Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Sabotage de l’usine Dewoitine. Pau, 13 mai 1944. Témoignage publié en novembre 1944.
L’usine Dewoitine de Pau a été sabotée le 13 mai 1944. Louis Poullenot attribue ce sabotage à l’ORA.
Dans la brochure intitulée « La Résistance à Pau (Bas.-Pyr.) – Le Passage des Pyrénées » (Mme FLACH (ex Mme GUERIN), Imprimerie Commerciale, 11 rue Maréchal-Joffre à Pau, dépôt légal: 2ème trimestre 1945) est publié un témoignage titré « Comment Fri-Fri et sa bande ont fait sauter l’usine Dewatine (sic)).
Transcription du témoignage publié:
Comment Fri-Fri et sa bande ont fait sauter l’usine Dewatine
Cela s ‘est passé par une soirée d’avril. Nous avions couru tout une nuit, sous une pluie battante, pour trouver des explosifs. Nous étions crottés, couverts de boue et, par malchance, j’avais justement mis mon costume neuf !
Dans la journée, nous avions préparé nos explosifs et, à 9 heures, tout était terminé. Après quelques instants de repos, nous nous sommes mis en route : il était 11 heures environ.
Nous nous dirigeons alors vers les filtres de Guindalos, et nous nous arrêtons à la barrière du chemin de fer qui se trouve sur la route de Gan. Nous allumons une cigarette « la cigarette du condamné » selon la plaisanterie rituelle. Puis, nous repartons, en rasant les murs, comme des malfaiteurs préparant un mauvais coup. Nous voici au pied du mur de l’usine Dewatine. Un homme en faction sur la rue, les cinq autres au pied du mur : une courte échelle, un peu de voltige, nous sommes sur le faîte. Bien à plat ventre sur notre mur, nous surveillons attentivement les abords et l’intérieur de l’usine. L’un de nous se laisse choir : à peine un bruit mou sur le sol trempé. Il part en reconnaissance, se glissant furtivement dans la nuit noire comme de l’encre. Puis il revient silencieusement : rien de suspect. Nous rappelons alors le camarade en faction, et tous, nous franchissons le mur.
A tâtons dans la nuit, nous arrivons à la porte du premier atelier. A la lueur de nos lampes camouflées, nous devinons plus que nous ne les voyons les moteurs des forteresses volantes qui sont là pour être transformés en moteurs de Messerschmidt. Là, nous posons les premières bombes.
Le chef et moi-même décidons alors d’aller cueillir les gardiens qui se tiennent à l’autre bout de l’usine dans un bâtiment réservé à leur usage. Avec des ruses de Sioux, nous arrivons à ce bâtiment. Je tâte la poignée de la porte, elle remue ; nous avons bon espoir : peut-être n’est-elle pas fermée à clé… Le chef pousse le porte, nous nous précipitons sur les deux pauvres gardiens qui sommeillaient sur des chaises. Nous hurlons le chef et moi : « Haut les mains », suivi d’un puissant… « Ferme ta gueule ! » et arracher le fil du téléphone ne demande que quelques instants. Ils sont à notre merci ! Nous commencions à les ligoter quand, tout à coup, une sonnerie retentit. Je bondis en hurlant : « Qu’est-ce que c’est que ça ? » . Le brave gardien se met à bégayer : « C’est mon réveil-matin que j’ai dans ma poche ! ».
Un des hommes les garde, et nous reprenons notre travail interrompu pendant quelques instants. Les charges de plastic succèdent aux charges de plastic, un interminable atelier est entièrement miné, machine par machine.
Nous allons dans un autre atelier, celui des moteurs : chaque moteur est miné. Puis nous passons à l’essence où nous disposons nos charges en éventail de façon à ce que tout saute d’un seul coup.
Nous vérifions notre travail, écrasant les crayons qui feront partir les charges dans une demi-heure. Puis, après avoir mis les gardiens à l’abri, nous quittons les lieux tranquillement sans bruit. Il est à ce moment 2h30. Une demi-heure après, une première explosion ébranle l’air, puis les explosions se succèdent. A la quatrième, un grand feu s’élève : l’essence vient de s’enflammer.
Du haut des filtres de Guindalos, nous contemplons le fruit de notre travail . Puis, tranquillement, le cœur content d’avoir accompli notre devoir, nous rentrons prendre un peu de repos car demain nous recommencerons le même travail ailleurs.
Louis Poullenot attribue le pseudonyme Fri-Fri à MERCIER. (page 326).
Louis Poullenot évoque l’activité de sabotage de l’ORA avec l’aide du B.C.R.A dont la destruction de l’usine Dewoitine par l’ORA (page 198).
Claude Laharie évoque la création, sous l’impulsion de Bénony, d’un échelon « destruction et sabotage » au sein de l’ORA/CFP au début de 1944 et y associe l’activité de Henri Mercier et la destruction de l’usine Dewoitine. (page 348).
Benoit Laulhe attribue lui aussi la destruction de l’usine Dewoitine à l’ORA/CFP. Voir l’article correspondant.
Henri Mercier, né le 1er décembre 1917 à Cerizay (79), est homologué FFC et FFI.
Henri Mercier est décédé en 1953. Inhumé à Cerizay, un hommage lui a été rendu en 2015 à l’instigation d’André Latusque qui a fait partie du groupe de sabotage qu’animait Henri Mercier. Voir article de « La Nouvelle République » du 11 mai 2015.
Pour en savoir plus.
Dans l’introduction du témoignage de Fri-Fri, est mentionné: « un grand chef, parachuté il y a quelques mois dans la région de Toulouse et qui a trouvé une mort glorieuse le 8 juin dernier, au cours de l’attaque d’un train allemand à Moissac ».
L’échelon « destruction et sabotage » du CFP a été formé et instruit par Bernard Amiot comme Benoit Laulhe le rapporte dans les articles qu’il a consacré aux actions que ce groupe a menées au printemps et à l’été 1944.LES PREMIÈRES OPÉRATIONS (JUIN 1944) , LE C.F.P. SE MET EN ORDRE DE COMBAT
Bernard Amiot fait l’objet d’une synthèse biographique dans le dictionnaire Maitron des fusillés. Pour y accéder: cliquer ici.
Bernard Amiot est homologué FFC , FFI.
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