Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Lettre de Léon BERARD à Jean Louis TIXIER-VIGNANCOURT. Octobre 1940.

Dans son numéro du 16 octobre 1940, le Patriote des Pyrénées publie une lettre que L. Bérard vient d’adresser à J.L. Tixier-Vignancourt.

 

Retranscription de l’article paru à la une du Patriote des Pyrénées à la date du 16 octobre 1940.

 

Mr L. BERARD

Notre illustre compatriote et ami M. Léon Bérard, de l’Académie Française, succède au Vatican, nous l’avons dit, à M. Vladimir d’Ormesson.

Rien ne saurait mieux peindre M. Léon Bérard que cette lettre qu’il adressa récemment à notre ami Jean-Louis Tixier-Vignancourt :

Mauléon, Basses-Pyrénées.

Mon cher Jean-Louis,

Par plus d’un détail matériel de l’existence nous avons été ramenés ici au temps du bon roi Louis-Philippe. Au commencement de ce temps-là, à vrai dire : au Louis-Philippe d’avant les chemins de fer et lorsqu’il n’y avait à Pau qu’une seule voiture particulière : celle du Premier Président. Me voilà déchu et privé ou à peu près moi-même du premier et du plus élémentaire des droits de l’homme, qui est la faculté d’aller et de venir d’un lieu à un autre. Joignez que les informations écrites ne nous parviennent plus que par une presse avare et lente. Les feuilles les plus diligentes nous arrivent avec vingt-quatre heures de retard. Assurément tout cela vous donne un sentiment assez net du purgatoire, de la transportation ou de la relégation. Le plus cruel et à quoi on s’accoutume un peu moins chaque jour est d’avoir été témoin, matériellement, de la destruction d’un grand pays en quelques jours…

Du point de vue de fourmi que j’y occupe, je considère le drame avec toute la fermeté de cœur dont je suis capable. L’âge, en de telles circonstances, est à la fois une disgrâce et une force ou un secours.Je m’applique sans illusion et sans regret le consommatum est de l’évangile.Dans le vote testamentaire que j’ai émis avec résolution au Grand Casino, j’ai mis toute ma foi et toute mon espérance, avec l’immense désir de voir brûler tout ce qui avait été follement et bêtement adoré. Il faut à tout prix que ce qui a été courageusement commencé réussisse et dure. Les méchants et les fous n’ont pas abdiqué, vous le savez bien. Ils sont à l’affût de tout ce qui pourrait favoriser ce que nous appellerions un retour de l’île d’Elbe démocratique et électoral ! Mais personne n’aurait à s’émouvoir, en dehors des deux gendarmes ou des deux douaniers suffisants et nécessaires, si nous apprenions demain que Pertinax vient de débarquer au golfe Juan…

Léon Bérard

Pour accéder à la version numérisée du Patriote des Pyrénées du 16/10/1940: cliquer ici 

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