Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
FRAISSE et LACABANNE. Leur arrestation vue par Hochstrasser, interprète au service de la sûreté allemande.
Charles Hochstrasser, interprète au Sicherheit Dienst (S.D. = Police de sûreté allemand), est entendu par la police française en octobre 1944, peu de temps après son arrestation. Au cours de son audition, il retrace les conditions de l’arrestation de Fraisse et Lacabanne.
Le 2 octobre 1944, Charles Hochstrasser, citoyen suisse employé comme interprète au siège du S.D. situé villa Saint-Albert à Pau est entendu par la police française (commissariat à la surveillance du territoire). Le procés-verbal de cette audition retrace d’une part le parcours de Hochstrasser dans les services de police allemands, d’autre part les conditions de l’arrestation de Fraisse et Lacabanne.
Transcriptions du procès-verbal d’audition de Hochstrasser par la police française, octobre 1944.
DIRECTION GENERALE de la POLICE NATIONALE PROCES-VERBAL
Commissariat de la surveillance du territoire
Menées anti-nationales
Aff/I.105 N° I.393
Affaire C/HOCHSTRASSER Charles, 41 ans, ex-interprète à la S.D. à Pau
L’an mil neuf cent quarante quatre, le deux octobre.
Nous, BOURDALLE Jules, inspecteur à la surveillance du Territoire à Pau,
Vu les renseignements recueillis, en collaboration avec notre collègue LATCHER,
Entendons le nommé : HOCHSTRASSER Charles, 41 ans, ex-interprète au S.D. (Police de Sûreté allemande) à Pau, qui sur interpellations successives déclare :
« Je me nomme HOCHSTRASSER Charles, né le 29 mars 1903 à HONGG (Suisse) de Jack et MEY Marie ; je suis de nationalité suisse et suis en France depuis 1923. Depuis mon arrivée en France, j’ai résidé à MARSEILLE, PARIS, LA ROCHELLE, ROYAN, CASTRES, MONTAUBAN, COLMAR, LES SABLES D’OLONNE, VILLERS sur MER et autres villes. Je n’avais pas de domicile fixe en raison de ma profession de monteur en chauffage central ; je me déplaçais beaucoup. Depuis 1936, je suis définitivement fixé à BIARRITZ : j’ai travaillé à l’hôtel Carlton en 1939, toujours pour le métier. Je suis marié à DUVIELLA Jeanne depuis le 6 octobre 1928 et suis père d’une fille de 11 ans. En Suisse, je n’ai pas fait de service militaire étant à l’étranger, mais cependant je suis en règle avec les Autorités Suisses.
« Le 1er octobre 1941, je suis entré au Service de la Police Allemande à BIARRITZ en qualité d’interprète. Je suis à BIARRITZ au service de la G.F.P. (Sûreté aux Armées) jusqu’au mois de juillet 1942. Le service ayant été dissout, j’ai été affecté à la S.D. à BAYONNE, où je suis resté jusqu’au 5 septembre 1943. J’ai été muté à cette date à PAU, au même service, toujours comme interprète. J’ai exercé mes fonctions jusqu’au 11 août 1944, date à laquelle j’ai rejoint BIARRITZ avec ma femme et ma fille. A partir de cette date, je n’ai plus eu de rapports avec la Police allemande. J’ai été arrêté le 20 août 1944 à AGEN par les F.F.I., alors que j’étais en route pour la Suisse. Je suis resté trois semaines à la Maison d’Arrêt de cette ville, puis conduit à TOULOUSE et enfin à PAU, le 21 septembre.
« Pendant le temps durant lequel j’ai exercé mes fonctions d’interprète auprès des Services de Police Allemande, j’ai été amené à connaître diverses affaires : je vais vous dire tout ce que je sais :
« AFFAIRE FRAISSE-LACABANNE : Cette affaire se situe vers la fin du mois de septembre 1943. Elle était connue à la S.D. de PAU sous la rubrique : GROUPEMENT DE RESISTANCE COMBAT.
« Quinze jours avant l’arrestation de FRAISSE et LACABANNE par la Police Allemande, un indicateur de PARIS, dont je ne me souviens plus le nom, s’est présenté à la Villa « Saint Albert » pour prendre contact avec le chef de service DOBERSCHUTZ et le mettre au courant de l’importance de cette affaire. Cet indicateur était un Français, âgé de 20 à 22ans. Je ne sais par quel moyen, cet individu est entré en contact avec FRAISSE qu’il est allé voir directement à son bureau à la Préfecture. A mon avis ; il connaissait le nom de FRAISSE et le moyen de se mettre en relation avec lui. Après l’entrevue avec FRAISSE et l’indicateur, celui-ci est venu à la S.D. et a dit au chef qu’il avait rendez-vous avec FRAISSE dans un café de la ville. En effet, l’indicateur a rencontré FRAISSE qui avait amené LACABANNE, le même soir, et s’est fait passer pour un délégué d’un groupement de résistance de PARIS, venu discuter les possibilités de cacher et de ravitailler environ 150 réfractaires. FRAISSE et LACABANNE, trompés, acceptèrent les propositions qui leur furent faites, et entrèrent en contact avec leur chef BORDELONGUE et un certain RODRIGUEZ.
« En raison de la tournure que prenait l’affaire, l’indicateur de PARIS avertit ses Chefs de PARIS pour poursuivre les pourparlers. La bande, composée d’une dizaine d’individus, était chargée de continuer l’affaire à PAU. Le chef de la bande était un Polonais ou un Lithuanien qui parlait couramment l’allemand et le français. L’indicateur et le chef de la bande allèrent trouver FRAISSE et LACABANNE qui devaient les mettre en contact avec leurs chefs. Ceux-ci étaient BORDELONGUE, LAZURIE et un certain RODRIGUEZ. Le rendez-vous pour la conclusion de l’affaire était reporté au lendemain. L’entrevue eut lieu dans un café de PAU, dont je ne puis préciser le nom, entre l’indicateur, le lithuanien d’une part et LACABANNE, FRAISSE, BORDELONGUE, LAZURIE et RODRIGUEZ d’autre part.
« A la suite de cette réunion , rendez-vous fut pris pour le lendemain dimanche : cette fois, BORDELONGUE, LAZURIE et RODRIGUEZ étaient absents. Étaient présents FRAISSE et LACABANNE, le commissaire de Police LEMOINE et un inspecteur de police. L’arrestation de toutes ces personnes fut effectuée par la bande de PARIS, sans l’aide de la S.D. Emmenés à la villa »Saint-Albert » FRAISSE, LACABANNE, LEMOINE et l’Inspecteur furent interrogés. Alors que LEMOINE et l’Inspecteur furent libérés au bout de 24 heures. FRAISSE et LACABANNE furent gardés.
« A mon avis, LEMOINE et l’Inspecteur furent relâchés parce que FRAISSE et LACABANNE déclarèrent qu’ils n’appartenaient pas à leur Organisation. Après l’arrestation, DOBERSCHUTZ ne fut pas satisfait du résultat de l’opération, car les principaux chefs de l’organisation « COMBAT » avaient échappé. DOBERSCHUTZ avait des renseignements important et précis qui lui avaient été fournis par le Capitaine PARDAILLAN.
« Au cours de ce long interrogatoire et après avoir donné des explications fantaisistes, LACABANNE a avoué la vérité et a nommé plusieurs personnes impliquées dans la même affaire. Parmi celles-ci, figuraient BARRIO, marchand de légumes rue du Château, un certain d’Artagnan, rue du Château, deux sous-officiers, un commandant ou colonel domicilié place Grammont.
« C’est en mettant devant FRAISSE et LACABANNE 50.000 francs payables à l’arrivée des premiers réfractaires que l’indicateur de PARIS a levé les doutes des deux hommes. FRAISSE et LACABANNE ont été fusillés à LYON, je crois. Convoqué à titre de témoin avec l’Inspecteur SCHMITT de la S.D. de PAU, je me suis rendu à TOULOUSE où j’ai assisté au Jugement de FRAISSE, LACABANNE et MANTIEN. Ce dernier n’avait rien à voir dans l’affaire des deux précédents . C’est tout ce que je puis vous déclarer sur cette affaire.
Lecture faite, persiste et signe.
L’Inspecteur de Police de la S.D.
Source:
Archives personnelles de E. Amouraben.
C. Hochstrasser est jugé le 27 avril 1950 par le tribunal militaire de Bordeaux. Absent à l’audience, il est jugé par contumace et condamné à mort.
Source: La IVe République des Pyrénées. N° 1736 du vendredi 28 avril 1950.
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