Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Opinion publique. Mauléon mars 1943.
Perception de l’opinion publique à Mauléon au printemps 1943, peu de temps après l’invasion de la zone libre et l’instauration du travail obligatoire.
Note, établie par l’inspecteur des Renseignements Généraux détaché au poste de Mauléon, adressée au Sous-Préfet d’Oloron-Sainte-Marie.
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Mauléon, le 19 mars 1943.
Service Départemental des
Renseignements Généraux L’Inspecteur CARBOU Pierre du service
Poste détaché de Mauléon des Renseignements Généraux à Mauléon
N° 410
A Monsieur le SOUS-PREFET à OLORON
Monsieur le COMMISSAIRE PRINCIPAL, chef de service, à PAU
Rapport mensuel.
OPINION PUBLIQUE : Le fait saillant depuis l’arrivée des troupes d’opération dans mon secteur, c’est le changement survenu dans l’état d’esprit des différentes classes de la population. A l’apathie des mois précédents, à ce désintéressement égoïste que j’ai signalé à maintes reprises a succédé une inquiétude chaque jour grandissante. L’arrivée des troupes d’opération, les arrestations presque quotidiennes faites par les autorités allemandes, la mise en application du service obligatoire du travail sont les causes principales de cette inquiétude, de ce malaise général. Les gens s’attendent à des mesures encore plus sévères et redoutent le pire. D’autre part, ils ont le sentiment que le gouvernement gouverne de moins en moins et que sa position devient chaque jour plus critique. A cet égard le fait de ne plus entendre la voix du Maréchal à la Radio ni celle du Président LAVAL parait symptomatique.
J’ai signalé dans mon précédent rapport mensuel que personne ne croyait plus à la Légion Française des Combattants. Cet état de choses n’a fait qu’empirer au cours du mois de mars, surtout après l’arrestation de Mr. SAÜT, Chef Départemental de la Légion des Basses-pyrénées. On considère que la Légion n’ayant plus, dès à présent, sa raison d’être est un organisme appelé à disparaître. Au reste les cadres de la Légion pour le Pays Basque demeurent dans l’expectative et n’attendent qu’une occasion favorable pour donner leur démission, s’il n’est pas mis fin à la période de doute où ils se trouvent.
La Milice Française est vivement critiquée par la quasi-unanimité des gens qui ne l’aiment pas et qui ne veulent pas croire en l’efficacité de son action. On la considère comme une manière de Gestapo ou de formation para-militaire dont il ne faut rien attendre de bon.
Les conséquences de ces différentes réactions de ces divers sentiments sont les suivantes : le nombre d’anti-collaborationnistes et la proportion des partisans du gouvernement diminue. Ces partisans eux-mêmes se tiennent en quelque sorte « en veilleuse « , ne sachant plus exactement où est leur devoir. Devenus prudents et redoutant l’avenir ils tiennent à ne pas se compromettre. Il en résulte que ses divergences de vues semblent s’atténuer devant la crainte des événements futurs.
LES PASSAGES EN ESPAGNE : Depuis la mise en application du service obligatoire du travail le nombre de passages clandestins a augmenté dans de fortes proportions. On se trouve en présence de ce que l’on peut appeler une véritable psychose qui affecte toute la région. Ce sentiment tend à se généraliser jusque dans les campagnes et à affecter les milieux paysans. Le discours du Chancelier HITLER a été considéré comme un grave avertissement et très nombreux sont ceux qui pensent que toute la France contrainte par l’Allemagne devra prochainement lutter contre la Russie d’une façon effective. A ce point de vue la visite médicale des classes 40-41-42 qui s’est effectuée dans de bonnes conditions a produit un effet déplorable. Sur 20 jeunes qui avaient été convoqués à PAU le 13 mars dernier au titre du service obligatoire du travail, 7 seulement se sont présentés. En ce qui concerne la relève, on comptait à la date du 10 mars sur 75 ouvriers désignés, 66 touchés, cinq déclarés inaptes et 27 défaillants connus.
Les douaniers allemands qui exercent une surveillance très serrée aux abords de la frontière ont arrêté de nombreuses personnes se rendant en Espagne ou susceptibles de s’y rendre, ainsi que des passeurs. Il n’est douteux que des dénonciations ont eu lieu et continueront.
ACTIVITES POLITIQUES et des DIVERS GROUPEMENTS : Des représentants de la Milice Française sont venu à Mauléon dans le but de créer une section. Il semble que Mr. LARRAILLET Amédée, représentant de commerce et agent d’assurance à Mauléon, ait été pressenti. Quoiqu’il en soit, il aurait été chargé d’organiser une réunion de propagande à Mauléon le dimanche 21 mars dans la matinée.
Indépendamment de la Milice aucune autre activité n’a été constatée.
Les éléments suspects n’ont pas attiré l’attention sur eux. Le communisme ne s’est manifesté en aucune façon ses anciens éléments étant actuellement beaucoup plus préoccupés par la question des passages que par la question strictement politique.
ACTIVITE INDUSTRIELLE : Les usines fonctionnent au ralenti. Leur activité a été réduite de 30% par rapport à celle de 1938. Les fabriques de sandales en jute ont des réserves de matières premières suffisantes pour travailler jusqu’au mois de juin.
RAVITAILLEMENT : Les apports de bétail sur les marchés ont été satisfaisants. Le ravitaillement en légumes a été suffisant. Le beurre a fait défaut et le fromage a été très rare.
Dans l’ensemble le ravitaillement n’a donné lieu qu’à peu de critiques, réserve faite pour les prix qui sont trop élevés pour l’ouvrier et le petit fonctionnaire.
L’Inspecteur Carbou
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Référence: archives ONACVG 64.
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