Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.41: LE BATAILLON GERNIKA.

 

LE BATAILLON GERNIKA DANS LES COMBATS DE LA POINTE DE GRAVE.

 

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°41

 

 

LE BATAILLON GERNIKA DANS LES COMBATS DE LA POINTE DE GRAVE.

          Si l’histoire de la résistance basque a surtout été marquée par des opérations de renseignement, d’espionnage ou d’évasion, on oublie en général qu’elle est également armée et militaire, les combats menés par ces «soldats de la liberté» se poursuivant souvent au-delà de la libération même des départements du Sud-Ouest. L’épopée du bataillon Gernika illustre parfaitement cette partie oubliée de notre histoire tout en honorant le sacrifice de ces combattants tombés pour la libération d’un pays qui parfois n’est même pas le leur.

           Né d’une volonté du gouvernement basque en exil de regrouper en une unité militaire structurée et bien équipée tous les gudaris (combattants basques) luttant dans les maquis pyrénéens et dans les rangs des groupes guérilleros de l’U.N.E. (Union Nationale Espagnole), le bataillon Gernika voit le jour dans la seconde moitié de l’année 1944, peu de temps avant le départ des troupes d’occupation allemandes. Son premier et unique chef reste le prestigieux officier de l’armée républicaine basque, le commandant Kepa Ordoki.

          Principal artisan de la construction du corps militaire, ce héros de la guerre civile rassemble autour de lui, malgré les problèmes qu’il rencontre avec certains membres de l’U.N.E., près de deux cents hommes d’horizons politiques, géographiques et sociaux divers (principalement des anciens combattants de 1936 et des jeunes recrues républicaines sans expérience du feu). Cependant, si la constitution de cette unité est rapide et sans encombre, son entrée en action est retardée par des obstacles diplomatiques et politiques.

          Ainsi, entre son rassemblement, quelques jours après la Libération, et son engagement sur le front, plusieurs mois s’écoulent durant lesquels le bataillon est ballotté de cantonnements en cantonnements. La caserne Bernadotte, à Pau, et le camp de la Négresse, à Biarritz, accueillent notamment durant plusieurs semaines ces volontaires avant qu’ils ne s’établissent à l’automne dans les villages de Carresse (entre Peyrehorade et Salies-de-Béarn) et Sauveterre-de-Béarn. Il faut donc pour ces hommes patienter jusqu’à la fin du mois de janvier 1945 pour voir les perspectives d’action se rapprocher. Leur départ en train de Salies de Béarn vers Bordeaux n’est ordonné par l’état-major qu’après de nombreuses négociations politiques et juridiques.

    Dans cette région, plus précisément au camp d’Ausone (au Bouscat), les soldats d’Odorki sont enfin reconnus comme troupes régulières. Leurs équipements, leurs formations et leurs entraînements deviennent alors plus adaptés et spécifiques. Rattachés aux F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) en tant que « membres d’unités militaires basques »1, ces volontaires du bataillon Gernika, sont intégrés en mars 1945 au Régiment Mixte Marocain et Etranger (R.M.M.E.). Crée le 25 mars 1945, cette unité comprend trois bataillons et rassemble de nombreux volontaires étrangers parmi lesquels figurent déjà d’importants éléments espagnols comme le groupe Libertad du commandant Santos.

          Unité de la brigade Carnot du colonel Jean de Milleret, en poste sur la Pointe de Grave, ce régiment doit se positionner au printemps 1945 dans la partie ouest de cette région (entre l’océan et le marais de la Perge). Il a pour objectif la prise des nombreux avant-postes allemands contrôlant cette zone et à terme l’occupation de toute la Pointe. Cette affectation et cet ordre reflètent les priorités du moment de l’état-major français.

         En effet, si le Sud-Ouest dans sa quasi-totalité est à cette époque libéré, trois « poches » de résistance sur la côte atlantique (La Rochelle-Lapalisse-Ré-Oléron, Royan et Pointe de Grave), sont encore tenues par les Allemands. Très nombreuses (plus de 25 000 hommes) et bien années (plus de 400 pièces d’artillerie), ces dernières troupes d’occupation se retranchent dans les puissants ouvrages du Mur de l’Atlantique,  laissant ainsi planer une ultime menace sur les alliés ainsi qu’un danger logistique pour le pays (les Allemands tiennent plusieurs grands ports). Face à ce danger, le général de Gaulle et son état-major décident de donner l’assaut final à ces forteresses avant la capitulation ennemie. Pour cela, ils lancent contre ces points défensifs les nombreuses unités F.F.I. encore sur zone, faiblement armées, mais déterminées et soutenues par l’aviation alliée. Inséré dans ces opérations de reconquête, le bataillon Gernika et ses gudaris (combattants basques) prennent part à partir du 14 avril 1945 à l’ultime offensive, prouvant en cela, comme le clame son chef avant le départ pour le front, que « les Basques savent lutter et mourir pour la liberté ».

          Les principaux faits de guerre de l’unité ont consisté dans un premier temps à enlever une position ennemie au sommet d’une côte près de Montalivet, après une très difficile et sanglante progression à travers un champ de mines et sous les tirs nourris des Allemands. Ces derniers, au prix de lourdes pertes et après une forte résistance, finissent par être délogés et par se rendre.  L’action majeure des gudaris sur ce théâtre d’opérations se situe un peu plus au nord, entre Soulac et Le Verdon, avec la prise de la forteresse F Y 33, le 19 avril. Cette position étant jugée stratégiquement prioritaire dans la progression des F.F.I., le colonel de Milleret engage d’important moyens pour s’en rendre maître. Après un assaut audacieux et plein d’opportunisme, c’est finalement le bataillon d’Odorki qui enlève la place forte, à la suite d’une courageuse manœuvre d’encerclement et contraint les soixante défenseurs à la reddition. L’Ikurrina (drapeau basque), fierté des volontaires, est hissé au sommet de l’ouvrage à la place du drapeau nazi.

        Après sept jours de combats intensifs, l’ensemble de la Pointe de Grave est libéré, le 20 avril 1945. La résistance désespérée des Allemands aura coûté 400 morts et mille blessés à la  brigade Carnot, les Allemands perdant de leur côté plus de 600 hommes sans parler des 3 300 prisonniers. Les gudaris basques enregistrent quatre tués et 35 blessés, le 14 avril, dans l’assaut de la cote 40, au sud de Montalivet.

     Victorieuse des combats de la Pointe de Grave, la brigade Milleret sera à de nombreuses reprises honorée et décorée. Quant au bataillon Guernika, il sera spécialement remercié par de Gaulle, le 22 avril 1945, lorsque celui-ci, passant en revue des hommes du colonel de Milleret, s’arrête longuement devant le drapeau basque, le salue et déclare que « la France n’oubliera jamais les efforts et les sacrifices accomplis par les Basques pour la libération de notre sol. »

          Unité des volontaires d’Euzkadi, le bataillon Gernika, par son engagement dans les combats de la Pointe de Grave, quelques semaines avant la fin de la seconde guerre mondiale, a largement contribué à la libération du territoire français.

          Son action, aboutissement et consécration  de la politique du gouvernement basque en exil, est le symbole éclatant de l’engagement des Basques dans le camp des démocraties et de la liberté.

1  Laborde J .C. Le bataillon Gernika, les combats de la Pointe de Grave, avril 1945, Bayonne, éditions Bidassoa, 1995, 126 p.

2  Idem

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