Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 52: L’action des œuvres au camp de Gurs.
L’ACTION DES « ŒUVRES » (O.N.G.) AU CAMP DE GURS.
Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –
Fiche n°52.
Par leur refus de la misère physique et morale présente dans le camp de Gurs, de nombreuses œuvres apportent une aide matérielle, financière et spirituelle aux nombreux internés dans le besoin. S’attachant en priorité à ravitailler en nourriture et ustensiles divers les prisonniers, ces associations travaillent également à les sortir de leur isolement moral par des activités manuelles ou intellectuelles, cet engagement allant même parfois jusqu’à une participation à des tentatives d’évasion.
Grâce à l’action de ces volontaires, une grande partie des internés du camp de Gurs peut donc améliorer son quotidien, chaque distribution de vivres ou d’outils ménagers représentant une victoire sur l’ennemi, la misère et la mort.
Si le camp de Gurs est considéré pendant la seconde guerre mondiale comme un centre d’internement et non de concentration, il reste comparable sur le plan des conditions de vie, d’hygiène ou d’alimentation aux «usines de mort» présentes en Allemagne.
Manquant de tout, des denrées alimentaires les plus vitales aux ustensiles de cuisine ou de couture les plus pratiques, les prisonniers doivent les rares améliorations de leur quotidien à l’action des diverses œuvres, protestantes, catholiques, juives ou non confessionnelles (fiche 51). Toutefois, si ces activités touchent tous les secteurs de la vie gursienne, nous devons faire une distinction entre les aides matérielles et celles plus morales, moins concrètes.
Parmi les multiples services rendus par les œuvres aux internés, les plus importants et les plus appréciés concernent l’alimentation. Faisant face aux nombreuses lacunes de l’intendance générale, les associations tels les Quakers, le Secours suisse, le Service social ou le Secours protestant, assurent ainsi une part notable du ravitaillement du camp.
Ce sont les Quakers qui dès décembre 1940, pour les fêtes, distribuent les premières vivres. Ces opérations sont par la suite régulièrement renouvelées et prises en charge par les autres associations. L’ensemble de ces actions aide particulièrement les internés les plus faibles, les malades, les enfants, les vieillards, etc. Le chef du camp lui-même, mentionne dans l’un de ses rapports daté du 7 septembre 1942 « les divers malades nécessiteux ont reçu des suppléments des Quakers : 55 581 kg de légumes secs et verts et des fruits distribués entre janvier 1941 et août 1943 » 1.
Certaines œuvres spécialisent même dans l’aide alimentaire aux catégories les plus faibles tel le Secours suisse qui, associé à l‘O.S.E. (Organisation de Secours aux Enfants) (fiche 50), distribue des « goûters » à base de soupe, de pain, de laitages et de sucres aux enfants, aux jeunes mères et aux femmes enceintes. Toutefois, au-delà de ces catégories de personnes, une grande majorité de Gursiens bénéficient de ces aides. L’essentiel est assuré par le Secours quaker et le Secours suisse relayé par la suite par le Secours protestant ou les œuvres juives, chaque association distribuant les rares réserves à sa disposition.
Si l’alimentation constitue la priorité des œuvres et des déportés, d’autres aspects de la vie gursienne sont améliorés par les fournitures des associations : l’habillement, la cuisine, les soins, l’hygiène.
Toute introduction d’objets usuels extérieurs est interdite. Les dons des œuvres revêtent donc un grand intérêt, chaque clou pour accrocher des vêtements, chaque quart pour boire ou chaque pièce de tissu pour réparer les vêtements étant très rare et pourtant essentiel durant cet internement. Là aussi, par l’apport de simples et divers objets qui nous semblent aujourd’hui dérisoires, les œuvres réussissent à améliorer le quotidien de toutes ces populations et à rendre plus supportable l’inacceptable.
Cependant, au-delà de ces aides matérielles et de ces actions de distribution, une grande partie du travail de ces associations repose sur une assistance morale et psychologique qui peut être présentée sous divers aspects.
II peut tout d’abord s’agir de soutien par des visites régulières dans les baraques pour rompre l’isolement de certains détenus et pour les rattacher à une réalité extérieure qu’ils ont tendance à oublier. De même, l’ennui et l’inactivité causent des ravages sur le moral de ces personnes. Les O.N.G. se lancent donc dans l’organisation d’activités pour occuper ou divertir les internés. Ces actions peuvent aller de la simple recherche de proches dans le camp ou à l’extérieur, à l’achat d’instruments de musique ou de manuels scolaires afin d’animer des «classes», des conférences ou des bibliothèques (celle du Secours protestant rassemble par exemple plus de quatre milles volumes).
Exemple parfait de ces activités « morales », de véritables écoles pour les enfants voient le jour dans le camp. Principalement animées par des volontaires du Secours suisse et de l’O.S.E., ces cours permettent, à défaut de donner un véritable enseignement pédagogique et scolaire, de maintenir les enfants dans une réalité et dans un quotidien proche de celui des autres écoliers. Par ailleurs, des « ateliers » de jardinage et de bricolage incitent les plus âgés à rompre leur lassitude et à améliorer l’ordinaire par des productions légumières ou fruitières (ces dernières restent malgré tout limitées du fait des différents parasites).
Si les œuvres semblent donc avoir une action et une influence considérable dans l’amélioration du quotidien des internés par des aides matérielles ou morales, ces dernières restent contrôlées et dirigées par l’administration du camp. C’est contre cette lourde présence que se développe un système d’aide parallèle et souterrain qui contourne tous les ordres et les règlements en place. Mal connu à l’heure actuelle, il s’articule autour des grands personnages charismatiques des différentes œuvres comme Elsbeth Kasser du Secours suisse, Jeanne Merle d’Aubigné (Secours protestant), Ruth Lambert (O.S.E.) (fiche 53) qui, en entretenant des rapports toujours plus poussés avec les détenus, finissent par acheminer du courrier, des fonds, voir même dans certains cas extrêmes à faire évader des captifs…
D’une résistance spirituelle et pacifique, les œuvres évoluent donc progressivement vers une résistance plus active et plus engagée. Dans les deux cas, l’insoumission à l’ordre établi et la volonté d’aide aux faibles peuvent faire changer la situation et redonner de l’espoir à des personnes prises dans un « cycle de mort ».
Organisations de résistance inconnues bien que totalement dévouées, ces œuvres luttent donc à leur manière durant une grande partie du conflit contre l’occupant et la haine en « ranimant passagèrement les pulsations des agonisants ».
¹ Laharie Claude. Le camp de Gurs, Biarritz, J&D éditions, 1985, 397 p.
Photo: United States Holocaust Memorial Museum. Une femme (à droite) incarcérée au camp de Gurs se tient avec deux délégués Quakers qui travaillaient pour l’American Friends Service Committee.
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