme Guegou.
Le gendarme Guegou admis dans la garde le 16 février 1935 est passé dans la gendarmerie le 10 août 1936…33ans, marié, 2 enfants.
En conclusion le gendarme Guegou ne possédait point le contrôle entier de lui-même au moment où il a commis les actes qui lui sont reprochés ; il s’agit donc d’un malade et son cas appartient au domaine médical.
C’est dans cet esprit que le commandant de section ne propose actuellement aucune sanction contre le gendarme Guegou, lequel bénéficie d’un congé de convalescence expirant le 4 septembre (consigné à la caserne jusqu’à expiration du congé). Toute sortie de l’intéressé conditionnée par l’obtention préalable de l’autorisation du commandant de section demeure limitée et surveillée par un militaire du poste.
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