Après l’attaque du maquis du Bager d’Oloron (19 juin 1944), un rapport administratif a été établi. Ce rapport donne une version « officielle » de l’attaque et de ses conséquences.

 

 

 

Un rapport officiel, émanant selon toute vraisemblance d’un service de police, (police de sûreté? renseignements généraux?) établit les faits de cette attaque et en détaille les conséquences.

 

Transcription du rapport.

 

INCIDENT DU 19 JUIN 1944

ATTAQUE PAR LES DOUANIERS ALLEMANDS DU MAQUIS F.T.P. D’ARUDY

 

                Dans la nuit du 18 au 19 juin, vers minuit, un groupe d’une cinquantaine de douaniers allemands sont partis en camion dans la direction du « Bager » d’Eysus. Ils ont attaqué, à huit heures du matin, une grange dans laquelle était cantonné le groupe de réfractaires qui appartiendrait, selon certaines indications, à la section F.T.P. L’attaque brusquée a surpris les réfractaires dont les armes étaient dans le râtelier.

                Un militaire allemand aurait été tué ; un second, d’origine alsacienne, probablement déserteur de l’armée allemande, aurait également disparu et serait vraisemblablement parmi les morts.

                Du côté des réfractaires, quatre sont morts certainement ; un cinquième, très probablement, d’autres encore qu’il n’pas été possible de dénombrer. Parmi les quatre premiers se trouvait un médecin israélites étranger résidant, depuis quelques années, au Bager d’Arudy.

                Les cadavres de trois tués ont été placés par les Allemands dans la baraque servant de repaire à laquelle il fut mis le feu. Celle-ci contenait une assez grande quantité d’explosifs et de munitions qui ont sauté quelques minutes après.

                Dix prisonniers furent faits parmi les réfractaires et conduits à Oloron. En outre quatre blessés, parmi les Français, furent relevés et conduits à la clinique du docteur Lafitte, à Oloron, par les troupes allemandes. D’autres blessés seraient parmi les « maquisards » qui ont réussi à se sauver au cours de l’engagement.

*

**

                Dans le voyage de retour des troupes et au passage de la place Thiers à Oloron, un groupe de civils ouvriers fut rencontré. Le camion transportant les troupes avait déjà dépassé ce groupe lorsqu’il s’arrêta brusquement. Des hommes en descendirent et sommèrent le groupe de civils de lever les bras. Ils furent immédiatement obéis et embarqués assez rudement sur le camion pour être conduit à la Kommandantur. L’un d’eux, nommé URBAN, avait été reconnu par un soldat allemand qui venait de passer plusieurs semaines dans le maquis où il était retenu en captivité.

*

**

                Des indications données dans la soirée par l’interprète des douanes allemandes et des décisions de M. le Commandant il résulte que :

1° – les quatre blessés ont été dirigés sur la clinique Lafitte où ils ont subi les interventions chirurgicales nécessaires. Deux d’entre eux sont assez légèrement blessés ; les deux autres sont plus gravement atteints et ne pourront être considérés vraisemblablement comme guéris qu’après plusieurs mois de soins.

                Ils furent remis aux autorités françaises, sous la direction personnelle de M. le Sous-Préfet, de M. le Maire d’Oloron et de M. le Capitaine de Gendarmerie présents à l’entretien avec M. le Commandant.

                Dans la soirée, en accord avec M. Desfosses, faisant fonction de Préfet et de M. le Commandant des Douanes allemandes, il fut décidé qu’ils seraient transportés le lendemain matin, sous escorte de gendarmes français, à l’hôpital mixte de PAU où la garde en sera assurée par la Police d’Etat. Ce transfert a été fait dans de bonnes conditions dans la matinée du 20, et sans incidents.

2° – parmi les prisonniers, les nommés ANDREU, PATRICE (?) et URBAN seraient plus particulièrement menacés en raison de leurs agissements antérieurs :

                Le premier serait l’auteur de l’agression de M. Deschamps, milicien à Buzy, et tué en avril dernier.

                Le second serait sous-chef du groupe F.T.P. attaqué. La charge lui avait été confiée d’exécuter dans la soirée de l’agression M. DARGAIGNARATZ, supposé milicien, enlevé le jeudi précédent de son domicile à Gurs, et conduit au « Maquis », sous bonne escorte.

                Le troisième serait le chef du « maquis » dont il assurait la direction de son domicile ainsi que le ravitaillement.

1. le Sous-Préfet a tenté personnellement une démarche pressante auprès du chef de la Sureté allemande de PAU en vue d’obtenir qu’une discrimination soit faite entre, d’une part, tous les jeunes gens incorporés dans le maquis au début de la formation de celui-ci dans l’ignorance qu’ils se plaçaient sous la direction d’un mouvement communiste et, d’autre part, les chefs du groupe F.T.P. qui ont dirigé les dits jeunes gens dans un esprit que ces derniers n’avaient pas supposé au premier abord.

                L’assurance fut donnée à M. le Sous-Préfet que la justice saurait établir cette discrimination et que les sanctions les plus graves ne seraient appliquées qu’à l’encontre de ceux qui ont une responsabilité entière dans la formation et les agissements du groupe F.T.P.

                L’ensemble des prisonniers sera remis au service de la Sureté allemande.

                Il nous a été promis de nous communiquer la liste des mineurs de 21 ans, à l’égard desquels il sera peut-être possible d’obtenir une mesure de clémence particulière.

*

**

                A la suite de ces incidents, nous avons constaté qu’une certaine suspicion était portée par les autorités allemandes contre les habitants de LURBE, du hameau de SAINT-CHRISTAU et de la section du Bager. Les arrestations suivantes furent d’ailleurs opérées dans la journée du 21 :

1° – M. ARROUES Jean, cultivateur à EYSUS, propriétaire de la grange occupée par les réfractaires et incendiée par les Allemands. Il est marié et père d’un enfant.

2° – M. ROUMAS père, propriétaire d’une deuxième grange incendiée à EYSUS.

3° – M. ROUMAS fils du précédent, rapatrié d’Allemagne le 8 juin et domicilié avec son père, à quelques centaines de mètres di lieu de l’engagement.

4° – Mme CAMPAGNOLLES, mariée, mère de trois enfants âgés respectivement de 10, 7 et 5 ans, dont le mari habite PAU, propriétaire du débit-restaurant « La Chaumière » à LURBE (le militaire allemand qui avait été retenu en captivité par le maquis pendant plusieurs semaines aurait signalé, après sa libération, à ses chefs, que c’est dans le dit établissement qu’il fut saisi, désarmé par les réfractaires).

5° – M. FAGANAS, père de la précédente et vivant avec elle, âgé de 62 ans.

6° – M. CAMPAGNE, cultivateur à EYSUS.

7° – M. LAGRAVE, cultivateur à EYSUS.

8° – M. VIRGILE, instituteur au Bager d’Oloron.

9° – Mme DARAN, femme d’un douanier français récemment arrêté lui-même et relâché.

                Cette liste ne parait pas devoir être encore close.

L’attaque du maquis du Bager a fait l’objet d’un autre article accompagné d’un témoignage établi par Joseph Arroues, fils de Jean Arroues arrêté lors de cette intervention des forces d’occupation. Cliquer ici.

Fac-similé du document original: