Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Marché noir: parcours administratif pour une affaire banale.
Les archives départementales dévoilent le parcours administratif d’une affaire de marché noir, somme toute, parfaitement banale au cours du printemps 1943.
Le parcours administratif d’une banale affaire de marché noir se déroule au cours du printemps 1943: dénonciation anonyme auprès de la Légion Française des Combattants qui transmets au Préfet. Celui-ci diligente une enquête du service des Renseignements Généraux qui rend compte au donneur d’ordre.
Transcription des 4 documents contenus dans le dossier:
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Dénonciation anonyme:
COPIE
PAU, le 22 février 1943
Monsieur,
Je me suis aperçu de pas mal de choses qui se passent chez Monsieur et Madame MARQUES 18, rue Palassou. Notamment ils se livrent à un véritable trafic de marché noir, ils reçoivent tellement de monde de toutes sortes que je ne suis plus tranquille chez moi ni de jour ni de nuit, jusqu’à minuit. Ils occupent une femme de ménage toute la journée, toute la semaine, y compris le dimanche pour leurs travaux ménagers et courses (et livraison de marchandises). Il est inadmissible que l’on n’(est) pas mis un frein à tout cela depuis qu’ils se livrent à ce genre de travail ; particulièrement Madame MARQUES, son fils et son gendre. Le fils qui ne travaille pas, ne doit vivre que de ça à part quelques journées qu’il fait comme garçon de café de temps à autre ? D’ailleurs ils ont des complices.
Il serait souhaitable pour le bien public qu’il y est un terme à toutes ces manœuvres.
Espérant que ma mettre sera prise en considération, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Signature d’un légionnaire connu de nous.
Porte un cachet avec mentions :
LEGION FRANCAISE DES COMBATTANTS
Union départementale Basses-Pyrénées et Landes
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Transmission de la dénonciation au Préfet:
LEGION FRANCAISE DES COMBATTANTS
ET DES VOLONTAIRES DE LA REVOLUTION NATIONALE.
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Union départementale Pau, le 13 mars 1943
des Basses-Pyrénées et Landes 21, rue Louis-Barthou
Services administratifs
Téléph. 42.55
Compte chèque postal Toulouse 486.59
PAU
VI° DIVISION N°2.113 Monsieur le PREFET des Basses-Pyrénées
AC/SC Pau
Monsieur le Préfet,
Nous avons l’honneur de vous adresser copie d’une lettre portant à votre connaissance des faits sur lesquels nous prenons la liberté d’appeler votre attention à toutes fins que vous jugerez utiles.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre considération déférente et distinguée.
Pour le Chef Départemental
Le Cre. Départemental à l’action civique
Signature illisible
Cachet de la préfecture en date du 16 mars 1943
Mention manuscrite : enquête
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Demande d’enquête du préfet aux renseignements généraux:
PAU, le 18 mars 1943
P.L./L.G.
C.D. 2109 A.B.I.
Le Préfet des Basses-Pyrénées
à Monsieur le Commissaire Principal, Chef du Service des Renseignements Généraux
à PAU
Objet : Enquête sur les agissements des époux MARQUES, 18 rue Palassou à PAU ;
Il vient de m’être signalé que M. et Mme. MARQUES, demeurant 18, rue Palassou à Pau se livreraient à un actif marché noir qui constituerait la principale occupation de ce ménage.
Leur fils et leur gendre se livreraient également, à une activité douteuse.
J’ai l’honneur de vous prier de faire procéder, d’urgence à une enquête approfondie sur les intéressés et m’en communiquer les résultats accompagnés de toutes propositions utiles.
Le Préfet
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Rapport d’enquête du service des Renseignements Généraux:
REPUBLIQUE FRANCAISE
MINISTERE DE L’INTERIEUR
Direction générale de la
Sûreté Nationale. PAU, le 12 mai 1943
Service Départemental des
Renseignements Généraux Inspecteur FRAYSSE Louis, du Service Départemental
des Basses-Pyrénées des Renseignements Généraux
à
Monsieur le Commissaire Principal
Chef de Service à PAU.
Objet : A/S des agissements des époux MARQUES 18, rue Palassou Pau
Référence : Lettre de M. le Préfet des B.P. (C.D. n°2109 Cab.A.B.) en date du 18 mars 1943.
En réponse à la note citée en référence et conformément à vos instructions, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance les renseignements suivants :
La nommée MARQUES née LAROQUE Simone Marie Pauline le 24 mars 1900 à St-Maur-les-Fossés (Seine) de Romain et de Amélie PRAT ; de nationalité française à tire originaire, de confession catholique, mariée à MARQUES Manuel, d’origine espagnole de nationalité française, mère de 2 enfants âgés respectivement de 21 et 23 ans, demeure à PAU 18, rue Palassou depuis 1937 ayant habité Aire-sur-Adour jusqu’à cette date.
L’intéressée s’occupe de son ménage et le mari travaille chez BIDEGAIN fabricant de chaussures rue des Cordeliers, il touche un salaire hebdomadaire de 400 Francs.
La fille des intéressés et son mari, M. PERCEAU actuellement employé à la B.N.C.I. Palais des Pyrénées à PAU et qui doit entrer prochainement dans les groupes mobiles de réservé, habitent chez les MARQUES avec leur enfant. Ils remettent à ces derniers une somme mensuelle de 1.600 francs pour couvrir les frais de nourriture et de logement.
Le fils des intéressés, MARQUES Maurice âgé de 21 ans, exerçant la profession de garçon de café à l’hôtel du Commerce, prend lui aussi ses repas chez ses parents et leur remet en compensation la somme de 200 Francs par semaine. Il demeure avec sa femme 6 avenue Edmond Rostand.
Depuis le début des hostilités Mme. MARQUES se livre à une grande activité en vue de ravitailler sa famille ainsi qu’un certain nombre d’autres personnes.
Des paysans lui portent à domicile tous les lundis des œufs et des légumes, ce sont M. BEDBEDI de Morlanne et M. CAMPA agriculteur à Artigueloutan. De plus par périodes et jusqu’à 3 fois par semaine l’intéressée se rend à Simacourbe chez M. CHANTRE qui lui assure lui aussi du ravitaillement. Elle serait ainsi aller chercher des oies et di beurre qu’elle revendrait à ses clients.
Elle aurait fait venir des fagots qu’elle faisait conduire chez ses clients, à qui elle revendait ce bois avec bénéfice se chargeant elle-même d’encaisser le montant auprès des clients. Mme. MARQUES qui serait parfois prise de boisson se venterait dans le voisinage, d’avoir vendu aussi des pâtes, de plus elle se targue de ne pas être inquiétée car elle connaitrait du monde dans l’administration.
Il ne m’a été permis de connaitre le nom que de quelques personnes qu’elle se charge de ravitailler ce sont :
PINTE de nationalité belge, demeurant villa Henri IV avenue Trespoey.
ALESTENSI, demeurant route de Bordeaux près de Lartigue.
Mme. LABARRERE femme de ménage de l’intéressée.
Le manège de l’intéressée bien qu’il ne se pratique pas sur une grande échelle n’en provoque pas moins de nombreux commentaires dans tout le quartier. Le public s’étonne des visites que reçoit l’intéressée car toutes ces personnes ne sont pas du même milieu qu’elle ; et aussi de ses sorties tardives en compagnie de son gendre avec lequel elle va faire ses livraisons vers 23 heures.
Il y a 18 mois une perquisition effectuée au domicile de Mme. MARQUES par les soins de la Sureté de la Police d’Etat aucun résultat probant n’en est résulté.
Une opération analogue à l’heure actuelle ne sera pas plus fructueuse car l’intéressée se garde bien de conserver des denrées chez elle et en effectue la livraison dès réception. Il y aurait lieu de donner un sévère avertissement à Mme. MARQUES sans envisager pour l’instant une mesure coactive quelconque, celle-ci d’ailleurs ne pourrait être basée sur aucun fait flagrant.
L’Inspecteur
Signature illisible
N° 2072
Transmis à Monsieur le Préfet de B.P. (Cabinet)
PAU, le 13 mai 1943
Le Commissaire Principal, Chef de Service.
Signature illisible
Cote aux archives départemental des Pyrénées-Atlantiques : 87W46
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