Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
LASSALLE Anselme. Requis S.T.O.
Anselme LASSALLE. Requis pour le service du travail obligatoire, Anselme a passé 27 mois loin de son village natal de Fichous-Riumayou.
Témoignage recueilli par M-Claude Salles-Mandrou et Cl. Chadelle.
Transcrit par M-Claude Salles-Mandrou.
Anselme LASSALLE
Il venait d’avoir vingt ans quand -le 13 juin 1942- un gendarme vint lui apporter une convocation pour qu’il se rende à la Mairie d’ARZACQ le samedi suivant.
Anselme avait participé aux Chantiers de Jeunesse et il était le seul jeune du village de Fichous-Riumayou de cette classe 42 dont Hitler exige de la France un recrutement forcé pour combler le manque de main d’œuvre disponible en Allemagne. Il est l’aîné d’une famille de cinq enfants (il fera la connaissance de sa petite sœur de 3 ans à son retour). Avec ses parents ils parlent de la guerre en cours mais les informations sont minces.
Le sigle S.T.O. Comporte le S comme service, le T comme travail, le O comme obligatoire ; c’est ce qu’on lui explique à la Mairie d’Arzacq mais il ignore que derrière ces trois lettres il y a l’un des drames de la Seconde Guerre Mondiale. Il comprend que se soustraire à cette obligation peut entraîner des représailles pour sa famille.
Après une brève visite médicale il est considéré bon pour le S.T.O.
Le 17 juin (soit 4 jours après la convocation), Anselme quitte sa famille et son village pour plonger au cœur des années noires de cette époque. On lui a simplement expliqué qu’il est recruté comme tous ceux de la classe 42, qu’il est obligatoire de partir, qu’il sera payé, qu’il travaillera pour le compte des Allemands.
Le cœur serré, Anselme fait ses adieux à sa famille.
Il se rend, à l’heure indiquée, devant le funiculaire de PAU mais il n’a pas d’informations pour la suite. Ils sont nombreux au rendez-vous avec leur malle en bois ; le sienne contient quelques effets et la nourriture soigneusement préparée par sa maman, si triste de voir partir son aîné vers l’inconnu. Devant le funiculaire où règne un peu de confusion, l’angoisse monte. On leur annonce qu’ils partiront finalement le lendemain, et chacun se débrouille pour passer la nuit à Pau. Le lendemain ils montent dans un train qui les amène à Nay, dans le secret, car la veille un même convoi a été intercepté vers Orthez pour empêcher le départ des Français vers l’Allemagne. C’est donc de Nay qu’ils sont partis vers une destination inconnue et c’est à LYON qu’ils descendront pour un repas sommaire et un peu de repos à la caserne de cette même ville.
Le 19 juin il embarquèrent dans le train vers l’Allemagne et le convoi s’arrêta dans une ville dont le nom échappe aujourd’hui à Anselme : on leur sert un repas et ils sont rapidement triés selon leurs compétences professionnelles. Il est dirigé vers le monde de la métallurgie et de la sidérurgie qu’il ne connaît absolument pas. C’est le début d’un long séjour.
Il fut dirigé vers la Haute Silésie, à « Gelosa » (?) dans la région de CRACOVIE. Dans la confusion, on les installe dans un camp de baraquements en bois, surpeuplé, pour travailler à l’usine. Son travail consiste à charger et décharger des plaques de fonte destinées à être de nouveau fondues. C’est un travail pénible, dont on exige un rendement, avec l’encadrement rigide de S.S. ; il doit apprendre à travailler avec le ventre vide lors des journées longues de 10 heures.
Il y restera trois mois, puis on le transfère à DOBROWA HUTA, et KROLESKA-HUTA ville métallurgique. Affecté au dépôt des résidus de l’usine, il récupère de la cendre qui servira à reconstituer des briques. Il est de nouveau logé dans des baraquements en bois, toujours très surpeuplés. Le climat est rigoureux, la discipline sévère. La population de cette entreprise est constituée de femmes polonaises, de prisonniers et de S.T.O français. L’effectif de travailleurs est d’environ 120 dans son secteur de travail. Il a la chance d’avoir comme chef de contrôle un étudiant en médecine Polonais qui parle un bon français et qui fait preuve d’humanité, malgré la supériorité de S.S. toujours présents, armés de fusils mitrailleurs. La répression sévit. Très surveillés ils ne peuvent parler entre eux et le temps semble long : le courrier de la famille, quelques colis (toujours contrôlés et déjà ouverts) réchauffent le cœur malgré la faim, le froid et la neige. Ils sont modestement rémunérés, ce qui favorise les échanges nourriture-cigarettes-vêtements. Bien que réguliers, les repas sont toujours identiques : 300 g de pain, un bol de soupe et très peu de viande.
Anselme se souvient avoir vu arriver des prisonniers Anglais soumis au même régime de travail.
En janvier 1945, l’activité de l’usine ralentit considérablement : les S.S. sont nerveux et déstabilisés, puis il n’y a plus de travail. On entend des bombardements à répétition et un jour l’un des chefs S.S. leur ordonne de se regrouper pour partir en Allemagne. Des rumeurs circulent et l’ensemble du camp manifeste un refus catégorique. Déterminés, ils ne partiront pas en Allemagne malgré cet ordre.
Tôt le matin du 25 janvier, on a frappé à la fenêtre du baraquement où il dormait et il a entendu « Où sont les Français ? » ; c’était un fort accent Russe et aujourd’hui’ hui il entend encore ces mots. On venait les libérer ; c’étaient les Mongols qui ont été admirables souligne Anselme. Ces Mongols étaient vraiment heureux de leur annoncer qu’ils étaient libres, qu’ils allaient revenir en France et rentrer chez eux.
On les a rassemblés et ils ont entrepris une longue marche vers CRACOVIE qui a duré trois jours difficiles, dans la neige, avec une fatigue accumulée et une grande faiblesse physique, dirigés par un grand officier Russe, très humain, se souvient Anselme. D’ailleurs si Anselme était affaibli, son camarade de Bosdarros était épuisé. Il est tombé dans la neige, incapable de se relever. L’officier Russe a pris un paquet de cigarettes dans la malle en bois de ce camarade, puis a arrêté un attelage de poneys conduit par un charretier Polonais, afin qu’il les conduise jusqu’à CRACOVIE. Ce dernier a tout d’abord refusé, mais l’officier a pointé la mitraillette pour imposer sa demande ; la charrette était réquisitionnée : c’était un ordre. Anselme et son camarade ont rejoint ainsi CRACOVIE délivrés des souffrances de la marche. Il y avait de l’effervescence à CRACOVIE. Il se souvient encore que deux jeunes gens d’une vingtaine d’année, heureux de les croiser, leur ont proposé de leur offrir un café mais il n’y en avait déjà plus dans les bars où ils se sont présentés puis ils ont fini par boire ensemble ce café à l’odeur inoubliable … Les soldats Russes sont fatigués, lassés des combats.
Anselme se souvient avoir vu beaucoup de cadavres au cours de cette marche vers la Liberté ; les bombardements avaient fait des dégâts parmi les ennemis mais aussi parmi la population Il n’y avait plus de combats mais Anselme gardera tout au long de sa vie cette triste vision des cadavres à ses côtés.
Avec le camarade de Bosdarros ils ont retrouvé leur groupe et malgré le nombre important de prisonniers libérés (1200) ils étaient bien soignés. Mais CRACOVIE ne sera qu’une halte de courte durée sur la route du retour et Anselme rejoindra très vite un autre camp.
Hélas, il contacte une pleurésie et on le dirige à l’infirmerie de PETOSKA (?) . Il considère avoir été très bien soigné, mails il a hâte de revenir à Fichous. Un jour, depuis son lit d’hôpital, il apprend qu’un convoi va partir en direction de la France. Malgré sa faiblesse, il ne veut plus rester hospitalisé et demande à des camarades de préparer sa modeste malle en bois et de le porter jusqu’au train. Il sera accueilli par la Croix Rouge à KATOWICE (Silésie) ; il se souvient avoir été réconforté par un camarade de Miossens (SALLES). Cependant les routes sont encore coupées. Ce retour fut interminable…
Il repartira -toujours en convoi ferroviaire- en passant par l’Autriche, vers la Hollande, Après le passage en Belgique, sous les acclamations, quelques formalités administratives et une visite médicale, Anselme arrive enfin à PARIS. La Croix Rouge prévient le centre de PAU qui transmettra son jour d’arrivée à sa famille.
Il arrive enfin à PAU le ………………………………. Il aura mis deux mois pour revenir dans son foyer laissant derrière lui une parenthèse d’horreur pour essayer de refaire surface.
Le car de LUX d’Arzacq le conduit à Fichous-Riumayou devant la ferme de ses parents après 27 mois d’absence.
Il se souvient avoir franchi le seuil de sa maison « Troussilh », épuisé, mais heureux de retrouver les siens. Il fit enfin la connaissance de sa petite sœur née durant son absence…
-
-
Homme d’une génération qui n’eut qu’un tort, celui d’avoir 20 ans en une France momentanément vaincue.
-
Digne sous la contrainte, il a assumé son destin, .
Il a été Victime de la Déportation pour le Travail forcé.
Les STO n’ont à mon avis cherché ni la pitié désobligeante, ni la gloire qui n’est pas la leur, mais la justice qui leur est due »
-
Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.