Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Rafle de Nay. 26 août 1942.

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La rafle des juifs étrangers à Nay le 26 août 1942.

 

 

Contribution de M. André Narritsens.

Parmi les réfugiés de l’exode, figurent des juifs français et étrangers, ces derniers assignés à résidence. Tous connaissent des conditions de vie très difficiles mais si les juifs français se considèrent à peu près à l’abri des persécutions, les étrangers, qui ont souvent transité par le camp de Gurs avant d’être assignés à résidence, vivent dans la crainte permanente de la répression.

A Nay, combien sont-ils ? Il est difficile de le savoir tant les archives sont rares. Deux documents permettent cependant d’approcher la situation. Le premier(1), non daté mais vraisemblablement rédigé en 1941(2), fait état de la présence de cinquante-trois polonais, dix-sept allemands, cinq « autrichiens », un apatride d’origine polonaise, un russe, six hongrois, un tchèque, soit un total de quatre-vingt-treize personnes(3). Le second(4), rédigé, au lendemain de la rafle du 26 août 1942, indique que la liste des personnes à arrêter contient 223 noms. Ce chiffre correspond sans doute au point le plus haut de la présence des juifs étrangers à Nay.

En tout cas, ce nombre est considéré suffisamment important pour décider d’un dispositif particulier de rafle : au petit matin du 26 août des cars spécialement affrétés se tiennent à disposition des gendarmes(5) qui vont rafler à leur domicile les personnes figurant sur la liste dressée par la préfecture. L’opération connaît un résultat très mitigé : « sur les 223 étrangers figurant sur la liste, 50 seulement ont été arrêtés, 135 étant partis au cours de la nuit et la différence, soit 38, faisaient (sic) l’objet de situations particulières telles que maladie ou âge ». D’évidence, des fuites se sont produites malgré les consignes de secret prévues par la Préfecture mais l’information n’a pas atteint tous les concernés.

Les raflés sont conduits au stadium de Pau, situé en face de la gare, pour être bientôt acheminés en train vers Oloron puis Gurs.

Déçues du résultat de l’opération, les autorités de Vichy ordonnent de nouvelles vérifications d’identité ainsi que des perquisitions domiciliaires. La catégorie des « déportables » est élargie et les enfants doivent désormais être intégrés aux convois(6).

Ceux qui ont échappé à la rafle et qui sont parfois revenus à leur domicile, ainsi que ceux qui ont « bénéficié » des exceptions (âge, maladie) ne tardent pas à être rattrapés par la répression. Le 17 septembre le préfet des Basses-Pyrénées rappelle au commandant de gendarmerie de Pau une note de Vichy obligeant le regroupement de tous les juifs étrangers du département au camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) qui, dans la zone dite libre, joue le même rôle que Drancy en zone occupée. Le préfet obtempère, mais, en présence de difficultés provisoires d’accueil à Rivesaltes décide que les intéressés seront placés en résidence obligatoire à Eaux-Bonnes, à peu près vidée de ses curistes. Les juifs étrangers de Nay et de la région de Pau(7), sommés de rejoindre la station le 30 septembre « après s’être assurés un logement » y sont conduits au jour dit au nombre de 250 dans quatre cars(8). Astreints à résidence, hébergés dans des hôtels réquisitionnés ou chez des particuliers, soumis à des contrôles quotidiens de la gendarmerie, ils vont y rester quatre mois avant d’être transférés par train, au cours d’un voyage interminable de trois jours, vers la Creuse au camp de Guéret(9).

On le voit, l’acharnement de Vichy contre les juifs étrangers est très important et méthodique. Fut-il perçu ainsi par la population et quelles furent les réactions de celle-ci ?

L’arrivée massive des juifs dans la région de Nay avait modifié fortement la physionomie de la ville, multipliant les situations précaires et compliquant un ravitaillement déjà difficile. Dans le rapport, déjà évoqué, rédigé au lendemain de la rafle, l’inspecteur Laffont note que « ces opérations ont fait l’objet de commentaires différents de la part de la population nayaise » et regrette « l’état d’esprit français toujours prêt pour la critique ». Il observe que si d’aucuns considèrent que le coût de la vie et la rareté des produits trouvent leurs causes dans l’arrivée d’une population nouvelle, les méthodes utilisées lors de la rafle sont « défavorablement commentées, même par la partie saine (sic) de la population» et notamment le fait d’avoir « séparé les membres d’une même famille ». L’inspecteur Laffont ajoute également qu’on regrette à la fois « que les quelques israélites employés dans l’agriculture aient été arrêtés, alors que d’autre, oisifs, ont été laissé chez eux ». Marquées par l’air du temps ces notations reflètent sans doute des attitudes réelles mais la responsabilité des allemands est pointée : la population considère que les mesures trop « rigoureuses » prises l’ont été « à la suite de la pression des autorités occupantes » qui, pour l’heure,… n’occupent pas encore la zone sud.

1) AD 1031 W 69.
2) AD 2031 W 228, une note du préfet des Basses-Pyrénées au ministre de l’Intérieur, en date du 24 juin 1941, décompte pour le département : 593 juifs français et 640 juifs étrangers, soit un total de 1 233.
3) Des juifs turcs (familles Algazy ; Farhi et Lévy) séjournent également à Nay. En raison de la non-implication de la Turquie dans la guerre, ils bénéficient d’une situation juridique assez protectrice (passeport Nansen qui permet aux réfugiés apatrides de voyager).
4) AD 1031 W 228, Rapport de l’inspecteur Camille Laffont du service départemental des Renseignements généraux au commissaire départemental chef de service à Pau.
5) Les gendarmes de Nay ont reçu le renfort d’autres brigades du département.
6) Des familles nayaises ont soustrait des enfants à l’abandon en les prenant en charge jusqu’à la libération du territoire. Soixante-dix ans plus tard, quelques-unes d’entre-elles seront considérées par l’Etat israélien comme « Justes parmi les nations ».                                                                                                                                                                     7) La note du Préfet au commandant de gendarmerie de Pau traitant de l’ « éloignement des israélites étrangers » s’applique aux communes de Morlaàs, Soumoulou, Meillon, Nay, Gan et Lestelle-Bétharram. AD 1031 W 228.
8) AD 1031W 228
9) Le 9 janvier 1943, le secrétaire général de la Préfecture des Basses-Pyrénées informe ses services que « conformément aux instructions ministérielles, les autorités allemandes ont été avisées du prochain transfert dans la Creuse, des israélites étrangers résidant aux Eaux-Bonnes et à moins de 30kms de la frontière ». (AD 1031 W 228).

Pour en savoir plus sur le transfert par train vers Guéret: cliquez ici .

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