Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Mgr Edmond Vansteenberghe, évêque de Bayonne (1939-1943) et le STO.

Allocution prononcée en la cathédrale de Bayonne par Monseigneur Edmond Vansteenberghe le 14 mars 1943 à l’adresse des travailleurs partant en Allemagne.

 

 

 

 

Contribution de M. Ricardo SAEZ, professeur émérite des universités.

 

Nous reproduisons ici l’allocution prononcée en la cathédrale de Bayonne à l’adresse des travailleurs partant en Allemagne, le 14 mars 1943, par Monseigneur Edmond Vansteenberghe (1). Pour ce faire, nous suivons scrupuleusement le schéma du document, tel qu’il figure dactylographié dans les Archives des Landes qui gardent dans leurs fonds le texte d’origine que nous portons à la connaissance du public rendant par là même caduques les versions ultérieures (2).

 

 

 

[1] Le prénom Edmond et le nom Vansteenberghe ne sont pas toujours correctement orthographiés. On trouve parfois Edmund au lieu de Edmond et Van Steenberghe,  Vanstenberghe ou Van Steeberghe pour Vansteenberghe sous des plumes autorisées. Vansteenberghe est un patronyme courant de la Flandre française, pays boisé et embocagé. Van est une préposition qui signifie « de ». Steen veut dire « pierre » et berghe « montagne ».

[2] Nous reproduisons ici l’allocution telle qu’elle se trouve dactylographiée dans les ADL, 285W35. Nous devons la connaissance de ce document à la science et à l’obligeance de Monsieur Bernard Bocquenet. Nous lui exprimons ici la marque de notre reconnaissance. La version publiée par La Documentation catholique n° 933, mars 1945, p. 212-213 est assez fautive. En effet, elle est entachée de nombre d’erreurs : des erreurs de lecture, des membres de phrase déplacés et des interpolations. Les mots soulignés figurent de la sorte dans l’original et non en italique comme c’est le cas dans La Documentation catholique. Par ailleurs La Documentation catholique a intitulé ce document, Discours, terme qui est impropre à suivre l’incipit « Mes Chers Frères ». Le document d’origine ne comporte pas de titre. Nous devons au sous-préfet de Bayonne, René Schmitt, la transcription du document qu’il qualifie d’allocution, terme que nous avons gardé. En effet, le terme convient parfaitement à la gravité et à la solennité exceptionnelles du moment, que nous préférons a celui de discours ou d’homélie.

 

« Mes Chers Frères

          » La France continue de monter lentement son calvaire, et à chaque pas de nouvelles souffrances s’ajoutent à d’autres qui semblaient déjà ne pouvoir être dépassées.  Tandis qu’elle pleure les victimes de la guerre dont la liste s’allonge chaque jour et qu’elle attend en vain le retour de ses fils prisonniers, voici que la fleur de la jeunesse,  qui ne demandait qu’à travailler pacifiquement sur son sol, lui est arrachée pour être  à son tour déportée en pays lointain.

          « Votre Evêque, mes Chers Frères, comprend votre émoi et partage votre douleur. Il souffre de voir vos familles dispersées et vos cœurs déchirés. Il souffre surtout de voir  ses chers fils s’en aller vers l’inconnu sans pouvoir leur procurer le soutien moral et religieux dont sa sollicitude voudrait les munir. Hélas, mes chers amis, en vous enlevant à vos foyers, à vos paroisses, à vos œuvres, on s’obstine à vous refuser les prêtres dont vous avez besoin, les aumôniers qui veilleraient aux intérêts de vos âmes, et dont l’amicale présence auprès de vous serait pour vos père et mère une  douce consolation.

           » Raison de plus pour moi de vous donner paternellement quelques consignes dont l’observation vous aidera à faire tourner l’épreuve présente à votre profit personnel comme au bien de la Patrie.

          » I- Soyez courageux. Votre vie sera pénible.

         » a) Vous  aurez à souffrir physiquement des conditions de vie qui vous seront faites là-bas: 

du travail souvent dur auquel vous serez astreints et auquel, peut-être, vous n’êtes pas préparés 

de la faim ou du moins de privations auxquelles vous n’êtes pas accoutumés, malgré les restrictions que nous subissons ici.

         Vous aurez à souffrir moralement :

de léloignement des êtres parmi lesquels vous viviez.

 de l’isolement du coeur

d’incompréhensions.

de l’humiliation aussi que vous éprouverez plus cruellement à mesure que vous serez amenés à mieux comprendre la profondeur de notre déchéance nationale.

               » b) mes Chers Amis, soyez courageux. Ne vous laissez pas vaincre par la douleur.

Sachez la regarder en face, non point pour la nier, crâner devant elle, lui opposer l’insensibilité d’un cœur dur et sec mais pour la supporter virilement, à la française, et pour la surmonter sur les ailes de l’esprit chrétien.

                  » c) Souffrez en silence, avec noblesse, avec gravité, comme il convient à ceux qui n’ignorent pas la valeur rédemptrice de la souffrance et qui ont conscience, en suivant      leur amer chemin de croix de se rapprocher eux-mêmes et de rapprocher leur Patrie de Celui qui a pu dire : « Je suis la résurrection et la vie».

              » 2- Restez forts dans la Foi.

                  » a) Risque d’être absorbés par des préoccupations matérielles et de perdre de vue les réalités spirituelles d’être obsédés par des idées fausses dont le poison[est] répandu partout.

                   « Sachez secouer la torpeur, démasquer l’erreur, sauver l’esprit, garder le trésor de lumière surnaturelle de vérités évangéliques de foi chrétienne,  contre [les] faux prophètes.

                 « b) cultivez-là ( sic) cette Foi, dans la prière et la méditation.

                 Sans doute, dans votre exil, vous sera-t-il facile de mieux comprendre la vanité des civilisations païennes et la  valeur du Christianisme.

                  Vous reverrez par la pensée ces tableaux que vous connaissez par l’Histoire Sainte :

                Vous verrez (sur les bords du Nil et de l’Euphrate, les peuples enchaînés charriant sous le fouet les énormes blocs qui servent à édifier les palais des rois  d’Egypte ou des rois d’Assyrie. Mais vous verrez aussi les pyramide dont l’orgueilleuse fierté n’abrite que des cendres, les cendres des pharaons et dans le palais de Balthazar, la main  mystérieuse qui écrit sur la muraille, Mane, Thecel, Phares, l’annonce de l’écroulement prochain de l’empire d’Assyrie.

                 » c) Et devant ce spectacle des faillites humaines, vous verrez le Roi pacifique, Jésus, semant le bon grain ; ce grain qui a germé et dont les racines s’enfonçant dans le  roc du paganisme ont édifié sur ces ruines l’Empire spirituel du vrai Dieu. Vous vous  sentirez heureux d’appartenir à cette Eglise catholique qui travaille à l’établissement  du règne de la justice et de la fraternité pour tous les hommes, enfants d’un même père  qui est aux Cieux.

               » 3- Gardez vos corps chastes, vos cœurs purs, vos âmes vivantes.

                       « a)  la Tentation ne vous manquera pas ,

  fruit  de la lassitude physique 

         des épreuves morales  

          des provocations de toute sorte et des exemples mortels.

fruit aussi des artifices du Malin, de Satan  qui rôde « quaerens quem devoret « 

                 du prince des ténèbres qui disait à nos premiers parents   Eritis sicut Dii  et à Jésus : Haec omnia tibi dabo, dans l’Evangile de ce jour.

                         » b) Respectez en vous et chez les autres la dignité:

 humaine, en dominant [vos ]instincts d’enfants de Dieu, à l’image duquel vous êtes crées[,]

de chrétiens  Ambuletis digne Deo, 

du Dieu qui vous a créés et rachetés.

                       » Gardez vos corps avec leurs réserves de santé et de vue ( sic)                                                                                                 

[vos] cœurs avec leurs trésors d’affection et de dévouement                                                                                                                                                     

[vos] âmes [,] temples du Saint–Esprit

                      » c) Sans doute à certains jours vous serez secoués par les tempêtes de la passion mais si la nature est faible, la grâce est toute puissante.

Vous aurez à bord Jésus, qui a apaisé la tempête ; 

Ayez confiance en lui, 

réveillez-le par vos cris,[ vos] appels suppliants ,

rendez-le plus présent par la Communion sacramentelle ou  par la Communion spirituelle

 Il vous aidera non seulement à ne pas faire naufrage, mais à voguer  vers le port.                                                                                                                 

Dans les combats pour la vertu, vous grandiez ( sic)[1)…                                                                                                                                               

Développez [votre] vie divine. Soyez chrétiens intensément. Ainsi vous vous serez enrichis des seuls biens qui vaillent la peine qu’on s’y’ ( sic) attache.

              »  4- Soyez apôtres            

               » a) semeurs de lumière, d’idéal, de confiance parmi vos camarades ; Soyez  témoins du Christ

                    » b) Elles sont écrites pour vous aussi, mes chers amis, ces paroles de Pie XII dans un discours sur l’Action catholique : « Nous vous demandons que, se déployant dans l’activité du zèle apostolique, cette vie, resplendissante en vous et à votre avantage, soit lumière et chaleur pour les autres aussi , soit une fleur de vertu, resplendissante en vous, et à votre avantage, soit lumière et chaleur pour les autres aussi ; soit une fleur de vertu, qui ne donne pas seulement son parfum dans l’enceinte de votre maison, mais répande autour de vous, en tout lieu, la bonne odeur de Jesus-Christ, dans le sillage de laquelle les âmes en grand nombre sont entraînées. La conscience de la faiblesse de vos moyens ne doit pas ressembler à la timidité du prophète Jérémie, qui, à l’appel de Dieu, répondait en balbutiant :  » Seigneur, mais je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant « . Imitez le prophète Elie, qui, sur le Mont Carmel, défie les adorateurs de Baal, et par sa prière, sa parole et son action, reconduit le  peuple au culte du vrai Dieu. 

                         » Et ne semble-t-il pas s’appliquer tout spécialement à votre situation cet appel du Pape dans son dernier message de Noël   » Le devoir de l’heure présente n’est pas de se lamenter sur le passé ou le présent, mais d’agir de construire l’avenir pour le bien de la société. Remplis d’un enthousiasme de croisés, que les membres les meilleurs de l‘élite chrétienne se réunissent dans un esprit de vérité, de justice et d’amour, au cri de  » Dieu le veut « . Qu’ils soient prêts à servir, à se sacrifier comme les anciens croisés. Il s’agissait alors de délivrer la terre que la vie du Verbe Incarné avait sanctifiée ; il s’agit aujourd’hui d’autre chose : c’est pour ainsi dire, une nouvelle traversée au-delà de la mer des erreurs modernes pour délivrer la terre sainte, terre spirituelle des âmes et y construire une nouvelle société solide et durable ». 

                         « Le souci de réaliser ce programme sera votre meilleur soutien, votre meilleure sauvegarde sur la terre étrangère.

                   » 5- Union dans l’épreuve. Union de prières

                    « Vous partez mais vous ne serez pas oubliés. Vous demeurez ici dans notre affection et nos pensées, comme nous vous demandons de nous garder dans les vôtres. 

Et tous ensemble, donnons-nous rendez-vous, chaque soir au pied du crucifix pour prier les uns pour les autres, pour réciter ensemble Pater, Ave.                                                       

Et Dieu gardera votre Foi                                                                                                                                                                                                                                                         

Et la bonne Vierge, Reine de France, protégera votre vertu.                                                                                                                                                                                                 

Et Jésus, les bras étendus sur vous, fécondera de son sang vos sacrifices.

 

[1] Lire grandirez

 

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