Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Préfets des Basses-Pyrénées vus par la Résistance. Décembre 1943.

Les préfets, sous-préfets et secrétaires généraux font l’objet d’un rapport au chef du NAP pour évaluer leur comportement vis à vis de la Résistance.

 

 

 

 

Transcription du rapport d’évaluation des personnels préfectoraux transmis au chef du NAP en décembre 1943. 

 

 

Rapport du N.A.P préfecture au chef départemental N.A.P. sur la mentalité des préfets, S.P. Et Secr. généraux vis à vis de la Résistance.

DEPARTEMENT DES BASSES-PYRENEES

PERSONNEL DE L’ADMINISTRATION PREFECTORALE.

A. PREFETS

1940 – Mai – CHIAPPE Angelo

Frère de l’ancien Préfet de Police à qui il doit toute sa carrière. Personnage falot qui se trouve dépeint dans les deux anecdotes suivantes :

Pendant la guerre de 1914 – 1918, grâce à l’appui de son frère, déjà tout puissant au cabinet de M. MALVY, alors ministre de l’Intérieur, il avait été nommé sous-préfet à titre intérimaire au Blanc, département de l’Indre (à moins que ce ne soit Issoudun).

On s’ennuyait ferme dans cette petite sous-préfecture berrichonne et pour tuer le temps, M. le Sous-Préfet et les officiers de l’armée américaine cantonnés dans la ville décidèrent de créer… une maison de tolérance et de l’inaugurer par une belle fête.

Le jour de la cérémonie ; M. le sous-Préfet revêtu de son uniforme porta comme il se doit un toast dont voici l’envolée finale : « Messieurs, an nom du Gouvernement de la République, je déclare ouverte cette maison close » ! Puis, bras dessus, bras dessous on sortit dans la rue en chantant et en faisant des zigzags. Mais la  » Military Police » veillait ; elle arrêta immédiatement ceux des officiers qui paraissaient avoir le plus souffert des « tournées de whisky » … et fit un rapport au Grand Quartier Général. L’affaire fut transmise au Ministère pour information et…M. Angelo CHIAPPE remercié.

L’ascension de son frère devait bientôt lui permettre d’être réintégré dans les cadres de l’Administration Préfectorale et c’est ainsi qu’après avoir occupé divers postes, il se trouvait au moment des événements de mai – juin 1940 à la tête du département des Basses-Pyrénées.

L’afflux des réfugiés, les ordres contradictoires reçus d’en haut, la nécessité de prendre sous sa propre responsabilité des décisions urgentes ne tardèrent pas à mettre sa cervelle à l’envers. Mais un incident devait, littéralement, le terrasser.

Dans les jours qui suivirent l’armistice, des officiers allemands accompagnés d’une auto-mitrailleuse se présentèrent à la grille de la préfecture en demandant à parler au préfet. Angelo CHIAPPE se crut perdu et pria son entourage de demander au général commandant le département de venir à son secours.

    • Envoyez moi ces messieurs, répondit simplement le général Altmeyer, je vais les recevoir.

En effet, les officiers allemands furent dirigés sur le bureau militaire où le général leur exposa sur un ton sec que la convention d’armistice leur interdisait de franchir en armes la ligne de démarcation et que dans ces conditions il se refusait de les entendre.

Le Allemand repartirent mais Angelo CHIAPPE avait eu grand peur et le voisinage de la zone occupée ne lui disant rien qui vaille, il n’eut dès lors d’autre pensée que de s’en aller bien loin….

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Ses capacités professionnelles et son attitude politique étaient au niveau de sa valeur morale.

Laissant entièrement la bride sur le cou à ses chef de service, il signait sans lire tout ce qu’on lui soumettait. Il eut été d’ailleurs bien incapable de formuler une observation judicieuse sur les affaires qui lui étaient présentées.

En politique, il se disait radical-socialiste, c’était alors la teinte à la mode. Lorsque M. BRUSTIER venant du cabinet de M. Albert SARRAUT prit ses fonctions de Trésorier Payeur Général du département, Angelo CHIAPPE le pria avec instance de réorganiser le parti radical-socialiste à PAU. M. BRUSTIER ne crut pas devoir accepter.

En octobre 1940, le poste de Préfet du Gard fut pourvu d’un titulaire qui n’était pas satisfait de sa nomination et ne demandait qu’à permuter. C’est dans ces conditions que Angelo CHIAPPE partit à Nîmes et que M. DOCOMMUN vint à PAU.

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1940 – Octobre – DUCOMMUN Emile

Venant de l’Administration des Finances où il avait été notamment Directeur du personnel au Ministère des Finances et Payeur Général de la Seine.

Au moment de l’entrée des Allemands à Paris, il se serait opposé avec énergie à la mainmise des occupants sur des valeurs du Trésor. Cette attitude l’aurait signalé à l’attention du Gouvernement dans une période où on recherchait des préfets à poigne.

A la vérité, M. DUCOMMUN en acceptant d’entrer dans l’Administration préfectorale s’était fourvoyé car ses qualités de comptable devenaient un défaut dans un poste où il faut voir les questions de haut et se borner à donner une impulsion générale générale aux services au lieu d’examiner chaque affaire à la loupe. Malgré ses qualités incontestables d’intelligence et de travail, il est permis de dire que du fait de ses méthodes vicieuses M. DUCOMMUN avait professionnellement échoué dans sa mission.

Clérical forcené, il voyait dans le gouvernement de Vichy la matérialisation de son idéal politique. Dévoué corps et âme au Maréchal, il organisa sa visite à PAU qui fut le prélude à toute une série de voyages analogues. Il est permis d’affirmer que dans la première période de son existence, le gouvernement de Vichy n’eut pas de représentant plus dévoué que M. DUCOMMUN.

Malgré cela, profondément honnête et s’efforçant à être juste, à l’égard de ses administrés comme de son personnel. Mais sa déformation cléricale était telle que lorsque il disait « Pas d’interventions politiques » il sous-entendait à part lui «  Pas d’interventions de gauche » car il s’accommodait très bien des pressions amicales de M. Léon BERARD ou de M. Ybarnegaray.

Ses relations dans les milieux gouvernementaux de Vichy lui avaient permis , cas unique, de recouvrer l’administration directe de la partie occupée du département, ce qui lui donnait sans doute des satisfactions d’amour propre mais, dans la pratique, n’allait pas sans inconvénients. En effet, la correspondance entre PAU et BAYONNE était fort lente du fait du passage de la ligne de démarcation et, d’autre part, M. DUCOMMUN , se trouvait obligé de se rendre chaque semaine à Bayonne, par la route afin de régler sur place diverses questions.

Les Allemands voyaient d’un mauvais œil ce va-et-vient et un jour il arrêtèrent la voiture, fouillèrent les papiers et internèrent le Préfet à Mont-de-Marsan pour violation de la convention d’armistice. Il est vraisemblable qu’ils se plaignirent à Vichy et demandèrent le rappel du Préfet, car, peu de temps après, des instructions venaient rappeler que les territoires situés en zone occupée étaient entièrement indépendants des Préfectures situées en zone dite libre et M. DUCOMMUN était mis en disponibilité.

Grâce à l’appui de Jardel, ancien Directeur du Budget au Ministère des Finances et naguère Secrétaire Général du Maréchal, il était quelques mois plus tard réintégré dans les Finances, Administration qu’il n’aurait jamais dû quitter, au titre de Receveur Central des Finances. Il était resté deux ans dans le pote de Préfet des Basses-Pyrénées.

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Octobre 1942 – GRIMAUD Paul-Emile.-

A l’encontre de son prédécesseur qui était et demeure toujours un étranger à la « Maison » M. GRIMAUD pourrait dire  » nourri dans sérail, j’en connais les détours ». Il est en effet fils et frère de Préfets.

Entré dans l’Administration préfectorale l’âge de 23 ans, il gravit très rapidement les échelons de la hiérarchie tandis que son frère aîné demeurait 13 ans sous-préfet de Pontarlier. En 1936 vers 38 ou 39 ans il est nommé Préfet par le Ministre Salengro. Il passe ainsi quelques années dans les Landes, puis dans un département de Bretagne où il lui revient en mémoire que son père a été jadis sous-préfet à Riom et en fort bon termes avec M. Pierre LAVAL alors député du Puy-de-Dôme. Il n’en fallut pas plus pour « décrocher » le poste tant recherché de Pau.

Très intelligent, se mettant rapidement au fait de toutes les questions, M. GRIMAUD administre sans efforts et sans heurts son département. Il doit cette réussite sa vivacité d’esprit, à sa méthode de travail qui ne s’embarrasse pas de broutilles et aussi à sa cordialité et à sa rondeur.

Préférant le maniement des hommes à l’étude des dossiers, il arrive facilement à convaincre ses interlocuteurs qui ne lui gardent pas rigueur de ne pas avoir reçu satisfaction.

Près bienveillant avec le personnel dont in s’efforce de satisfaire les revendications légitimes.

Quant à sa position politique, il la définit lui même avec franchise et quelque ingénuité quand il déclare : « Je suis le Préfet de tous les Gouvernements ». Il faut reconnaître qu’il a su s’adapter aux changements de gouvernement et même de régime avec une agilité remarquable.

Dans son cabinet trônent en bonne place les portraits du Maréchal et de Laval. Sans se mettre à la torture, il les remplacera un jour par celui de de Gaulle s’il est encore Préfet.

Pour l’instant, il ne pers aucune occasion de dire sa haine des Allemands ce dont, après tout, il n’est pas permis de douter.

B- SECRETAIRES GENERAUX

1940 – Mai – Paul FABRE – Le cas de M. FABRE est ubique dans toute l’Administration française.

Fils d’un garçon de bureau, huissier au cabinet du Préfet, il entre à la Préfecture au cours de la guerre 1914-18 comme auxiliaire au bureau départemental des farines alors qu’il n’a guère que 16 ou 17 ans. Il est bientôt chef de ce bureau et la paix revenue, il est nommé rédacteur titulaire sans concours.

Il franchit tous les échelons de la hiérarchie jusqu’au grade de chef de bureau et dans un temps record. Il est affecté au cabinet du Préfet, poste fans lequel son destin va se dessiner.

Intelligent, courtois, mielleux même il excelle à distribuer de l’eau bénite de cour et ne tarde pas ainsi à se faire une clientèle de tous les hobereaux du pays et à s’attirer la reconnaissance et la sympathie de M. Léon BERARD et de M. YBARNEGARAY. Connaissant d’une façon parfaite l’Administration, le département et les hommes, il est un auxiliaire pour tous les Préfets qui se succèdent.

A la veille de la guerre de 1939, un poste de chef de division à la Préfecture de PAU devenu vacant, il pose sa candidature et va « décrocher » la place, lorsqu’une organisation de gauche va signifier au Préfet que le parti républicain s’oppose à la nomination de M. FABRE qui a l’appui de tous les hommes politiques de droite et qui est en outre soupçonné d’adhérer à l’Action Française et au P.P.F.

M. FABRE ne fut pas nommé mais les événements, en jetant bas la République, allaient lui fournir l’occasion d’une magnifique revanche.

Dès le début de septembre 1939, le Chef de Cabinet étant mobilisé, il le supplée avec le titre de chef adjoint. En juin 1940, il est nommé sur place, Chef de Cabinet titulaire. Quelques mois plus tard, il est nommé à titre intérimaire sous-préfet d’OLORON, fonctions qu’il exerce sans quitter PAU. Enfin, au début de 1941, il est nommé secrétaire Général titulaire de la Préfecture des Basses-Pyrénées. Léon BERARD avait payé sa dette de reconnaissance.

Ainsi, en 20 ans et sans quitter la Préfecture de Pau, M. FABRE a passé successivement dans tous les emplois depuis celui d’auxiliaire jusqu’à celui de Secrétaire Général de 1ère classe.

Il faut dire qu’il s’acquitte merveilleusement bien de sa tâche administrative ayant sur tous les autres fonctionnaires de son grade la supériorité d’avoir pratiqué l’administration active à tous les degrés de l’échelle. Aussi, bien que plus que le Préfet, étranger au département, il est la personnalité marquante de la Préfecture et c’est à lui que s’adressent de préférence les quémandeurs.

Il n’en est que plus dangereux car il a ainsi élargi considérablement le cercle de sa clientèle laquelle n’est pas composée, on le pense bien, des adversaires de Vichy.

Mais son savoir-faire, vraiment diabolique, l’a gardé de s’engager à fond et publiquement à la remorque de la Révolution Nationale. Ce sont là des imprudences qu’il a laissé commettre aux Préfets et dont il s’est personnellement abstenu ce qui ne l’empêche pas, dans la coulisse, de donner à Vichy tous les gages et toutes les satisfactions désirables. Néanmoins, il a toujours pris soin de garder une porte de sortie et actuellement il ne manque pas une occasion de se montrer aimable à l’égard de personnes dont iil sait fort bien qu’elles sont hostiles au Maréchal et à LAVAL et, par exemple, d’ajouter de sa plume quelque compliment flatteur aux lettres administratives qui leur sont destinées. Beaucoup savent ce que vaut cette sympathie mais quelques uns s’y sont laissé prendre et c’est très fâcheux.

Il ne fait aucun doute, pour les observateurs avertis de la carrière de M. FABRE, que celui-ci prépare sa « conversion ». C’est à dire qu’un beau jour à l’aide de gens de bonne foi qu’il aura circonvenus il dira à la « Résistance » : « Je suis avec vous. Je n’ai d’ailleurs pas cessé d’y être quoique voyez pu penser et si, à certains moments, j’ai paru agir dans un sens contraire ce n’était que pour rester en place et mieux vous « servir » ».

Si, par malheur, un tel raisonnement était agréé, on verrait M. FABRE tordre le cou à ses protecteurs de la veille avec une conviction égale à celle qu’il apportait à seconder leurs desseins et marcher de concert avec ceux qu’il combattait dans la coulisse.

En résumé, homme très dangereux, d’autant plus difficile à saisir sur le fait qu’il n’agit jamais franchement mais toujours par la « bande ». Néanmoins ; il est permis d’affirmer que nonobstant ses palinodies, il est tout entier acquis à la politique réactionnaire de Vichy.

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C – SOUS-PREFETS

OLORON – Septembre 1940.

CONS Henri – Fonctionnaire sans histoire qui a recueilli à Oloron, alors qu’il venait d’être démobilisé, la succession de M. Fabre. Très compétent en matière administrative et sérieux dans l’exercice de ses fonctions il ne paraissait pas avoir la « cote » auprès de Vichy qui lui avait cependant offert un poste d’Intendant de Police qui fut déclinée.

Depuis, M. Cons a du réfléchir, car nommé au début de 1943 secrétaire général du Maine-et-Loire, il vient d’être récemment promu Préfet et nommé dans l’Ariège.

Pendant son séjour à Oloron, il ne paraissait pas être très enthousiaste ni du régime de Vichy ni de la Collaboration – selon certains bruits dont nos avons pu vérifier le fondement, il aurait un peu trop usé du marché noir pour son approvisionnement personnel.

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Décembre 1942 . M.TOMASI a succéder à M. Cons à la sous-préfecture Oloron, alors qu’il arrivait de sous-préfecture de Briançon. A dû sa nomination à M. le Préfet Grimaud de qui il avait été chef de Cabinet à Mont-de-Marsan.

Pas plus que son ex patron, ne paraît avoir des convictions politiques bien assises.

Sa compétence professionnelle ne semble pas avoir l’occasion de s’affirmer fréquemment car la majorité du travail est l’œuvre du chef de bureau.

Au demeurant, grand et solide garçon qui se donne un ait cordial en affectant même le genre « rigolo ».

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AIRE S/ ADOUR – ( Landes zone non occupée)

Septembre 1940 – M. GILLES – La sous-préfecture d’Aire-sur-Adour n’est pas une sous-préfecture de « plein exercice » – il n’existe pas d’arrondissement d’Aire-sur-Adour mais seulement une sorte de bureau détaché de la préfecture dans la partie non occupée des Landes. A vrai dire cette sous-préfecture n’est qu’une simple boite aux lettres et on concevra que dans ces conditions, un sous-préfet n’ait pas eu l’occasion d’y développer ses tendances et ses aptitudes. Toujours est-il que M. GILLES protégé de M. Joseph Barthélémy ancien garde des sceaux, qui avait d’ailleurs préparé une thèse de doctorat en droit passait pour être en son for intérieur un admirateur du maréchal et de son gouvernement. Il a été muté en septembre 1943 à la sous-préfecture de Saint-Claude (Jura).

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Septembre 1943 – M. NOUAILHAC – Successeur de M. Gilles, M. Nouailhac est un tout jeune homme qui n’occupe ce poste qu’à titre temporaire. De convictions politiques il ne paraît pas en avoir encore bien qu’il fasse montre d’une grande maturité d’esprit dans l’examen des questions administratives qui lui sont confiées.

Mention manuscrite

Vu et pris disposition

Achille

Source: archives Baradat déposées à l’association.

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