Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 53: Principaux animateurs des « œuvres »au camp de Gurs.

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LES PRINCIPAUX ANIMATEURS DES « ŒUVRES » (ONG) AU CAMP DE GURS .

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°53.

 

 

Evoquer le rôle des œuvres en faveur des internés du camp de Gurs durant la Seconde guerre mondiale revient souvent à détailler la place et l’action de quelques personnages charismatiques à la tête de ces mouvements.

Présentes dès la création des associations, beaucoup de ces immenses figures de l’humanitaire, qu’elles s’appellent Barot, Merle d’Aubigné, Kasser, Schmidt ou Gross, sont allées au bout de leurs forces pour faire changer l’administration carcérale et l’opinion publique. Véritables exemples à suivre, ces « résistants » réussissent donc, par leur influence et leur charisme, à porter leurs mouvements au-delà de l’indifférence et de la misère.

Si les actions des œuvres (fiche 52) dans le camp de Gurs sont pendant la Seconde guerre mondiale assez bien connues et unanimement saluées, on tend souvent à reléguer au second plan la part de responsabilité dans cette « réussite » des représentants, des fondateurs ou des chefs de ces associations. En ces temps de souffrance pour beaucoup de populations, ces personnes parviennent par leurs convictions religieuses, par leur volonté d’agir et de refuser l’ordre en place à lancer un élan de solidarité et de pitié face à ce monument d’indifférence qu’est le camp de Gurs.

L’une des illustrations les plus représentatives de cette influence de quelques leaders sur toute une population repose sur l’exemple du Secours protestant. Si le nom de Madeleine Barot (fiche 53), présidente du CIMADE (Comité Inter-Mouvements d’Assistance Auprès Des Evacués), internée volontaire et fondatrice de l’association, revient fréquemment lorsque l’on évoque cette œuvre, d’autres tout aussi essentiels passent inaperçus ou secondaires. C’est le cas du pasteur Henri Cadier (fiches 43 et 47), pourtant présent au camp avant Madeleine Barot et à l’origine de sa venue.

En poste à Oloron-Sainte-Marie, il est aumônier à Gurs dès 1939 auprès des réfugiés espagnols. Durant la seconde guerre mondiale, son action porte de plus en plus sur un soutien spirituel des internés religieux. Associé au pasteur Rennes (fiches 43 et 47) de Sauveterre-de-Béarn, il multiplie ainsi les visites dans les « quartiers » du camp et célèbre des offices communs pour les différentes religions présentes dans le camp, tout en animant des cercles de réflexion philosophique et religieux. Malgré un investissement quotidien et un sacrifice total, son action doit cependant être considérée dans la durée. La véritable reconnaissance de son engagement débute en effet le 6 décembre 1939 avec l’autorisation permanente de la préfecture de pénétrer dans le camp et d’y circuler librement pour célébrer le culte.

Il est alors vite associé dans sa tâche à quelques autres hommes d’Eglise. C’est le cas de l’évangéliste Jacques Rennes, pasteur de Sauveterre-de-Béarn et aumônier de « la première heure » à Gurs, de Pierre Toureille (fiches 43 et 47), ancien pasteur à Prague en 1938 et aumônier des étrangers de l’Hérault (il représente pendant la seconde guerre mondiale le service d’accueil des réfugiés œcuméniques basé à Genève). Associé au Comité de Nîmes (ou Comité de Coordination pour l’Assistance dans les Camps), il aide pendant tout le conflit les internés du camp des Milles, de Gurs… Il faut également noter la participation des pasteurs André Morel, Delpech et Schmidt (fiches 43 et 47) qui, malgré son séjour relativement bref (deux mois, la maladie la forçant à quitter le camp), réussit à plusieurs reprises à faire plier l’administration et à accomplir quelques belles œuvres.

Au-delà de la religion protestante, des rabbins, curés ou abbés travaillent dans le camp. C’est notamment le cas du rabbin Max Ansbacher (fiche 48) qui représente les comités de parrainage et le CAR (Comité d’Assistance aux Réfugiés israélites), mais aussi de l’abbé Gross (43) qui, au travers du mouvement Amitiés Chrétiennes de l’abbé Glasberg, participe très activement à ces opérations humanitaires, sans oublier le rôle précoce et permanent du curé du village de Gurs.

Si tous ces hommes et ces femmes, par leur présence et leur influence, font quelque peu changer la condition des internés, ces actions (fiche 52) s’inscrivent toujours dans le cadre d’une œuvre ou d’une association (fiche 51). C’est en effet, presque toujours derrière ces institutions qu’apparaissent les plus grands personnages et les plus charitables figures.

Au-delà de Madeleine Barot, le Secours protestant comprend dans ses rangs d’autres grandes figures charismatiques : l’exemple de Jeanne Merle d’Aubigné est tout à fait représentatif de ce qu’est l’engagement des volontaires à Gurs.

Assistante sociale de formation, elle arrive dans le camp peu de temps après Madeleine Barot en tant qu’ « équipière CIMADE ». Aidant pour les prières lors des enterrements, soutenant moralement les pensionnaires, distribuant des livres, Jeanne Merle d’Aubigné devient ainsi rapidement un des piliers des œuvres gursiennes. Cette position est reconnue en mars 1941, lorsqu’après le départ de Madeleine Barot, elle se voit nommée responsable du Secours protestant. Utilisant alors fréquemment sa force de persuasion et son caractère pour s’opposer à l’administration, elle réussit à faire limoger un gestionnaire malhonnête du camp et à améliorer sensiblement le quotidien des déportés. Elle parvient par ailleurs à partir de sa fonction à la CIMADE à faire venir dans le camp quelques représentants emblématiques de la lutte contre la misère et les persécutions telles la princesse Bernadote (épouse du secrétaire du Comité mondial des YMCA), le pasteur Boegner (président de la Fédération protestante de France) ou Alec Kramer (président de la Croix Rouge internationale). Elle parvient ainsi à médiatiser la situation et la détresse des internés.

Expulsée du camp en octobre 1942 pour un engagement jugé trop favorable aux internés, elle continue son action par la suite à ‘Eaux-Bonnes où, en tant qu’équipière CIMADE, elle œuvre pour améliorer le sort des réfugiés juifs (fiches 47 et 49) de cette région. Son poste au camp est repris par Jeanne Tendil qui dirige le mouvement jusqu’à son départ final du centre en 1943.

Toutefois, au-delà de l’action des membres du Secours protestant, d’autres personnes s’impliquent à travers différentes structures tout aussi importantes. L’exemple d’Elsbeth Kasser du Secours suisse est à ce niveau-là particulièrement remarquable. Infirmière bénévole ayant servi sur tous les fronts durant les années trente (d’Espagne en Finlande), elle s’installe dans le camp à partir de décembre 1940. S’entourant d’autres infirmières (Elisa Ruth, Emmy Ott, Rosa Lauper), elle participe de plus en plus activement à la vie des œuvres et au combat des volontaires contre l’administration. A présent, comme l’ensemble du personnel humanitaire actif dans le centre, elle est contrainte en 1943 de quitter ce dernier après sa dissolution provisoire.

D’autres grands noms, de diverses œuvres, nationalités ou religions méritent tout autant d’honneurs et de reconnaissance pour leurs actions durant ces années noires : Alice Resch et Helga Holbeck pour les Secours Quaker, Ninon Heidt, Elisabeth Hirsch ou Ruth Lambert pour le Service social d’aide aux émigrants et l’OSE (Organisation de Secours aux enfants).

A partir de quelques exemples, principalement issus du Secours protestant, nous pouvons donc apprécier la place et l’influence positive et créatrice de quelques personnalités.

Actives quand la majorité préfère ignorer, persévérante face à l’obstination des autorités, influentes lorsque les gens sont en manque de repères, ces résistants sont à la base (et souvent à l’origine) de toutes ces œuvres, qui à leur image n’ont jamais admis ni toléré la misère et le désespoir.

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