Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Nay. Rapport du commissaire divisionnaire régional au directeur des services de police à Vichy, suite aux attentats de Nay du 26 août 1943.

maison carrée

Note référencée 9730, adressé par le commissaire divisionnaire, chef du service régional de Police de Sûreté à Toulouse, au directeur des services de Police de Sûreté à Vichy, en date du 1er septembre 1943.

Cette note d’ensemble, rédigée par le Commissaire SPOTTI (chef de la 17ème brigade régionale de Police de Sûreté à Pau), fait le point de l’avancement de l’enquête diligentée à la suite de l’attaque de la gendarmerie de Nay  par un groupe F.T.P.F., le 23 août 1943.

 

 

fac similé note
Note d’envoi

Transcription de la note 9730 adressée à la direction de la Police de Sûreté .    Source: archives de l’association.

ETAT-FRANÇAIS

MINISTERE DE L’INTERIEUR                      Toulouse, le 1er septembre 1943

DIECTION GENERALE

De la POLICE NATIONALE

Région de TOULOUSE                                 Le COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE

POLICE DE SURETE                              Chef du Service régional de Police de Sûreté

-N°9730-                                               A Monsieur le DIRECTEUR DES SERVICES

DE POLICE DE SURETE

–  VICHY –

J’ai l’honneur de vous adresser, ci-joint, note d’ensemble du Commissaire SPOTTI, Chef de la 17ème Brigade Régionale de Police de Sûreté à PAU, faisant le point dans l’enquête en cours sur les attentats de NAY.

Les ci-après, présentés au Parquet de Pau, ont été écroués :

1° NIVOLON Henri, 38 ans, né le 4/8/1905 à Paris (XIVème),

2° NIVOLON Eugénie, née MIRRET-COUSSET le 20/8/1904 à ………, demeurant à NAY,

3° MONTANAT Marguerite, 42 ans, née le 10/../1901 à NAY, demeurant à NAY,

Sous l’inculpation d’association de malfaiteurs,

4° LASSUS-LALANNE Thérèse, 30 ans, née VARGEZ, le 14 juillet 1913 à Asson, demeurant à NAY,

Sous l’inculpation de recel et de vol,

5° LANSALOT Charles, 26 ans, né le 24/9/1916 à ASSON, y demeurant

Sous l’inculpation de détention d’explosifs.

 

fac similé cachet toulouse
Tampon police de Toulouse

A TITRE D’INFORMATION :                                  LE COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE

LE PRÉFET RÉGIONAL

L’INTENDANT RÉGIONAL DE POLICE

LE PRÉFET DES BASSES-PYRÈNEES

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PAU

 

 

BRUGES, le 31 Août 1943

         Le 26 Août, le Commissaire DALAS et cinq Inspecteurs ont prospecté la vallée de HOURAT.

         Au lieu-dit « PERNACAUTE » ils ont découvert un véritable cantonnement dissimulé dans les buis : baraque de berger, cabane récemment construite, table rustique installée en plein air, feuillée.

         Dans les deux abris, il a été découvert une quantité assez importante de vivres et légumes frais, du matériel de cuisine et de l‘outillage, des médicaments, des documents et objets divers.

         L’état des lieux, la fraîcheur des vivres, une marmite encore remplie de haricots cuits et parfait état de conservation, attestaient un départ récent et hâtif.

         Parmi les objets et documents découverts, il convient de retenir la présence :

1°      D’une balle de 9m/m marque W.R.A., munitions utilisées par la mitrailleuse STEN

         D’un étui carton vide, marque WINCHESTER, ayant contenu 64 cartouches 9m/m STEN

        De deux balles 8m/m, munitions utilisées pour le pistolet 1892.

2°      de trois chapeaux de feutre dont un portant les initiales P.M.

3°      de quinze boites métalliques vides dont 7 portant les inscriptions suivantes : PAT – HEN – M.L.S. – JO – CUISTO – BOUBOULE – L.LOUIS.

4°      de deux livres intitulés « Histoire du parti communiste bolchevique de l’U.R.S.S. » et « Histoire du parti communiste français »

    De cinq états manuscrits intitulés « Comptes rendus financiers du mois de… 1943 – inter région… (Document d’archives d’organisations clandestines communistes)

         D’un tract « Pour un quatorze Juillet de Combat »

         D’une feuille manuscrite inachevée, intitulée « La trahison de l’armistice »

         D’un plan établi au crayon et à la main représentant une agglomération et une usine avec transformateur, dépôt d’explosif et renseignements sur les rondes de surveillance.

6°      d’un coupon semestriel (2° semestre 1943) d’alimentation portant le cachet de la Mairie d’Aureilhan.

7°      d’une partie d’enveloppe, trouvée aux feuillées, et portant comme souscription : Madeleine COUSTET, rue Gambetta, NAY.

         Ces découvertes importantes établissent d’ores et déjà

1°      que ce cantonnement était le refuge d’individus armés de mousquetons (car il a été trouvé à quelque distance des baraques un chargeur de 5 cartouches de mousqueton), de mitraillettes STEN et de révolver 1892.

2°      que ces individus sont ceux qui ont attaqué la Gendarmerie de NAY et assassiné deux gendarmes. Il y a en effet, similitude d’armement et de munitions, de même que similitude de signalement d’individus.

3°      qu’il s’agit d’un noyau de communistes-terroristes.

4°      que ces mêmes individus sont impliqués dans le cambriolage de la Mairie d’AUREILHAN et au cours duquel il a été dérobé de nombreux titres d’alimentation.       

         Exploitant la découverte de l’enveloppe, le service de Police de Sureté a procédé à une perquisition au domicile de la dame NIVOLON née COUSTET Madeleine, rue Gambetta à NAY, et a été découvert deux lettres et un colis destinés aux terroristes réfugiés en montagne. En outre, une boite en carton contenant des tracts antérieurs à 1939, des livres intitulés « Histoire du Parti communiste en U.R.S.S. », identiques à ceux trouvés au lieu-dit « PENACAUTE ».

         La dame NIVOLON reconnait servir de « boite à lettres » aux clandestins. Elle met en cause

1° une demoiselle MONTANA, habitant NAY

 2° le ménage COLLIN, même résidence.

         Elle déclare avoir été sollicitée par le nommé LASSUS, en fuite, depuis le 6 ou 7 juillet 1943, et avoir accepté de le remplacer pour recevoir les envois destinés aux individus cachés en montagne.

         La boite et les tracts lui ont été remis par une dame LAFOURCADE à NAY.

         Les époux COLLIN, dont le fils est réfractaire, alertés par l’arrestation de la dame NIVOLON, se sont enfuis et n’ont pas été retrouvés jusqu’à ce jour. La perquisition effectuée à leur domicile est restée infructueuse. A noter que la demoiselle MONTANA, arrêtée à PAU, reconnait servir de « boite aux lettres » et confirme les dires de Madame NIVOLON en ce qui concerne le rôle de LASSUS.

         Le fils COLLIN, réfractaire, compterait dans les rangs du groupe de terroristes de PERNACAUBE.

         Chez LASSUS, il est découvert des coupons semestriels, des tickets de savon, des tickets de pomme de terre, (régime) portant ou ayant porté le cachet de la Mairie d’AUREILHAN.

         L’audition de la dame LASSUS établit que le sieur LASSUS avant son départ, ravitaillait les terroristes de PERNACAUBE avec qui il se trouve actuellement. Elle établit également que l’intéressé est venu à NAY la veille de l’attentat. C’est lui qui, un jour de visite, aurait apporté à sa femme, les titres d’alimentation découverts au moment de la perquisition. Madame LASSUS reconnait volontiers que son époux lui a déclaré les avoir dérobés à la Mairie d’AUREILHAN en compagnie de ses camarades réfugiés dans la montagne.

         Tous ces éléments permettent, en conclusion, d’établir la complicité des nommés : COLLIN (en fuite), des époux NIVOLON, de la demoiselle MONTANA, de l’épouse LASSUS, dans l’affaire de NAY.

         L’identification des individus composant le groupe de terroristes réfugiés en montagne est en cours. Deux sont identifiés ; il s’agit de LASSUS Auguste, né le 28/12/1912à NAY de Bertrand et de BIDOT Noêlie, ébéniste, demeurant à NAY et COLLIN Henri, Léon, Albert, né le 31 août 1921 à MANDEURE (Doubs) de Henri et de CHELLIER Louise, ouvrier, demeurant chez des parents à NAY. Un troisième qui reçoit sa correspondance sous le nom de PAT serait en réalité un  nommé Thomas de CHAUMONT-sur-THARONNE ou LA-MOTTE-BEUVRON (Loir et Cher). Un quatrième terroriste semble devoir être identifié rapidement dans les environs de TARBES où résident ses parents, en raison des précisions fournies dans une lettre qui lui est adressée.

         La recherche du groupe terroriste, en montagne, se poursuit. Les renseignements précis recueillis en dernière heure fixent le nombre à 25. Ils sont armés de mousquetons et de mitraillettes ? Leur chef serait un jeune homme de 25 à  30 ans, présentant bien (signalement identique à celui donné par les gendarmes de NAY au sujet du groupe des criminels qui les ont assaillis). Parmi eux, figurerait un individu paraissant âgé de 40 ans, type espagnol, dont le signalement se rapprocherait de celui du chef des nommés DOUGUES, TORRES, CASTELL, et autres, terroristes auteurs d’un attentat commis à LOURDES et qui ont été arrêtés dans la région des BARONNIES. Ce chef était surnommé « Le NEGUS » en raison de son teint très bronzé.

         Le groupe de terroristes qui nous intéresse aurait quitté les cabanes PENACAUBE, vendredi 27 août, vers 15h30, après le passage des G.M.R. chargés ce jour-là de la recherche en montagne. La direction prise par les terroristes est celles des cabanes de LOUSTE. Une reconnaissance faite par la police de Sureté jusqu’à ces cabanes n’a donné aucun résultat. Les bergers observent le mutisme le plus complet cependant, une réflexion de l’un d’eux qui s’est écrié « N’allez pas plus loin, vous allez vous faire tuer » en s’adressant aux policiers, tendrait à prouver que les terroristes ne sont pas très éloignés de LOUSTE. Les enquêteurs supposant que ceux-ci sont dispersés momentanément dans la partie boisée de cette région.

         Les  époux NIVOLON, mademoiselle MONTANA, la dame LASSUS et le nommé LANSELOT, beau-frère de LASSUS, chez qui il  a été découvert une demi-cartouche de dynamite seront présentés au parquet de PAU ce jour, les quatre premiers sous l’inculpation de complicité de meurtre et le cinquième, pour qui aucune collusion n’a pu être établie, pour détention d’explosifs. La femme LASSUS sera également poursuivie pour recel de titres d’alimentation dérobés, usage de ces titre et complicité de vol qualifié.

         Les recherches à NAY continueront parallèlement à celles effectuées dans le secteur montagneux.

presse arrestation
Relation presse

Le Commissaire principal                                                                             

    S. Spotti   

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.