Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 50: le sauvetage d’enfants juifs dans les Basses-Pyrénées.

arrivee-enfants-drancy1

 

LE SAUVETAGE D’ENFANTS JUIFS DANS LES BASSES-PYRÉNÉES.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°50.

 

Durant la période noire de l’occupation, des personnalités françaises ont montré qu’au-delà de la haine et de l’indifférence, des actions humanitaires peuvent être entreprises malgré le danger. Parmi ces actes charitables, certains ont un écho considérable, mobilisant des moyens et une attention particulière. L’un des plus connus, mais aussi des plus importants, concerne le sauvetage d’enfants juifs.

Dans notre département, plusieurs organisations, souvent rattachées à des mouvements religieux et composées de résistants, œuvrent ainsi durant tout le conflit pour faire venir des régions à risque, puis cacher, des groupes de juifs, prouvant ainsi par leurs sacrifices que l’intolérance et la haine sont des fléaux à affronter de la même manière que l’occupant.

Si l’histoire de la collaboration et de l’occupation est surtout marquée par une véritable fracture au sein de la société française, cette dernière sait à plusieurs reprises se ressouder et s’unir pour défendre des valeurs qu’elle juge prioritaire. L’une d’entre elles concerne l’assistance et le sauvetage des enfants juifs persécutés.

Victimes innocentes de la barbarie nazie et de l’ordre collaborationniste, ces jeunes, qu’ils soient étrangers réfugiés ou Français, bénéficient en effet dès le début des politiques antisémites et des traques, de véritables chaînes de solidarité qui permettent à beaucoup d’entre eux d’échapper aux bourreaux ou de gagner des régions plus sûres.

Refuge ou plaque tournante de ces réseaux d’assistance, le département des Basses-Pyrénées reste en effet parmi les plus actifs et les plus sollicités de France pour l’accueil de ces enfants. Cependant, si beaucoup de ces «naufragés» peuvent se cacher pendant la guerre dans les villages de montagne béarnais ou dans des centres d’accueil basques, c’est en grande partie grâce à l’action désintéressée et au sacrifice de grandes figures de la résistance locale et de réfractaires à l’ordre établi.

Volontaires et «combattants» de la première heure, ces personnages charismatiques ne peuvent toutefois agir seuls et sans assistance. Ainsi, toutes les actions menées dans notre département sont le résultat de collaborations entre membres d’organisations religieuses (fiches 47 et 51), soldats de l’ombre, élus, représentants du pouvoir et simples citoyens (fiche 49).

L’un des plus beaux exemples de ces alliances reste sans doute l’opération accomplie par un comité breton catholique (avec l’aide de plusieurs médecins), qui permet en mars 1942 d’évacuer une cinquantaine d’enfants juifs brestois au château d’Asson, en zone non occupée. Pour cela, cet organisme a réussi au préalable à trouver un accord entre les préfectures (fiche 49) et les diocèses (fiche 47) de Pau, Quimper et Bayonne pour faciliter le voyage, la traversée de la ligne de démarcation (fiche 3) et l’installation des jeunes israélites dans ce centre isolé à l’abri des menaces. Chaque institution a également mis à disposition du personnel ainsi que des moyens techniques et financiers.

Autre cas de sauvetage à «grande échelle», l’opération de camouflage dirigée par Mgr Garel en 1942 permet à plusieurs centaines d’enfants de ne pas connaître les souffrances de la déportation. L’action du prélat a notamment consisté à solliciter le concours d’une vingtaine d’évêques en poste en zone libre pour disperser et cacher des jeunes israélites du nord de la France dans des régions montagneuses ou dans des villages durs d’accès du sud du pays. Souvent décisives, ces actions se sont toutefois heurtées à la surveillance des autorités d’occupation qui bloquent rapidement et interdissent ces déplacements de populations.

Cependant, si efficaces soient elles, ces collaborations sont malgré tout relativement rares. Les bonnes volontés sont souvent contrées et limitées par l’intolérance ou l’indifférence de la majorité des Français et par la complexité de telles missions. C’est principalement pour ces raisons que l’essentiel des opérations de sauvetage ne peuvent être organisées que par des structures spécialisées très solides, avec des volontaires sûrs et dévoués, mais aussi à une échelle moins vaste.

L’illustration type de ces organisations caritatives habituées à ce type d’assistance est l’O.S.E. (Organisation de Secours des Enfants). D’origine juive, cette association œuvre durant tout le conflit pour sauver les enfants juifs des déportations. Dans notre département, elle est particulièrement active dans le camp de Gurs (fiche 51) duquel elle fait sortir légalement (mais le plus souvent clandestinement) des jeunes internés.

En général, les deux responsables de l’association dans le centre, Ruth Lambert et Dora Wersberg, obtiennent de faux certificats médicaux et des ordres d’hospitalisation pour les enfants les plus faibles. Sortis du camp, ces derniers sont par la suite cachés dans des fermes avoisinantes en attendant leurs départs vers les zones de montagne, isolées et moins dangereuses, où des familles d’accueil les hébergent en attendant la libération ou bien des possibilités d’émigration.

Toutefois, ces évasions étant irrégulières et trop rares face à une forte demande (l’O.S.E. s’occupe fin 1941 de 129 adolescents à Gurs), l’organisation doit se résoudre à concentrer ses efforts dans l’enceinte même du centre. Cela se traduit dans un premier temps par un apport (fiche 52) important de vivres et de vêtements destinés aux enfants. L’OSE met ainsi en place par la suite des activités quotidiennes pour occuper ces derniers et leur donner un semblant de vie normale, l’éducation restant la priorité de Lambert et Wersberg. Cependant, au-delà de la région gursienne, ces deux bénévoles œuvrent également à aider les enfants encore en liberté dans la région paloise. Elles disposent ainsi d’une liste de 293 noms de garçons et de filles (deux tiers de Français, mais aussi des Polonais, des Allemands, des Tchèques ou des Roumains), placés sous leur «surveillance» et cachés dans des familles d’accueil ou chez les parents des jeunes juifs restés dans la clandestinité.

Autre structure spécialisée dans ce type de soutient, les Eclaireurs Israélites (fiche 48), créés en 1942, travaillent dans l’ombre pour protéger ces innocentes victimes. Leur objectif et celui du responsable de la section locale paloise, Marcel Gerhson, consistent à confier à des familles béarnaises chrétiennes des enfants passés par les tribunaux de la préfecture et condamnés à l’internement. Travaillant dans la clandestinité malgré l’exposition publique de ces activités, cette association fonctionne durant une grande partie de la période de l’occupation, grâce à la complicité et à l’appui de fonctionnaires (fiche 49) en poste dans les tribunaux et dans l’administration. Cependant, en 1943, après des mois de bon fonctionnement et de résultats, le groupe doit cesser brutalement son activité, un jeune, pris en charge par Gerhson ayant été interpellé par la police allemande avec de faux papiers.

Avec peu de moyens mais beaucoup de volonté, ces quelques bénévoles réussissent donc à accomplir d’importants sauvetages d’enfants juifs.

Décisifs par leurs actions, exemplaires par leurs engagements, ces résistants spirituels ont montrent qu’au-delà des divisions, des haines et des injustices, il est encore possible de trouver des hommes pour qui les notions de tolérance, d’humanisme et d’abnégation ont encore un sens.

Crédit image: Mémorial de la Shoah, dessin de Georges Horan.

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.