Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Réseaux. Passages. Passeurs.14: Résaux Maurice et Ossau, pour militaires français.

 

LES RÉSAUX D’ÉVASION  MAURICE ET OSSAUFILIÈRES D’ÉVASION POUR MILITAIRES FRANÇAIS.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°14.

 

 

 

LES RÉSAUX D’ÉVASION MAURICE ET OSSAU, FILIÈRES D’ÉVASION POUR MILITAIRES FRANÇAIS.

          Nés du refus de la défaite de quelques officiers en 1940, les réseaux d’évasion pour militaires français mis en place durant l’occupation permettent à de nombreux réfractaires (démobilisés ou de l’armée d’armistice) de rejoindre les Forces Françaises Libres (F.F.L.) et de reprendre le combat contre l’ennemi nazi.

            Illustrations types de ce que peuvent être ces mouvements clandestins, les réseaux Maurice et Ossau réalisent par exemple sous les ordres du commandant Pouey-Sanchou d’importantes actions pour le passage des volontaires et le renseignement des services secrets alliés.

            Après l’humiliation du printemps 1940, la grande majorité des anciens soldats de la campagne de France se démobilise ou rejoint les rangs de «l’armée d’armistice», obéissant en cela aux ordres de la hiérarchie et de la convention du 22 juin 1940. Toutefois, dans la détresse de cette armée vaincue, de nombreux officiers et hommes de troupes refusent la défaite et décident de quitter le pays pour rejoindre l’Afrique du Nord et l’Angleterre. Isolés dans leurs engagements, condamnés pour leurs choix, ces premiers résistants ne peuvent malheureusement tous réaliser leurs projets, la rapidité et la fureur de l’offensive Allemande bloquant rapidement toute possibilité de repli vers les ports du littoral atlantique ou l’Espagne.

            « Prisonniers de France », ces réfractaires ne renoncent pas pour autant à leur rêve de revanche et à leur désir de départ. Avec ces objectifs, de nombreux cadres de la «nouvelle armée» et d’anciens simples soldats se lancent à la recherche de contacts et d’informations sur les différentes possibilités d’évasion. Leurs premiers résultats les amènent en général à solliciter d’anciens spécialistes des services de renseignement français. Bien qu’interdits par les clauses du traité d’armistice, ces derniers, poursuivent leurs activités sous le camouflage de postes dans l’administration. En relation avec des hommes du B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action) gaulliste de Londres, ces agents enquêtent dans les départements frontaliers du sud de la France sur les méthodes, les zones  et les organes spécialisés dans cette activité afin de poser les bases et les premiers éléments de ce qui va constituer les futurs réseaux d’évasion militaires français.

            Rassemblant ainsi des anciens combattants, des agents des services secrets, des cadres de l’armée démobilisés ou de simples volontaires antifascistes, cette poignée de résistants de la «première heure» créent dans notre région et sur l’ensemble du territoire plusieurs réseaux de passage et de renseignement. Chacun dispose alors de nombreuses filières avec ses propres passeurs, ses intermédiaires, et ses responsables…

 

                Exemple parfait de structure œuvrant pour l’évacuation de militaires dans notre département, le réseau Maurice (sous les ordres du commandant Fatigue) s’illustre dans la clandestinité par son engagement, son organisation et son efficacité sur les sentiers pyrénéens et dans la conception des missions.

            Il réunit dans un premier temps de nombreux cadres des services de renseignement français tels les capitaines Paillole et Pivet ou le général Mollard (auquel on rend hommage après son arrestation en 1943 en baptisant ce réseau anonyme de son prénom), ainsi qu’un important contingent de cavaliers d’activé ou de réserve. Peu de temps après ses premières opérations, le mouvement s’ouvre à toutes les catégories de volontaires, à condition qu’ils aient une formation ou une « spécialisation » militaire. Les soldats de métiers, anciens ou actuels, souvent originaires des classes les plus aisées de la société, occupent toutefois l’essentiel des postes à responsabilité et une grande partie des convois en partance vers l’Espagne.

            Devenu rapidement essentiel pour les alliés grâce à sa sélection des candidats et à ses impressionnants résultats, le réseau Maurice bénéficie par son nouveau statut d’importants moyens (financiers, matériels, humains) et d’un mode de fonctionnement très élaboré qui lui permet de mener à bien ses évasions avec une prise de risque minimum. Durant les premiers mois d’activité, ces dernières s’effectuent principalement par des itinéraires qui traversent la Catalogne, avant de se répandre le long de toute la chaîne des Pyrénées, l’Ariège, mais surtout les Basses-Pyrénées, devenant des zones de passage privilégiées. Dans ce département, les « grandes» voies » de l’antenne basco-béarnaise (sous les ordres du charismatique colonel Pouey-Sanchou) passent régulièrement par Oloron, les vallées d’Aspe et d’Ossau, Tardets et la forêt d’Iraty.

            Cependant, malgré les multiples précautions et les considérables « investissements», plusieurs convois sont victimes en 1943 d’arrestations et de trahisons. C’est notamment le cas sur la ligne Navarrenx-Tardets-Licq-Arette au printemps, mais surtout en juillet avec le retournement d’un passeur , ouvrier espagnol del Estai  dans les chantiers d’altitude et recruté par l’organisation. Son acte entraîne sur la ligne d’Oloron et de la vallée d’Aspe la perte de deux convois et la déportation de plusieurs dizaines d’évadés, mais aussi d’une partie du réseau Maurice. Le traître vend en effet également des collègues espagnols (passeurs comme lui) et des responsables départementaux ou régionaux du mouvement.

               Le réseau multiplie pourtant pour éviter ce genre de piège les mesures de sécurité, comme ce système d’authentification basé sur le don d’un demi-billet de cinq francs (déchiré à Toulouse) au chef de convoi et remis par l’évadé au passeur lors de l’arrivée en Espagne. Ce dernier doit s’en servir par la suite comme preuve de la réussite de son travail et comme justificatif de salaire.

Au-delà de ces tragédies, les traversées se poursuivent à une fréquence toujours plus élevée dans les Basses-Pyrénées. Particulièrement sollicitée dès 1942, la ligne d’Arudy est véritablement prise d’assaut l’année suivante lorsque le commandant Conze (responsable tarbais) et de nombreux autres chefs locaux décident d’orienter et de faire converger une grande partie des militaires en fuite dans le Sud-Ouest (principalement dans la région de Toulouse) vers la gare de ce village ossalois. Là, les évadés sont en général pris en charge par une équipe composée du personnel et des propriétaires de l’hôtel des sports, qui assurent la conduite de la dernière étape à travers la vallée et sur les sentiers de montagne jusqu’à la frontière espagnole.

            Actif et efficace durant tout le conflit, le réseau Maurice doit pourtant souvent s’associer, pour organiser des convois ou pour employer des passeurs , à d’autres mouvements tels Françoise, Pat O’Leary ou Bourgogne (une partie de ses membres travaille également pour d’autres groupes). Parmi ces structures, généralement rompues à l’évacuation de militaires, certaines se sont particulièrement illustrées dans notre département. C’est notamment le cas de NavarreAlliance qui, bien que spécialisé à l’origine dans le renseignement, permet à plusieurs reprises à de nombreux hommes et courriers de passer la frontière sans problèmes. Cette traversée des Pyrénées reste malgré tout assez originale puisqu’elle se déroule dans le coffre d’une voiture de la Légion Française des Combattants (organisation maréchaliste) à laquelle appartient son chauffeur qui n’est autre que Georges Loustaunau-Lacau lui-même, fondateur du réseau, mais aussi de l’association collaborationniste !

            D’autres grands noms d’organisations clandestines reviennent également dans l’histoire de l’armée de l’ombre et de l’évasion de soldats. Il s’agit souvent de Martial, d’Alliance, de Françoise, de Marie Christine ou d’Ossau… Ce dernier mouvement, très connu en Béarn et au Pays basque, se démarque des autres structures par la portée de son engagement et par son organisation. Elle repose principalement sur l’inévitable commandant Pouey-Sanchou qui, à la tête de ce sous réseau de Base Espagne  dirige dès l’automne 1940 une centaine de volontaires. Pourtant, à l’origine, seuls quelques amis de la région ont le courage de se lancer dans une telle aventure : il s’agit, outre le commandant,

de Pierre Barats , de Pau, et de son frère hôtelier à Eaux-Bonnes,

de Robert Laurent (officier de réserve),

de M. Larramendy (pharmacien à Hendaye),

de Jacques Lopez 

du commandant Passicot  à Saint-Jean-de-Luz

et du commandant Quérillac.

                Bien ancré sur la côte et dans la vallée d’Ossau, ce mouvement possède de nombreux contacts dans les Basses-Pyrénées ainsi que quelques antennes en Bigorre (notamment à Tarbes avec Louis Estèbe) et en Espagne où un point de chute est trouvé à San Sébastien (au Paréo colon) avec Emilio Mallet. Par la suite, surtout à partir de novembre 1942, l’effectif s’étoffe considérablement (au Pays basque principalement) avec l’arrivée de nombreux militaires de carrière (français et étrangers), mais aussi de quelques femmes, de prêtres, et de passeurs. Fin 1943, un véritable quadrillage du département se met ainsi en place.

            Répondant à de fortes sollicitations des alliés et des « prisonniers de France »¹, les réseaux d’évasion de militaires jouent donc un rôle essentiel dans la « bataille des Pyrénées » et dans l’histoire des mouvements de résistance.

            Fournissant ainsi de nombreux officiers, hommes de troupes et spécialistes de l’armement aux F.F.L. (Forces Françaises Libres) en pleine recomposition en Angleterre, ils sont en parti à l’origine de l’épopée des grandes unités françaises (Leclerc, de Lattre…) aux côtés des alliés, sur les fronts d’Europe et d’Afrique, jusqu’à la victoire finale.

¹ Eychenne E,  Les fougères de la liberté, Toulouse, éditions Milan, 1987, 338 p.

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