Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.29: LE RÉSEAU FORT-COMÈTE-CASTILLE.

LE RÉSEAU DE RENSEIGNEMENTS FORT-COMÈTE-CASTILLE.

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°29.

 

LE RÉSEAU DE RENSEIGNEMENTS FORT-COMÈTE-CASTILLE.

          Créé ex-nihilo par le capitaine d’aviation Bergé, le réseau Fort-Comète-Castille  représente par la précocité de son activité, par sa discrétion, mais surtout par l’étendue et la portée de son action sur la côte basque, une référence et un organe essentiel des services de renseignement alliés en zone occupée durant la Seconde guerre mondiale.

          S’il est facile de trouver des exemples de réseaux clandestins qui œuvrent en zone libre avant 1942, il est en revanche plus délicat d’en trouver qui s’implantent directement et dès le début du conflit, dans la partie occupée du pays. Le cas du réseau Fort-Comète-Castille paraît sur ce plan particulièrement intéressant à étudier.

         Très actif sur la côte basque à partir de 1941, ce réseau de renseignement et d’évasion trouve son origine dans l’action capitale et précoce du capitaine Georges Bergé. Fuyant le pays défait en juin 1940, aux côtés de René Cassin et de Jacques Monod en embarquant du port de Saint-Jean-de-Luz vers l’Angleterre, cet officier de l’armée de l’air rejoint les Forces françaises libres et le général De Gaulle à Londres avec les «résistants de la première heure». En poste à l’état-major, il ne cesse cependant de réclamer son engagement sur le sol de France occupée et sa reprise du combat contre l’occupant C’est rapidement chose faite puisque après avoir créé une compagnie d’infanterie de l’air (une vingtaine d’hommes), il est parachuté sur sa terre natale avec des missions de sabotage et de harcèlement. Toutefois, ces dernières échouant presque toutes, il profite de sa présence en zone occupée pour prendre des contacts avec des amis et de la famille afin de réaliser l’un de ses plus chers projets, à savoir la mise en place dans un secteur très surveillé par les Allemands, la côte basque, d’une organisation clandestine paramilitaire de renseignement et d’espionnage.

         Les premiers résultats ne tardent pas à venir avec l’engagement de deux proches et d’un collaborateur de ces derniers : il s’agit tout d’abord du propre beau-frère de Bergé (Adolphe Lacoste), receveur des P.T.T., et de son ami Dagouassat, ancien aviateur et gérant d’une station-service à Bayonne. Après avoir recruté discrètement autour d’eux, ces deux volontaires amènent, pleins d’espoir, le capitaine auprès de Pierre Fort. Rassemblant selon l’émissaire de Londres, toutes les qualités nécessaires à un responsable et à un leader de mouvement, cet ancien officier se voit rapidement confier officiellement, le 21 mars 1941, la direction de l’organisation de renseignement militaire et de passage clandestin du capitaine Bergé : le réseau Fort-Comète-Castille.  Bien lancé et bien structuré, le réseau est opérationnel au moment où ce dernier quitte le pays pour rejoindre l’Angleterre. Testé à diverses occasions, il prouve rapidement tout son potentiel et son efficacité en transmettant quelques jours à peine après sa mise en service officielle, de très rares et très précises informations sur l’état et la composition des forces de l’armée allemande sur la zone côtière basque. Ces dernières portent principalement sur les positions d’un dépôt d’essence de la Wehrmacht à Bayonne, d’une poudrerie, d’un bassin de réparation de navires, d’une usine aéronautique Bréguet-Latécoère à Anglet et d’une caserne d’éléments de la défense côtière. A ces renseignements de premier ordre pour les alliés, les agents de Fort ajoutent également des plans et des données très précieuses sur la base sous-marine de Bordeaux et sur les camps d’aviation de Mérignac et Mont-de-Marsan. Passées par courrier, l’émission radio étant en défaillante à ce moment-là, ces informations permettent peu de temps après aux britanniques de lancer une attaque aérienne d’envergure sur la région. Elles évitent ainsi une partie des nombreuses pertes humaines occasionnées par un bombardement massif sans objectif bien localisé.

          La suite des opérations est cependant plus délicate pour le mouvement clandestin. Les alertes et les arrestations de plusieurs opérateurs radios par la Gestapo (Bourdat et Donadieu par exemple) rendent les liaisons avec Londres particulièrement difficiles et dangereuses, même si sur le terrain, les actions de harcèlement, d’espionnage ou de passage se généralisent. Ainsi, avec l’invasion de la zone libre en 1942, le réseau commence à connaître d’importantes difficultés de fonctionnement, mais surtout de communication et de transmission d’informations suite à l’interpellation de nombreux cadres et d’agents de liaison palois (Larquier et Soubiran).

         Cette pression ennemie devient de plus en plus dangereuse pour tous les réseaux. Le commandant Cavalier (chef du réseau Notre-Dame) propose alors à Pierre Fort de fusionner les deux mouvements en une seule et unique structure baptisée Confrérie-Notre-Dame-de-Castille. Cette union est acceptée par l’organe de Bergé. Un nouveau réseau, plus puissant, plus diversifié et mieux organisé, voit donc le jour. Actif dès l’été 1942, cette structure se dote rapidement d’organes spécialisés (comme le sous-réseau Elhorga) dans l’évacuation vers la frontière d’aviateurs alliés abattus, de militaires français, mais aussi de personnalités, comme la sœur et le neveu du général De Gaulle, dans la région de Sare.

                Ainsi réorganisé, malgré les différentes vagues d’arrestations toujours plus meurtrières, ce réseau de renseignement et de passage devient rapidement l’un des plus efficaces de la région. Il parvient à pénétrer de nombreux secteurs clés de la vie quotidienne de l’occupant sur la côte et à mettre en place un véritable quadrillage de toute la zone qui lui procure un maximum d’informations. Fort-Comète-Castille contrôle ainsi la distribution du courrier et les P.T.T. grâce à l’action du chef  Cazalis et de toute son équipe de facteurs qui «glanent» les informations, multiplient les enquêtes et se chargent de la transmission du courrier pour le mouvement avec leurs laissez passer. Les cheminots du réseau profitent également de leurs emplois et de leurs avantages pour servir ce dernier, à l’image de Pierre Darbonnens qui travaille sur la ligne Pau-Bordeaux-Toulouse et assure les liaisons entre ces différentes villes pour la résistance. De même, des ingénieurs (Edouard Forgues), des policiers (Louis Ballon) et une multitude de salariés de divers corps de métiers exercent une surveillance permanente des moindres faits ou déplacements des troupes ennemies. L’engagement le plus dangereux, mais aussi le plus décisif, reste sans nul doute celui des traducteurs de la Gestapo ou des geôliers de la Wehrmacht. L’un d’entre eux, Bernard Harspur, en contact avec Fort-Comète et employé au cœur même du système allemand dans la Villa Chagrin (prison allemande de Bayonne), informe régulièrement ses supérieurs dans l’armée de l’ombre des arrivées de nouveaux détenus, des arrestations ou des transferts, mais surtout des aveux de certains prisonniers (la rapidité et la prise de risque pour la transmission de cette information sauvent en effet souvent de nombreux vies).

         Tous ces efforts pour quadriller la zone basque et surveiller les activités nazies ne peuvent cependant empêcher les arrestations fin 1943 du commandant Cavalier et de plusieurs grands responsables du réseau. Celles-ci perturbent durablement l’organisation du réseau sans pour autant compromettre les autres membres qui réussissent se mettre à l’abri au bon moment et dans de bonnes dispositions afin de poursuivre la lutte.

         Référence dans le monde de l’espionnage et du renseignement, le réseau Fort-Comète-Castille (qui devient durant le conflit la Confrérie-Notre-Dame-de-Castille), montre avec beaucoup d’assurance ce que peut apporter aux plans militaires et civils une organisation clandestine de renseignement en zone occupée.

          Créditée d’un brillant bilan au niveau des personnes passées ou des informations recueillis, ce réseau reste l’un des plus efficaces de la France libre, mais aussi l’un des plus honoré, le capitaine Bergé (au nom de toute son organisation) étant à plusieurs reprises décoré pour son engagement.

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