Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.39: LA LIBÉRATION DE LA SOULE.

LA LIBÉRATION DE LA SOULE SOUS LA PRESSION DE LA RÉSISTANCE.

 

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°39.

 

 

LA LIBÉRATION DE LA SOULE SOUS LA PRESSION DE LA RÉSISTANCE.

          A la différence de toutes les autres régions du département des Basses-Pyrénées, la Soule, ne doit sa libération qu’à l’action des Résistants, à leurs sacrifices et à leurs efforts. Les combats  libérateurs contre un ennemi  isolé et retranché, résistant avec l’énergie du désespoir, y furent vifs et meurtriers.

            Dans cette zone, les affrontements des résistants de l’A.S. (Armée Secrète)  et de l’A.N. (Armée Nouvelle) contre les Allemands sont fréquents et de plus en plus intenses depuis le débarquement. L’apogée de l’engagement se produit à partir du 10 juin, lorsque les hommes du commandant Larrivière attaquent les derniers convois allemands quittant la ville de Mauléon. Cependant, pour les soldats de l’ombre comme pour les civils, la désertion de ce chef-lieu de canton ne signifie pas pour autant la fin de la guerre, ni une garantie de non-retour de la Wehrmacht. Ainsi, face à ces incertitudes et à la menace toujours présente, les chefs locaux de la résistance, en accord avec les autorités civiles, décident de retarder la mise en place des Comités locaux de Libération (C.L.L.) et de préparer l’assaut final contre les dernières troupes occupantes encore présentes dans la zone.

             Le 11 août au soir, une rencontre réunit dans ce but les principaux cadres régionaux de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) dans l’hôtel Saubidet à Mauléon en présence du colonel Richard, du commandant Carrère et de Rougemont. Plusieurs décisions sont prises au cours de cette entrevue : les plus importantes fixent les objectifs des différentes forces de la résistance. Ainsi, les troupes de l’A.N. se voient confier dans un premier temps la création et le dégagement d’un couloir de circulation qui pourrait permettre aux Allemands de quitter les centres urbains, afin de déplacer les combats vers des espaces moins exposés. L’A.S., de son côté, est censée s’occuper de l’ordre et de la «réorganisation» des villes après le départ des derniers nazis.

            Toutefois, si ces plans semblent bien répartir les responsabilités et les zones d’actions, ce petit éta- major doit, dès le 12, modifier ses projets en apprenant le retour, précédemment envisagé d’un convoi de sept camions allemands venant de Mont-de-Marsan et se dirigeant vers Mauléon.

            Accroché sans succès par deux groupes de résistants de l’A.S. (commandant Pève) et de l’ORA (Commandant Chandrommier) qui ont pour mission de ralentir les troupes, le détachement parvient dans la journée du 13 à réoccuper Mauléon et à reprendre contact avec les assiégés de Tardets. Face à ce nouveau danger, les soldats de l’ombre ne peuvent que multiplier les embuscades, à Moncayolle par exemple, et les opérations de harcèlement visant à couvrir leur repli vers les zones montagneuses et l’abandon de leurs positions prises deux jours avant.

            Cependant, si les résistants réussissent à se mettre à l’abri, les populations qui se sont compromises au moment de cette «illusion de libération» restent en fâcheuse posture avec le retour des nazis. Face à cette menace, pour les habitants de Mauléon notamment, les chefs des F.F.I. décident d’envoyer une lettre aux Allemands leur rappelant plusieurs articles de la convention de Genève et en faisant dépendre du sort des civils la survie des nombreux prisonniers allemands dans les mains de l’A.S. et de l’ORA depuis le 11 août. Pour toute réponse, les clandestins (réfugiés et fortifiés depuis la veille dans la zone montagneuse du Napal), reçoivent le 15 un contre-ultimatum allemand exigeant la libération des prisonniers de guerre contre celle de plusieurs otages français et la non destruction du chef-lieu de canton. Malgré le déséquilibre des forces (le bataillon Spielberg dispose de plus de huit cents hommes et de quatorze pièces d’artillerie), les résistants refusent le compromis et restent sur leurs propositions. Les conditions sont en effet jugées trop désavantageuses mais surtout irréalisables, certains prisonniers de guerre ayant été exécutés.

           Le lendemain, le 16 août, le délai imposé par l’ultimatum étant écoulé, les troupes de la Wehrmacht lancent plusieurs opérations de ratissage en montagne contre les positions de l’armée de l’ombre. Cependant, si de nouveaux désaccords entre mouvements affaiblissent leur résistance, les patriotes parviennent malgré tout à tenir leurs postes jusqu’au retrait des assaillants (ce dernier intervenant étrangement après seulement quelques heures de lutte). Quelques mois plus tard, les résistants apprendront que cette réaction inattendue est due à un ordre général de repli imposé par le débarquement allié en Provence, les consignes étant à ce moment-là, pour les nazis, d’abandonner les zones reconquises et de gagner le plus rapidement possible le nord du département.

           Désertée pour la troisième fois en quelques jours, la ville de Mauléon retrouve donc, ce 16 août 1944 à 13 h 30, sa liberté perdue après quatre années d’occupation. Reprenant alors prudemment et progressivement les postes perdus, quelques sections de l’A.S. et de l’ORA avancent sur l’axe Mauléon-Tardets et s’assurent ainsi du départ définitif des nazis, afin de permettre au gros des troupes de descendre en toute sécurité du Napal vers Garaïbie. Pourtant, si la voie semble bien libre dans le chef-lieu de canton, il n’en est pas de même à Tardets où les Allemands sont encore retranchés dans la ville, bien décidés à poursuivre le combat, comme en témoignent les nombreux parachutages de vivres et de munitions.

          Outrepassant les tensions qui sont de plus en plus acerbes au sein de la hiérarchie, les mouvements de résistance réussissent à encercler la position, mettant ainsi à profit leurs puissants moyens humains et matériels. Le 20, un premier ultimatum remis par le curé Doyen est rejeté par des Allemands déterminés à poursuivre la lutte. Le 22, après l’arrivée de nouvelles troupes françaises autour de la place fortifiée et grâce au travail de madame Sagardoy (représentante locale de la croix rouge), le Kommissar Beker réclame une entrevue pour négocier une reddition. Refusé dans un premier temps par les vaincus qui ne voient encore leurs adversaires que comme des terroristes, le cessez-le-feu entre finalement en vigueur le 23 août à une heure du matin après d’ultimes négociations sur les conditions de reddition et d’internement des soldats prisonniers de guerre. Un accord est ainsi signé entre les chefs des deux camps le lendemain, les occupants pouvant quitter dignement leurs positions qu’investissent immédiatement après les hommes de la résistance.

           Après quatre ans d’occupation et des semaines de combats entre Wehrmacht et armée de l’ombre, la Soule libre peut enfin fêter au son des « cloches de la victoire » la paix et l’indépendance retrouvées.

           Symbole du sacrifice et du courage des volontaires, la prise de ces deux villes (Tardets et Mauléon) est considérée après-guerre comme l’une des plus belles victoires de la résistance basque sur l’occupant.

          En effet, au-delà des divisions politiques et humaines, la plus brillante des actions est sans nul doute celle de l’union qui permet, au nom de l’intérêt général et de l’engagement patriotique, de vaincre les plus puissants ennemis et de survivre aux plus cruelles souffrances.

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