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LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.37: LA LIBÉRATION DE LA CÔTE BASQUE, LE 22 AOÛT 1944.

 

LA LIBÉRATION DE  LA CÔTE BASQUE, LE 22 AOÛT 1944.

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°37.

 

 

LA LIBÉRATION DE  LA CÔTE BASQUE, LE 22 AOÛT 1944.

 

                Lorsqu’on étudie l’histoire de la résistance sur la côte basque, nous pouvons constater qu’une période particulière de cette lutte semble avoir marqué de nombreux anciens acteurs ou témoins de cette époque : la libération. Instants de gloire par excellence pour tous les volontaires qui ont choisi, depuis plus ou moins longtemps, la lutte armée ou militante comme moyen d’expression du refus de la défaite et de l’occupant, ces quelques jours du mois d’août 1944 sont dans les Basses-Pyrénées à la fois marqués par le départ, sans importants combats, des troupes de la Wehrmacht (armée régulière), de la Gestapo (police secrète) et de la Grenzeschutz (douane), mais aussi par la révélation au grand jour d’une armée de l’ombre qui n’est jusque-là qu’un «fantôme» plus symbolique que décisif. Ainsi, comprendre cette période clé dans l’histoire de l’opposition basque, nécessite de s’attarder en premier lieu sur les dernières heures d’occupation de cette zone et sur le retrait définitif des Allemands le 22 août 1944.

                S’il paraît impossible le 19 août, date de l’ultime réunion des chefs départementaux de la résistance à Pau, chez Honoré Baradat, de « chasser » militairement l’occupant et donc d’attribuer cette victoire aux soldats de l’ombre, les forces étant trop déséquilibrées dans une guerre dont l’issue est déjà jouée, les hommes de la résistance reçoivent de cet état-major régional l’ordre de gêner et de harceler au maximum la retraite de la Wehrmacht (qui est déjà bien avancée depuis plusieurs jours), sans mettre en péril les populations civiles qui peuvent souffrir de représailles nazies. Ainsi, de libération, à quelques exceptions près, notamment en Soule, il n’y a en réalité qu’un abandon de terrain et un repli stratégique des Allemands qui rejoignent, sans accrochage sérieux, le nord de la région et les armées en partance pour le front.

                Pourtant, dans l’ensemble du Pays basque, ce mouvement de retraite est déjà amorcé depuis la fin du mois de juin 1944. La majeure partie des troupes d’occupation et le matériel le plus important est en effet à cette période, en plein transit. A présent, si les villes semblent être comme désertées par la puissance germanique au début du mois d’août, un fort contingent de nazis, principalement des agents de la Gestapo, de la douane et de la Feldgendarmerie, reste encore sur place pour maintenir dans la région l’ordre et une certaine menace de retour ou de répression en cas de manifestations trop hostiles lors du départ des derniers éléments. Ainsi, la véritable phase de libération ne commence réellement qu’avec le départ de cette arrière garde, les 21 et 22 août.

                Au matin du 22, un dernier convoi de cinq véhicules traverse la sous-préfecture bayonnaise à toute allure en direction des Landes. Cependant, si la guerre paraît définitivement perdue pour les nazis, certains d’entre eux sèment une dernière fois la peur et la mort sur leur chemin en tirant, au hasard des rencontres, dans la foule, des rafales de mitraillettes qui font trois victimes innocentes (Pierre Escutary d’Anglet est tué au carrefour de Saint-Léon, l’entrepreneur de peinture Jouantéguy près de la gare et le jeune Rouddel-de-Saint-Bernard, âgé seulement d’une vingtaine d’année, aux abords de la citadelle).

                Ultime acte de barbarie, ce geste fou, est interprété par les résistants comme le signal annonciateur de la fin réelle de l’occupation et du retour de la liberté. Dès midi la compagnie biarrote des FFI, conduite par MM. Guilhou et Harispe, entre alors dans la ville de Bayonne, les armes à la main, en libérateur. A ce moment-là, certains édifices publics et quelques maisons sont déjà décorées aux couleurs tricolores. Cependant, ce n’est que dans la soirée, lorsque tout risque de retour (encore possible) des Allemands est écarté, que la véritable liesse et l’explosion de joie se produissent. Les drapeaux et les brassards de la résistance fleurissent alors véritablement à ce moment-là.

               Un tel décalage entre le départ du dernier convoi et le retour officiel à l’indépendance s’explique en partie par la traversée d’Anglet, à 14 h, d’une voiture allemande, occupée par quatre personnes et suivie d’une moto montée par deux hommes. La résistance a déjà pris possession à cet instant de la ville. Ce groupe se heurte donc au carrefour de St Jean à un barrage dressé par les membres locaux du mouvement Libération Nord, commandés par l’ingénieur Puyade et son adjoint Casalis. Après deux heures de combat et de poursuite dans le secteur de Bernain,  le motard réussit à s’enfuir, emportant son passager mort (qui est retrouvé un peu plus loin). A la fin de la journée, un officier allemands, le commandant Grosch, chef des douanes de la région de Cambo (dégradé par ses supérieurs à cause de l’échec de sa mission de reconnaissance quelques jours auparavant sur Bayonne), en fuite vers l’Espagne et un de ses hommes sont tués. Un troisième soldat est capturé alors que le quatrième passager de la voiture réussit à s’enfuir. Les résistants n’ont pour leur part dans leur rang qu’un blessé.

              Ainsi, au soir du 22, dix-huit Allemands sont arrêtés. Presque tous se sont rendus sans opposition. Parmi les prises réalisées, notamment sur l’officier tué, un résistant trouve une mallette remplie de documents qui, dépouillés et traduits par monsieur de Greef (interprète de la ville), s’avèrent être plusieurs listes d’identité d’agents de la Gestapo qui ont opéré en France et en Belgique et qui se sont réfugiés en Espagne. Face à l’importance de cette trouvaille, les responsables des services de renseignement décident d’utiliser les anciennes filières d’évasion pour faire parvenir au plus vite aux alliés ce « petit trésor »1. Dans la nuit, c’est Elvire de Greef (Tante Go pour Comète) qui se charge de cette mission et passe la frontière en direction de San Sébastien où, de chez Aracama, elle téléphone à l’agent Creswel du MI 9 (service secret anglais) à l’ambassade britannique qui arrive le lendemain de Madrid en voiture pour prendre possession de ce précieux document.

            Cependant, dans cette région basque comme partout en France, la libération est également synonyme dans les premiers instants, de vengeance et de représailles. Quelques organes de collaboration, tel le journal vichyste Sud-Ouest-La presse, sont saccagés puis interdits (ses propriétaires sont par la suite incarcérés). Plusieurs commerces comme une librairie bayonnaise, dont le propriétaire est accusé de sympathie germanique, subissent également les colères et la haine de la foule.

             Au-delà de ces quelques actes isolés, les premières heures de liberté sont surtout marquées par des manifestations populaires de joie et par la mise en place de nouvelles autorités. Le 23, la commission municipale provisoire de Bayonne (installée la veille) honore son nouveau statut officiel en se rendant au monument aux morts pour une cérémonie solennelle sous la direction de son président Jean Labourdigue.

            S’il est abusif de parler de libération militaire par les forces de la résistance pour la côte basque, il est en revanche indéniable que ces dernières ont joué un rôle important dans le rétablissement de l’ordre et dans la traque des nazis en fuite vers l’Espagne.

            Cette liberté retrouvée, suite au départ volontaire des Allemands, peut donc être perçue comme un symbole et un reflet de la période de l’occupation. L’ennemi reste en effet maître de ses décisions et de ses actes, la résistance ne pouvant alors face à une telle puissance, qu’exercer une action discrète, pour ne pas dire symbolique…

 

1  Crouzet Jean.  « Le départ des derniers soldats allemands », La semaine du Pays basque, 26 août- 1er septembre 1994

 

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