Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Nay. Attaque de la gendarmerie le 24 août 1943. Procès verbal de la gendarmerie.
Le 24 août 1943, attaque de la gendarmerie de Nay – pour se procurer des armes – par le maquis F.T.P.F. de Nay. Simultanément et pour créer une diversion, un dépôt de fourrages se trouvant sous la halle est incendié. 1 gendarme tué, 2 autres blessés. Une partie de l’armement est emportée par le groupe F.T.P. ( les tués et blessés étaient des sympathisants des mouvements de Résistance). In Poullenot (Louis). Basses-Pyrénées. Occupation. Libération. 1940-1945. J & D Editions. Biarritz. 1995. Voir page 228.
Transcription du procès verbal dressé par les gendarmes de la brigade de Nay, relatif à l’attaque de la gendarmerie par un soi-disant maquis, le 24 août 1943.
20 août 1943 Brigade de Nay
Attaque de la gendarmerie de Nay par un soi-disant maquis.
Mort de deux gendarmes (24 août 1943)
Ce jourd’hui 25 août 1943 à 10h, nous soussignés Bertrand André, adjudant-chef, Baute René, Gezelin Justin, Lasses Félix, gendarmes à la résidence de Nay rapportons ce qui suit.
Le 24 août 1943 à 1h30 une bande armée de pistolets et de mitraillettes a pénétré sous le porche et dans la cour de la caserne après avoir enfoncé le portail y donnant accès. Ce portail en mauvais état a cédé sous une forte poussée venant de l’extérieur.
L’adjudant-chef Bertrand et le gendarme Baute alertés par la sonnerie du téléphone et la sirène d’alarme annonçant un incendie ont été entourés et invités à mettre « haut les mains » sous la menace des armes. Ces 2 militaires ont été obligés de s’exécuter. Les assaillants ont déclaré : « C’est le débarquement » et puis l’un d’eux : « Vous avez ici un dépôt d’armes. Vous allez nous le montrer ».
Cette question a été posée plusieurs fois. Sur les réponses négatives de l’adjudant-chef, le chef de bande a déclaré que la caserne allait être fouillée.
Les gendarmes Gezelin et Lasses ont été réduits à l’impuissance et désarmés alors qu’ile se rendaient de leur logement au bureau de la brigade.
En 1941, du 23 février au 18 novembre, une mitrailleuse, deux fusils-mitrailleurs et 56 000 cartouches avaient été stockés au grenier de la brigade. Sous la menace des pistolets et mitraillettes, les 3 militaires ont dû piloter au grenier les terroristes. Ils ont défoncé la porte du galetas du gendarme Lasses et fait sauter la serrure de la porte du galetas de l’adjudant-chef. Ils ont également visité le grenier du bâtiment annexe.
Les terroristes ont alors déclaré que, puisqu’ils n’avaient pu trouver le dépôt d’armes, ils allaient prendre les armes et, qu’étant réfractaires, il leur fallait des armes. Malgré les protestations et toujours sous la menace des armes, ils ont pénétré dans les logements de l’adjudant-chef, des gendarmes Baute et Lasses. Chez les gendarmes Gezelin et Larrigalot, ils se sont fait remettre les armes par les dames de ces militaires. Ils ont pris 4 mousquetons, 2 pistolets automatiques, 1 revolver à barillet et les munitions. Ils se sont dirigés ensuite vers le bureau dont ils voulaient enfoncer la porte. Devant les protestations du commandant de la brigade, ils n’ont pas insisté et la porte leur a été ouverte. Ils ont pris 1 mousqueton, 1 pistolet, les munitions provenant d’une vacance, 2 baguettes de nettoyage modèle 1922, 1 tournevis chassoir, 1 nécessaire d’armes, 1 jumelle ordinaire avec étui. Ces objets se trouvaient dans l’ancien coffre de mobilisation, sauf le mousqueton qui était placé au râtelier d’armes.
Ils ont déclaré à l’adjudant-chef et au gendarme Baute qu’ils devraient les suivre. Ils ont insisté. Ils ont ajouté, lorsqu’ils ont vu que ces militaires n’étaient pas décidés : « Vous vous en repentirez car les Américains vont arriver dans 3 ou 4 jours ». Au gendarme Hasles, ils ont dit : « Nous comptons sur vous pour lundi prochain ».
A plusieurs reprises l’homme qui paraissait être le chef a parlé patois, le patois de la région de Toulouse.
La fille du gendarme Hasles, âgée de 13 ans, se trouvait sur la galerie du 1er étage lorsque les terroristes se sont présentés accompagnant son père. L’un des individus l’a fait rentrer dans son logement sous la menace d’un pistolet qu’il avait placé sous son nez en disant : « Rentrez et surtout pas un mot ».
Une salve de mitraillette ayant été tirée, le chef a dit : « Qui est-ce qui a tiré ? Vous êtes fous ! ». A ce moment-là, le gendarme Laporterie était étendu sur le plancher du bureau.
Les gendarmes Conter, Leydert de la B.T., Dhesse, Medus et Juston de la B.M. entouraient le mourant.
Les terroristes sont partis sur un commandement de leur chef vers 1h50. La scène avait duré 20 minutes environ. Etant désarmés, la poursuite n’a pu être organisée.
Pendant ce temps-là, le gendarme Gruenais est arrivé en courant porteur d’une mitraillette. Il était sans képi. Il a expliqué qu’alors qu’il se dirigeait vers la caserne, il avait été assailli sur le pont du gave par 3 personnes dont 1 armée d’une mitraillette. Il s’était rué sur ses agresseurs et avait réussi à désarmer le terroriste et à les mettre tous en fuite. Dans la lutte qu’il avait soutenue, il avait été contusionné au dos, à la main droite et au genou droit. Son képi était tombé dans le gave. Quelques instants après, le gendarme Joubert de la B.M. a téléphoné du bureau de poste que le gendarme Haurou de la B.M. avait été sérieusement blessé par un coup de feu et qu’il avait été transporté chez le Dr Lendrat. Ce militaire avait été assailli, désarmé et blessé avec son arme d’une balle dans le dos qui avait perforé le foie et le poumon droit. Ce drame s’était passé sur la place Pabine. Il a été transporté d’urgence à l’Hôpital Mixte de Pau.
Le Dr Lacq appelé n’a pu que constater le décès du gendarme Laporterie. Les gendarmes de la B.M. et 2 gendarmes de la B.T. logent en ville . Ces militaires ont été réveillés par la sirène. Ils se sont rendus, sauf le gendarme Gentil de la B.M. qui a déclaré n‘avoir rien entendu, sur les lieux de l’incendie qui avait été allumé par les terroristes à un dépôt de paille sous la halle au grain. Mme Gezelin, épouse du gendarme Gezelin, voyant passer de sa fenêtre au 1er étage M. Baylacq, l’a prié de dire aux gendarmes qui étaient en ville de descendre à la caserne qui était attaquée. M. Baylacq a rencontré le gendarme Conter et lui adit : « Descendez à la caserne, il y a quelque chose d’anormal qui s’y passe ». Ce militaire a avisé ses camarades sauf les gendarmes Gruenais, Haurou et Joubert et s’est dirigé avec le gendarme Leydert vers la caserne. Sous le porche, dans l’obscurité, ils ont été assaillis et désarmés. Ensuite sont arrivés les gendarmes Laporterie, Juston, Medus et Dhesse. Sur la porte de la caserne, ils se sont trouvés en présence d’individus armés et ont été invités à mettre « Haut les mains ». Le gendarme Laporterie ayant probablement esquissé un geste de défense a été tué d’une rafale de mitraillette. Il a pu rentrer au bureau situé à quelques mètres où il s’est affaissé.
Le gendarme Gruenais, qui n’était au courant de rien, a été interpellé par M. Lepère, adjoint au maire de Nay, en ces termes : « Comment se fait-il qu’il n’y ait aucun adjudant sur les lieux. Pourtant il s’agit d’un acte de malveillance ». Ce militaire s’est donc dirigé vers la caserne pour aviser l’adjudant-chef commandant la B.T. C’est en passant sur le pont du gave qu’il a été l’objet d’une agression.
Le gendarme Haurou qui ne savait rien a été avisé que le gendarme Joubert avait été blessé alors qu’il se rendait de son logement vers l’incendie. Il n’a vu aucun terroriste. Le gendarme Gentil a déclaré ne pas avoir entendu la sirène d’alarme. L’adjudant Perrin commandant la B.M., permissionnaire, est arrivé quelques instants après le drame. Le coup de téléphone avait été donné par M. le receveur des postes qui voulait nous aviser de l’incendie. La sonnerie du téléphone placée sous le porche avait été arrachée. Les terroristes avaient certainement cru couper la ligne téléphonique.
Dans la cuisine du gendarme Baute, l’un des terroristes a essayé de s’emparer d’une lampe électrique placée sur un buffet. Le gendarme a protesté. Le chef a alors dit : « Je ne veux pas de ça ! Je ne veux pas de vol ici ! ».
Les assaillants ont pu pénétrer dans le porche en forçant le portail d’entrée y donnant accès. Ce portail étant peu solide n’a pu résister à une forte poussée venant de l’extérieur.
Le groupe se composait d’une vingtaine d’hommes tous armés (pistolets et mitraillettes). Il a été remarqué 3 mitraillettes. Ils étaient jeunes, 20 à 25 ans.
Celui qui paraissait être le chef était âgé de 25 à 30 ans, taille moyenne, corpulence moyenne, visage osseux, teint mat, allure énergique. Il portait un chapeau de feutre bien enfoncé. Le signalement des autres membres du groupe ne peut être donné.
La mitraillette prise au gendarme Gruenais est de marque Sten, calibre 9mm WRA. Elle est d’origine anglaise ou américaine. Elle avait 29 cartouches dans le chargeur.
Procédant à une enquête….
- Fournier Théophile, 42 ans, commerçant, déclare :
Hier 24 courant, vers 1h25, je me retirais de l’incendie qui avait éclaté à la halle aux fourrages de Nay. Arrivé à proximité des allées Chanzy, j’ai entendu plusieurs pas d’hommes provenant du pont. Après avoir parcouru quelques mètres dans les allées, j’ai été dépassé par un groupe de 8 personnes. En passant devant moi, l’un d’eux a dit : « Nous lui avons enlevé une mitraillette à ce cochon ». Surpris par ces paroles, j’ai allumé ma lampe électrique et l’ai dirigée sur eux. Ils se sont immédiatement arrêtés et m’ont crié : « Qu’est-ce que c’est que ça ? Eteignez, éteignez ». Ayant répondu : « Si cela n’est plus permis de s’éclairer » ils m’ont crié à nouveau d’éteindre. Je me suis exécuté et ils ont continué leur chemin vers la promenade où ils sont entrés.
Après avoir parcouru 100m environ, j’ai entendu deux coups de feu tirés derrière moi. J’ai été aussitôt dépassé par un groupe de cyclistes qui se dirigeât vers Asson. Au moment du dépassement, j’ai entendu parmi eux une voix de femme qui leur disait : «Ne vous affolez pas, marchez doucement, nous avons le temps ». Comme il faisait très sombre, je n’ai pu en reconnaître aucun ni remarquer les armes dont ils pouvaient être porteurs.
- Berdecu Calixte, 43 ans, agent d’assurances :
Ce matin, vers 1h30, j’ai entendu la sirène d’alarme de la ville de Nay. Immédiatement, étant sorti, j’ai aperçu la lueur d’un incendie dans la direction de la ville. Je m’y suis rendu et en passant devant la gendarmerie j’ai aperçu un groupe de personnes auxquelles je n’ai pas prêté attention.
Arrivé au bout du pont de Nay, je me suis arrêté 5 minutes environ. Après ce laps de temps, j’ai entendu trois coups de pistolet. Quelques minutes après, j’ai entendu crier : « Au secours » par un groupe d’hommes qui couraient en direction de la ville. Lorsqu’il sont passé, j’ai remarqué que 4 ou 5 d’entre eux étaient porteurs d’une arme, fusil ou mitraillette. Par la suite, j’ai appris que la gendarmerie avivait été attaquée et qu’un gendarme était tué. De ceci, j’en ai déduit que les hommes vus quelques instants avant et porteurs d’armes étaient les auteurs de cet attentat. Je n’ai reconnu aucun des individus.
- Mirassou Jean Eugène, 46 ans, propriétaire :
Le 24 août, vers 1h45, je me rendais en ville pour me rendre compte d’un incendie qui avait éclaté quelques instants auparavant. Après avoir dépassé de quelques mètres la gendarmerie, j’ai entendu tirer 3 coups de pistolet à l’extérieur de ce bâtiment. Immédiatement, j’ai vu sortir un groupe d’hommes qui m’ont immédiatement entouré. L’un d’eux ma crié : « Haut les mains », m’a fouillé et m’a demandé si j’avais des armes. Sur ma réponse négative, il m’a dit : « On ne sait jamais ». Ils m’ont laissé repartir. Ils se sont comptés et sont partis d’un pas rapide vers la ville. M. Liot-Taillefer (79 ans) qui se trouvait avec moi n’a pas été inquiété. (Le vieillard interrogé ensuite déclare : « Celui qui a fouillé Mirassou m’a dit : « Tu n’as rien à craindre grand-père). Je n’ai reconnu aucun de mes agresseurs ; toutefois d’après le timbre de la voix, je crois que celui qui m’a interpellé peut avoir une vingtaine d’années. J’ai également remarqué que tous les 4 étaient armés de pistolets.
Mme. Dorte, née Larroque Catherine, 35 ans, commerçante :
Le 24 août 1943, vers 2h, je revenais de l’incendie qui s’était déclaré sous la halle aux grains de Nay. Je suivais le square Jeanne d’Arc lorsqu’une détonation dont je n’ai pas fait cas à éclater. Après avoir parcouru une dizaine de mètres environ, j’ai aperçu un homme qui venait vers moi. Il marchait courbé tout en tenant les bras croisés sur sa poitrine. En arrivant sur moi, il a dit : « Gendarme Joubert arrêté, désarmé et blessé ».
Il m’a expliqué qu’il avait été blessé par 4 jeunes gens qui voulaient le tuer. Il m’a également dit qu’il avait cru reconnaitre une femme avec eux. Comme il paraissait à bout de force, je l’ai conduit chez le Dr Lendrat qui lui a fait un premier pansement et l’a fait transporter à l’hôpital de Pau. Je n’ai pas vu les agresseurs du gendarme Joubert. D’après les dires du blessé, il a été attaqué en face mon habitation place Pabine.
Aucun renseignement sur les signalements des agresseurs n’a pu être recueilli parmi la population. Ils sont passés presqu’inaperçus parmi le mouvement qui s’est produit dans les rues de la ville en raison du feu allumé par les terroristes. Il s’agit sans aucun doute d’un groupe de réfractaires cachés dans la montagne. Le but de l’attaque était certainement de s’emparer d’un dépôt d’armes qui leur avait été signalé comme devant exister à la caserne de Nay…
D’après les renseignements recueillis, les agresseurs après avoir traversé Nay en groupes séparés seraient partis dans la direction de Capbis.
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