Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 44: prêtres basques en résistance.

PRÊTRES BASQUES EN RÉSISTANCE.

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Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

 

Fiche n°44.

 

Évoquer la question de la résistance du clergé du Pays basque revient souvent à citer le cas de l’évêque du diocèse de Bayonne, Mgr Vansteenberghe (fiche 45). Qualifié après-guerre de résistant « doctrinal »¹, ce prélat déclare à plusieurs reprises ne voir dans le nazisme qu’une doctrine anti-chrétienne et dans le gouvernement de Vichy un régime complice et illégal.
A la tête de ce diocèse depuis 1939, cet évêque ne cesse durant tout son épiscopat, jusqu’en 1943, année de sa mort, de s’opposer à l’occupant. Il apparaît alors dans tout le département comme un exemple et comme le « porte-parole intrépide de l’Eglise face au néo paganisme hitlérien et le vaillant soutient de la patrie blessée… » Ses oraisons Contra paganos »² (Contre les païens) lues aux messes quotidiennes, ses lettres pastorales avec les allusions aux dangers du nazisme, ses correspondances pleines de fierté adressées à la Kommandantur, son refus de céder la cathédrale aux troupes étrangères, mais surtout son appel aux jeunes à refuser la « déportation »³ du STO (Service du Travail Obligatoire), confortent cette symbolique position. Ces manifestations de résistance restent par ailleurs autant de preuves de son engagement et de son combat contre les nazis.

Cependant, au-delà de cette prise de position « politique », de nombreux prêtres rendent également à la résistance, poussés par leur patriotisme et leur charité, des services plus concrets et souvent décisifs. C’est en particulier le cas des curés et des vicaires frontaliers : l’abbé Carrère, vicaire d’Ascain, l’abbé Lacabérat, curé de Béhasque, et le pittoresque curé Donetch, d’Arnéguy, sont ainsi connus pour avoir facilité des évasions de fugitifs persécutés par les nazis. L’une des actions les plus remarquables et les plus anecdotiques de ce dernier reste sans nul doute celle qui a consisté à faire passer en Espagne un juif résistant déguisé en enfant de chœur, leur prétexte pour le franchissement de la frontière étant le don de l’extrême-onction à une personne habitant sur la ligne.
Le père Fily, lui aussi, se trouve engagé par sa position et ses activités civiques, en tant qu’adjoint du maire d’Hendaye, dans la résistance. Comme cet élu, il est arrêté suite à plusieurs manifestations publiques d’oppositions (fiche 28) et déporté à Dachau avec d’autres personnalités hendayaises dont l’abbé Simon. Le chanoine Daguzan (fiche 43), également interné dans ce camp, mène lui aussi à partir de Pau un combat semblable. Ses nombreuses arrestations sont en effet dues à une prise de position trop ouverte et critique à l’égard de l’occupant, mais surtout à ses fonctions de vicaire général qui l’obligent à se prononcer en plein office et à se compromettre dans « l’affaire du Service du Travail Obligatoire » qu’il condamne.
Un autre type d’action doit par ailleurs être évoqué. Les abbés Dufau et Harignordoquy sont prisonniers de guerre en Allemagne. Refusant les conditions de détention de leurs camarades et contestant ouvertement le régime hitlérien, ces deux basques parviennent à monter à leur niveau et avec leurs moyens, diverses organisations de résistance à l’intérieur même des Stalag (camp de prisonniers allemands). Par leurs actions, certes très limitées et symboliques, ils parviennent ainsi à redonner espoir et à améliorer le quotidien de leurs codétenus, plusieurs de leurs opérations faisant céder les gardiens. Considérés comme agitateurs et terroristes, ils sont arrêtés par la Gestapo malgré leur statut et déportés à Buchenwald et Dachau.
Toutefois, certains prêtres participent plus activement, parfois militairement dans la région, aux combats de la résistance. C’est notamment le cas du chanoine Borfhayre, curé de St Bernard de Bayonne, qui, en relation constante avec les cheminots et les ouvriers des forges de l’Adour (berceau des puissantes et efficaces de résistance communistes basques (fiches 32 et 33) participe aux campagnes de contre propagande, à certaines manifestations (fiche 28) et à plusieurs opérations contre l’occupant (certaines terroristes). Suite à cet engagement, traqué par les nazis, il est contraint de se réfugier en montagne où il doit attendre caché la libération. Son salut ne tient en effet qu’à une erreur de la Gestapo qui le cherche à proximité du collège de St Bernard.
De même, sous l’autorité du chanoine Ithurbide et avec la collaboration d’une partie du corps professoral, le collège de Mauléon se transforme pendant la guerre en véritable refuge pour les jeunes fuyants les Allemands et désireux de rejoindre les Alliés par les sentiers pyrénéens (de nombreux réseaux utilisent ce relais pour regrouper les convois et faire partir des caravanes vers l’Espagne). Alors que l’ennemi occupe la ville et la majeure partie de l’établissement, cette initiative représente pour le responsable un grand danger, mais surtout un acte très courageux de résistance. Ce dernier est par la suite complété par une association, à titre personnel cette fois, avec les maquis locaux (fiche 38) dans lesquels l’un des enseignants (l’abbé Lacoste) joue un rôle très important. Malgré de multiples précautions et une discrétion complète sur ces activités, le supérieur Ithurbide finit pourtant en 1944 par être démasqué. Son arrestation le mène dans l’enfer des camps de la mort. Dans son hommage d’après-guerre, le maire de Mauléon (M. Champo) évoque en souvenir de ce réfractaire, « un de ces patriotes éclairés (…), ne supportant pas les Allemands dans sa ville et dans son collège, qui servait de refuge aux traqués, de relais aux passagers clandestins ».
Enfin, il faut noter l’action relativement importante de certains membres du clergé dans les réseaux de renseignement ou d’espionnage (fiche 1). L’exemple de l’abbé Lafitte qui note sur des cartes les mouvements des troupes allemandes et les expédie par l’Espagne en Afrique du Nord est à ce niveau assez significatif. Ses plus glorieux coups d’éclats restent ceux liés aux vols et aux passages d’échantillons de nouvelles armes ennemies, mais aussi à la généreuse assistance de soldats allemands catholiques dans leur propagande anti-nazie (polycopie des tracts, diffusion de messages…)
D’autres hommes d’Eglise ont également marqué par leurs actions patriotes ou charitables cette période noire. Ils méritent tous un examen plus complet et détaillé de leurs engagements pour la résistance. Les plus connus sont Mgr Saint-Pierre, les abbés Pastor, Larzabal, Léon Latour, Hondet, Joannatéguy, Darricau, etc. les trois derniers religieux jouant un rôle très important dans l’action du monastère bénédictin de Belloc (fiche 46) pour le passage des évadés vers l’Espagne.

Combattants méconnus les ecclésiastiques basques œuvrent donc durant toute la Seconde guerre mondiale aux côtés des résistants en armes ou des victimes de la haine, contre l’occupant et ses politiques totalitaires. S’impliquant dans tous les secteurs de la lutte clandestine ou officielle, des plus violents aux plus spirituels, ils sont ainsi auprès de milliers de croyants des exemples et des guides écoutés, reconnus, leurs influences étant souvent à l’origine de nombreux engagements dans l’armée de l’ombre.

¹ Moreau R. L’âme basque, Bordeaux, Ulysse éditions, 1982
² Fabas P. Aspects de la vie religieuse dans le diocèse de Bayonne, 1905-
1965, Bordeaux, Thèse de l’université de Bordeaux III, 1989, 538 p.
³ Idem, Prône adressé aux requis du STO, prononcé en la cathédrale de Bayonne le l4 mars 1943
4 Champo M. « Hommage à M. le chanoine Ithurbide », Bulletin diocésain, 1944-1945

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