Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 47: personnalités religieuses face à l’antisémitisme.

Camp-de-Gurs

 

PERSONNALITÉS CATHOLIQUES ET PROTESTANTES EN RÉSISTANCE FACE A L’ANTISÉMITISME DE VICHY.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°47.

 

 

          On a souvent reproché à l’épiscopat français pendant l’occupation de ne pas s’être prononcé ouvertement et fermement contre les persécutions religieuses et de ne pas avoir suffisamment condamné l’attitude des nazis à l’égard des juifs. Pourtant, dans chaque diocèse, des ecclésiastiques ou de simples croyants ont mené des combats contre cette forme d’intolérance et contre ces traques. Qu’elles soient isolées ou organisées, symboliques ou décisives, toutes ces actions ont eu à l’époque une portée et une influence considérables, de tels engagements et de telles marques de courage dans un contexte général difficile et face à une opinion publique majoritairement attentiste, ne pouvant que révéler des vocations et entraîner d’autres actes de générosité similaires.

          Les plus importants et les plus marquants sont sûrement ceux réalisés par des personnalités catholiques du département. A la tête de celles-ci, l’évêque Mgr Vansteenberghe (fiche 45) reste un modèle d’engagement et de dévouement. Entraînant par son action de nombreux autres hommes d’Eglise, le prélat est à l’origine, pendant tout le conflit, de nombreux coups d’éclats symboliques mais aussi plus concrets, qui permettent à l’opinion de prendre conscience de la tragédie que vit une partie de la population.
Seul évêque de zone occupée à avoir ouvertement condamné les rafles de juifs, il utilise régulièrement les bulletins diocésains, avant leur interdiction, pour diffuser des lettres pastorales très critiques à l’égard de l’occupant.
Son action est relayée en zone non occupée par celle d’une autre grande figure de la résistance spirituelle : Monseigneur Daguzan (fiche 43). Représentant l’évêque dans cette partie du diocèse, celui-ci est à l’origine de la parution d’un nouveau bulletin baptisé A l’est de la ligne, dans lequel il transmet aux prêtres béarnais et souletins (fiche 43) les consignes et les positions de l’évêque. Cependant, s’affirmant et sortant de l’ombre de son «supérieur» bayonnais, il se prononce à son tour à plusieurs reprises contre les persécutions religieuses et leurs auteurs. En septembre 1942, il déclare avec conviction sa position en faveur des juifs et ses opinions à l’égard de l’occupant lors d’un prêche à l’église St Martin de Pau (ce qui lui vaut une convocation et plusieurs menaces à la préfecture). Le chanoine Rocq connaît, lui aussi, après une dénonciation faisant suite à son prêche en cette même église, de telles mises en garde qui ne l’ont toutefois pas empêché, peu de temps après, d’inciter avec encore plus de virulence son auditoire à la désobéissance et à l’assistance des persécutés.
A l’échelle nationale, d’autres initiatives ayant les mêmes objectifs se sont également développées. Si celles de Monseigneur Saliège ou du pasteur Boegner (ces personnages charismatiques ont fait circuler en France des lettres de dénonciation de l’ordre nazi et des persécutions) ont eu un grand impact sur les croyants (principalement dans le sud du pays), l’une des plus efficaces et des plus précoces reste celle du cahier Témoignage chrétien. Paru en novembre 1941 à l’instigation des pères Fessard et Chaillet, ce document est perçu par beaucoup de spécialistes comme l’acte fondateur de la résistance spirituelle française.
En Béarn, cette ancienne militante de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne), interne dans un sanatorium, Marguerite Langlade, qui reçoit les premiers exemplaires et qui les fait circuler. Elle est secondée dans cette tâche par l’inspecteur de police Thirond qui, profitant de son important réseau de relations dans les milieux chrétiens, francs-maçons et politiques, fait connaître ce message à un maximum de personnes. Elle est enfin aidée par un prêtre alsacien (fiche 43) très présent auprès des nombreux réfugiés installés dans la région, l’abbé Gébus. Il faut noter à ce propos l’importance de l’action de tous ces membres du clergé déplacés ayant trouvé refuge dans les Basses-Pyrénées (principalement des Alsaciens et des Lorrains). Très influents auprès des populations du nord de la France, ils ont souvent été à l’origine d’opérations audacieuses en bénéficiant de leurs contacts dans leurs provinces d’origine et d’accueil. Plusieurs d’entre elles, sûrement les plus remarquables, permettent entre autre le sauvetage de centaines d’enfants juifs (fiche 50).
Cependant, au-delà de l’engagement de ces ecclésiastiques, la résistance spirituelle dans notre région repose en particulier sur le dévouement et les sacrifices de simples croyants isolés qui, influencés par la hiérarchie catholique locale (fiche 43) ou par simple charité, ont accompli des actions souvent décisives.

          De même, si la communauté catholique regroupe la majorité des croyants béarnais et basques, la minorité protestante a, elle aussi, joué un rôle essentiel dans le sauvetage de juifs et de persécutés. A l’image des catholiques, cet engagement a surtout été marqué par le charisme de grands personnages publics, les plus connus se nommant Madeleine Barot (fiche 54), le pasteur Delpech, le pasteur Cadier (pasteur), mais aussi Elisbeth Kasser ou le pasteur Nauvellon.
L’une des caractéristiques de leur action réside dans le choix du cadre d’intervention. En effet, si les catholiques ont essayé d’aider les juifs dans tout le département, où qu’ils se trouvent, les protestants ont concentré leurs efforts sur les internés religieux du camp de Gurs. C’est pour lutter contre les conditions d’emprisonnement de ce centre (parfois proches de celles des camps de concentration germaniques) que de nombreux volontaires (fiche 53) choisissent ce champ précis d’intervention. Cependant, la portée de ces actions isolées n’étant que très limitée, ils ont rapidement dû se regrouper en associations, baptisées œuvres (fiche 51), pour être plus efficaces. Les plus importantes et les plus puissantes ont été le Secours protestant, avec à sa tête la très énergique Madeleine Barot, mais aussi le Secours suisse d’Elisbeth Kasser ou l’Organisation de Secours des Enfants (OSE) de Ruth Lambert. Avec des objectifs, des méthodes et des moyens (fiche 52) différents, chacune des œuvres améliore le quotidien des internés, certaines apportant des vivres et des vêtements alors que d’autres insistent sur la détresse morale et le soutien psychologique.
Primordiales dans la vie du camp, ces interventions de volontaires protestants ont donc permis de sauver de nombreuses vies, le choix de cette «spécialisation», même s’il est critiqué, permettant d’apporter une aide concrète, efficace et souvent décisive.
A présent, au-delà de l’action de ces associations et de ces personnages charismatiques, il ne faut pas omettre d’évoquer celle plus discrète et isolée des vieilles familles protestantes béarnaises qui, en aidant matériellement les œuvres ou en intervenant directement en cachant, ravitaillant ou assistant des familles juives, ont mérité le titre honorifique de Justes parmi les Nations.

         Publiques ou isolées, d’envergures ou limitées, symboliques ou décisives, les actions des chrétiens basques ou béarnais dans la résistance spirituelle ont donc souvent été autant de preuves de refus de l’ordre établi et de marques de solidarité à l’égard des victimes juives du département.
Combattants sans armes, ces volontaires ont donc, au péril de leur vie et malgré le manque de reconnaissance, mené une lutte inégale mais acharnée contre les principaux fléaux de cette guerre que sont l’intolérance, la haine et le racisme.

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