Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

POUDAMPA Firmin. Carnets inédits du secteur VI de l’Armée secrète. Avant propos.

Un avant propos ouvre les carnets de Firmin Poudampa dans lequel il retrace son parcours de juin 1940 à octobre 1942, de la base aérienne de Meknés à l’école de Morlaas.

 

 

 

 

 

AVANT-PROPOS

 

J’étais sur la terre marocaine lorsqu’au matin fiévreux du 16 juin 1940 le funeste vieillard à la voix chevrotante ordonna aux Français de cesser le combat.

Je me souviens !…

Dans une chambre étroite en bordure de la piste d’envol de MEKNES, devant un poste radio, nous étions trois bons camarades, trois « élèves chasseurs », casqués et vêtus de cuir, parachute au dos, prêts à partir à l’entraînement quotidien.

La France battue !… C’était impossible !

La « Marseillaise » qui ponctua l’annonce de l’armistice sonna faux dans nos cœurs angoissés… Une main, que je vois encore blanche et longue, tourna le bouton d’ivoire. Ce fut le silence. Personne ne dit mot : ni GUILLEMAIN, le Berrichon, pourtant si bavard d’habitude, ni BOISSE, le Provençal si expansif à l’accoutumée, ni moi. Et nous partîmes chacun vers notre appareil dont l’hélice épanouie sifflait déjà.

Le Commandant GIRAULT, paternel et affligé, nous accueillit et essaya de nous réconforter : « Allons, les jeunes, tout n’est pas fini. Il y a encore un empire, toutes nos colonies à défendre. »

Quoique pacifistes dans l’âme, un immense espoir gonfla alors nos poitrines et, quelques instants plus tard, nous volions dans un ciel pur, aile contre aile, fiers de nos avions aux cocardes de France.

Il me semble, ce matin-là, que le vieux « Morane 230 » obéissait mieux à mes volontés et je lui trouvais une souplesse nouvelle. Comprenait-il, lui aussi, que tout n’était pas perdu peut-être et qu’il fallait œuvrer avec une conscience accrue ?

Dans l’après-midi, une escadrille de chasse -ou plutôt ce qui en restait- revient du front : quatre « Curtiss P37 » à la carapace de guerre, à la ligne de bouledogues agressifs. On entourait les pilotes, on les pressait de questions. Des hommes qui avaient vu la mort de près, témoins les nombreux points d’impact des projectiles qui criblaient gouvernes et fuselages.

Je me rappellerai toujours l’air à la fois furieux et résigné du capitaine THORET, survivant de la mêlée, et la mélancolie de sa voix lorsqu’il laissa tomber ces mots : « Les Boches étaient trop forts pour nous… supérieurs en nombre et en matériel. Nous avons lutté à un contre dix ! Les Anglais ne tiendront pas non plus ! C’est fini ! »

C’était donc fini ?

Mais oui, c’était fini puisqu’aussitôt, sur un ton autoritaire qui n’admet pas la réplique, le général WEYGAND ordonnait aux Français d’outre-mer de déposer les armes à leur tour.

L’appel du général de GAULLE fut sévèrement commenté. Les chefs les mieux placés ne voyaient dans cet entêtement à continuer une lutte qui paraissait sans issue que l’avidité de gloire personnelle d’un homme illuminé.

C’était pourtant alors la voix de la véritable patrie qui parlait à travers les brouillards de Londres !

Nous étions consternés ! Quelques camarades parlèrent de gagner Gibraltar. J’en connais deux, le Sergent-chef PERRIN et le Sous-Lieutenant GALIPART, qui réussirent dans leur entreprise. Leurs appareils étant stationnés à la belle étoile, sur le terrain annexe de Sidi-Aïssa, ils n’eurent qu’un garde apeuré à neutraliser.

Un autre, le lieutenant MICHEL, parti dans les mêmes conditions, fut abattu par la D.C.A. espagnole de Larache.

Nous ne volions plus.

Les avions furent rangés dans des hangars aux portes solidement cadenassées. Des sentinelles sénégalaises veillaient jour et nuit, refoulaient les rôdeurs suspects : ni les menaces, ni les galons ne les intimidaient et l’acier de leurs baïonnettes brillait sans faiblesse.

Aux termes d’une convention honteuse, les hélices et les moteurs de tous les appareils furent bientôt démontés. Des oiseaux mutilés et impuissants ! La tristesse s’empara du camp jadis tant animé.

Après un séjour à Kasba-Tadla, dans l’atmosphère brûlante des sables du désert, ce fut la démobilisation brutale et sans appel, accompagnée de cette poignante impression de mise en congé d’office parce que vous n’avez pas donné satisfaction à votre maître, parce que vous ne vous êtes pas montré à la hauteur de votre tâche !

Le gouverneur général CAMBON de la Compagnie de Navigation Mixte nous déposa sur les quais de Port-Vendres, après une traversée sans histoire.

Je retrouvai les miens après une absence de 12 mois. Je retrouvai le calme des horizons pyrénéens épargnés par la guerre. Je retrouvai quelques amis (ceux qui avaient pu échapper aux barbelés de Germanie-, amis que la mobilisation de septembre avait dispersés sous tous les ciels de France.

Je repris bientôt mon métier dans un modeste bourg du Pays Basque au cœur de la vallée souletine.

La ligne de démarcation était proche. Souvent, des teutons à uniforme vert visitaient le village car, même chez nous, en zone non-occupée, les nazis dictaient leur loi dès la fin de l’année 1940 : le gouvernement fantoche du vieux maréchal n’était qu’un instrument à leur merci.

Dès lors, pouvait-on avoir autre chose que de l’hostilité à l’égard de l’occupant et de la valetaille de Vichy ?

Avec le facteur CHALIES, vieux colonial endurci par de nombreuses campagnes, je pris l’habitude d’écouter régulièrement les émissions de Londres qui nous mettaient un peu de baume au cœur : « La Résistance française à l’oppresseur doit être totale » nous disait chaque jour la B.B.C.

A voix basse, nous chuchotions des mots de revanche.

Dans la salle obscure de l’auberge « INCHAUSPE », nous élaborions des plans et faisions de vagues projets. Dès 1941, nous étions, le facteur CHALIES et moi-même, fermement disposés à résister. Nous attendions le moment propice, nous guettions la première occasion de manifester nos sentiments et notre détermination.

Mais je ne restai pas longtemps à Aussurucq : en octobre 1942, l’Inspection Académique m’envoya à Morlaàs où je devais connaître mes premières activités de résistant.

 

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