Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Etat d’esprit de la population. Rapport du sous-préfet d’Oloron, avril 1944.
Chaque mois, les sous-préfet sont tenus d’adresser au préfet du département un rapport sur l’état d’esprit de la population. Dans son rapport en date du 3 avril 1944, le sous-préfet d’Oloron donne son diagnostic pour son arrondissement.
Transcription du rapport.
3 avril 1944
JT/HP
C D N°1482
Le Sous-Préfet d’Oloron
A Monsieur le Préfet des Basses-Pyrénées
CABINET
OBJET : Rapport mensuel.
I°) ETAT D’ESPRIT DE LA POPULATION – SITUATION MORALE.
Ce que l’on peut constater au début du printemps 44, c’est une plus grande lassitude dans les esprits. Il semble que les événements d’ordre extérieur comme ceux d’ordre intérieur passionne de moins en moins l’opinion qui désespère de voir la fin de la guerre. Cependant, on peut noter comme suit les diverses réactions en ce qui concerne la situation :
a)Au regard des événements extérieurs.
L’avance russe qui a dépassé les frontières de la Roumanie et de la Pologne et touche celle de la Hongrie et de l’ancienne Tchécoslovaquie commence à inquiéter sérieusement une partie de la population et notamment les milieux bourgeois qui craignent l’effondrement total de l’Allemagne et l’impossibilité où se trouvent les « Alliés » d’empêcher la bolchévisation du reste de l’Europe et, en particulier, de notre pays. Ces mêmes milieux souhaitent que des négociations s’ouvrent rapidement entre les belligérants pour parer à cette menace d’hégémonie.
Les partis de « gauche » ou les anciens partisans de la « gauche », de leur côté, se félicitent des succès russes et y voient la promesse d’une libération rapide et d’une révolution intérieure qui permettra, sinon, le triomphe de leurs idées, du moins, la revanche de leur éclipse politique.
On ne parle plus des opérations d’Italie qui reste nt au point mort et cette situation représente un grave échec pour la propagande « alliée ». Celle-ci, d’ailleurs, et j’y reviendrai, est soumise en ce moment, à une importante dévaluation qui n’est pas compensée par les bombardements massifs de l’Allemagne et des pays occupés.
Quant au débarquement en France, il semble que, plus l’époque où il pourrait se réaliser approche, moins l’opinion y croit. Ceux qui pensent, cependant, que cet événement pourrait se produire, ne cachent pas leur inquiétude en ce qui concerne sa réussite et les graves conséquences qu’il pourrait avoir sur notre pays.
Enfin, les désaccords qui semblent s’accentuer entre RUSSES, ANGLAIS, AMERICAINS et COMITE D’ALGER ne manquent pas de diviser l’opinion et de jeter un trouble profond dans les esprits. On peut, en tous les cas, affirmer que la cote du comité d’Alger est toujours en baisse. Sa politique trop soviétique n’est pas de nature à favoriser l’union des Français, même « résistants ». La condamnation et l’exécution de M. PUCHEU a soulevé une vive réprobation dans les milieux de « droite » et du « centre ». On ne peut pas dire qu’il y ait eu approbation de la majorité des partisans de « gauche ». Parmi les fonctionnaires, maires, et ce en général qui occupent un poste dans le régime actuel, le procès PUCHEU a créé une vive inquiétude et peu à peu on constate sinon un revirement d’une partie de l’opinion en faveur du gouvernement, du moins un intérêt accru touchant sa politique intérieur.
b).Au regard des événements intérieurs.
La personnalité actuellement la plus en vue du gouvernement est M. Philippe HENRIOT dont les allocutions radiodiffusées sont très écoutées. Même ses adversaires déclarés reconnaissent, non seulement son talent, mais encore l’efficacité de ses harangues.
L’entrée au gouvernement de M. DEAT n’a pas provoqué d’importantes réactions. L’opinion s’émeut maintenant difficilement et, d’ailleurs, cet événement lui a confirmé la nouvelle orientation politique prise par le Gouvernement depuis le début de l’année. On suit avec beaucoup d’intérêt la chronique du terrorisme et de sa répression. Le « maquis » semble avoir perdu une grande partie de son auréole mystérieuse et légendaire et beaucoup de jeunes qui se trouvent pris sous le coup du travail obligatoire ne cachent pas leur intention, ou de rejoindre purement et simplement leur affectation, ou de se « planquer » sans s’agglomérer à une bande quelle qu’elle soit.
c).Au regard des événements régionaux et locaux.
Le terrorisme local qui a défrayé, par deux fois, la chronique ces derniers temps (affaire de BUZY et de PAU) a suscité ans la région une inquiétude assez vive. Si beaucoup de personnes ne voient dans l’affaire de BUZY qu’un « règlement de compte » entre miliciens et francs-tireurs, d’autres, par contre, notamment dans les milieux bourgeois, sont beaucoup plus émus et réclament l’épuration de la région ainsi que la capture, facile disent-ils, des quelques « maquisards » qui s’y trouvent.
Ainsi que je vous l’ai déjà indiqué, il semble y avoir, dans les environs d’OLORON, deux groupes : l’un, vraisemblablement non communiste, affilié sans doute à l’armée secrète, qui, après avoir stationné dans la région de BIELLE et BILHERES, est allée se réfugier à la suite des opérations de police qui ont eu lieu, à l’ouest d’OLORON sans qu’il me soit possible de préciser (régions de NAVARRENX ou de MAULEON) ; l’autre, très probablement à tendance communiste, et affiliée aux groupe des francs-tireurs partisans, comprendrait trente ou trente-cinq individus et serait toujours dans le massif du BAGER d’OLORON et d’ARUDY. Les auteurs de l’attentat de BUZY appartiendraient à ce groupe qui serait en liaison avec certains éléments extrémistes camouflés de la région et également avec des travailleurs espagnols des chantiers de FABREGES et de BUZY.
Quoique veuillent bien en penser certains, des opérations contre ces bandes, et notamment contre celle du Baget, s’avèrent très difficiles. Je n’en veux pour preuve que l’échec que les troupes allemandes cependant nombreuse, bien équipées et, sans doute bien renseignées, ont subi dans leurs investigations. Il faut, par conséquent, s’il on veut tenter quelque chose, être, au préalable, très bien renseigné, et agir avec promptitude, dans le plus grand secret. Les effectifs, cependant, devraient être assez nombreux en raison de la superficie du massif à explorer et des nombreuses voies de retraites qu’il y aurait lieu de boucler.
J’insiste, dans tous les cas, une fois encore, pour qu’une force de police important et permanente soit établie à ARUDY ou environs non seulement en raison de la présence de groupes F.T.P. du Baget, mais encore de celle des Travailleurs Etrangers. En effet, dans une récente dépêche, M. le Secrétaire Général au maintien de l’ordre n’a pas pu faire droit à vos propositions concernant la suppression des deux groupes de Travailleurs Etrangers de BUZY et de FABREGES et vous demande de renforcer la surveillance et de faire interner, au besoin, les éléments douteux. Un pareil contrôle ne peut pas être envisagé, un instant, avec les éléments de gendarmerie ou de police dont je dispose.
Les Maires de mon arrondissement qui ont participé à la réception par le Maréchal PETAIN sont revenus très satisfaits de leur voyage. Ils ont apprécié la vigueur et la vivacité d’esprit du chef de l’Etat, mais ont regretté de ne pas s’entretenir plus longuement avec les Président LAVAL dont ils espéraient recueillir certains renseignements intéressants. Ils auraient aimé également être présentés au Maréchal PETAIN et aux autres hautes personnalités par le Préfet de leur département.
Le bombardement de PAU et de BIARRITZ a revêtu, dans ce paisible département, une importance exceptionnelle. L’émotion a été grande. Les Béarnais comprennent, à la rigueur, que l’on bombarde BIARRITZ qui est sur la côte et qui doit, sans doute, receler des objectifs militaires, mais sont stupéfaits que l’on puisse s’en prendre à leur capitale qui ne présente, disent-ils, aucun intérêt à ce point de vue.
d).Au regard du Ravitaillement.
L’hiver qui est maintenant terminé n’a pas été sévère grâce aux heureuses dispositions prises en faveur des ouvriers, employés, fonctionnaires, autres salariés et familles nombreuses. Il est à craindre, cependant, que la grande sécheresse qui sévit ne cause de grandes perturbations dans le ravitaillement au cours du printemps. Ces perturbations porteront surtout sur le lait et sur le bétail. Les pâturages, en effet, restant très secs et le bétail très amaigri au cours de l’hiver par suite du manque de fourrage, prend difficilement le dessus. Les troupeaux ovins et bovins subissent une grave crise, de ce fait, qui aura répercussion sur la production de viande et celle du lait. Les Commissions de Réquisition, en effet, auxquelles on demande des prélèvements de plus en plus importants sur le cheptel, éprouvent les plus grandes difficultés à trouver du bétail de boucherie, faute de poids, le nombre de têtes prélevées est très important. Cette situation catastrophique devrait être signalée afin qu’une diminution importante de la demande soit réalisée.
En ce qui concerne le lait ont la production, normalement augmente tous les ans vers le 15 mars, l’amélioration a été moins sensible cette année pour les causes que je viens d’indiquer. Cependant, les sanctions que vous avez prises contre certains producteurs particulièrement récalcitrants, en notamment contre M. LACAZETTE-JACOB de SAINT-PEE-D’OLORON, ont été du meilleur effet, tant sur l’ensemble de la population que sur certains producteurs qui se montrent déjà plus dociles. Je ne perds pas de vue, en tous cas, cette question et vous tiendrai au courant de son évolution.
2°) RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES.
Toujours correctes.
J’ai eu un entretien avec le Commissaire allemand des douanes d’OLORON en ce qui concerne les pâturages d’été de haute montagne et, ainsi que vous le savez, la question reste subordonnée à la vaccination obligatoire de tous les animaux qui dépassent habituellement la ligne de l’ancien poste frontière français, contre la fièvre aphteuse. Cette vaccination dont s’occupe activement M. le Directeur des Services Vétérinaires, est une opération extrêmement difficile à réaliser puisqu’elle porte sur plus de 100 000 animaux, que le vaccin, très coûteux, doit être fourni par l’Allemagne, que le nombre des vétérinaires vaccinateurs est très réduit, et que les bergers et même certains maires n’ont pas bien compris l’importance de l’affaire, ont négligé, jusqu’à ce jour, de faire inscrire leur bétail sur les listes qui sont maintenant closes. Il y aurait lieu d’insister, à ce propos, au près des services du Ministère de l’Agriculture, pour que les retardataires puissent être, tout de même, inscrits et bénéficiant ainsi du pâturage en haute montagne.
Le Directeur des Services Vétérinaires m’a indiqué que la vaccination qui se poursuivrait sur plusieurs semaines commencerait le 17 courant.
J’espère que cette formalité remplie, je pourrai obtenir des douanes allemandes les mêmes dispositions concernant la réglementation du pâturage, que l’année dernière. C’est un fait que parait acquis pour le Pays Basque, mais devra faire l’objet de négociations, probablement difficiles, pour le secteur béarnais. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant.
Je vous signale pour mémoire la nouvelle réglementation des ordres de mission et laisser-passer pour fonctionnaires à destination de la zone interdite.
3°) PROPAGANDE PAR AFFICHES ET TRACTS.
La propagande clandestine des organisations de résistance et du parti communiste se manifeste de temps à autre, notamment par la découverte de quelques tracts ou journaux.
Les radios étrangères sont toujours écoutées, mais leur propagande est maintenant contrebalancée par celle des éditoriaux de M. Philippe HENRIOT.
4°) SITUATION ECONOMIQUE.
Le manque de pluie fait peser une lourde hypothèque sur les récoltes à venir, notamment en ce qui concerne les fourrages.
Les prix ont une tendance à la stabilisation à leur plus haut cours. On ne constate pas, notamment, la baisse annuelle sur les œufs à cette époque.
Sans changement. La réduction de l’électricité ajoutée à la diminution toujours plus grande des matières premières éprouve de plus en plus la situation. Il est cependant curieux que ces mesures de réduction aient apparu au moment où, dans la région, les Gaves par suite de la fonte des neiges, sont en hautes eaux et où la production électrique atteint son maximum.
5°) MOUVEMENT SOCIAL.
L’activité des comités sociaux qui s’était manifestée à l’occasion des distributions de denrées supplémentaires cet hiver est maintenant ralentie.
6°) AFFAIRES DIVERSES.
Rien à signaler.
MOUVEMENT DES FONDS DES CAISSES D’EPARGNE ;
Mois de janvier
BEDOUS Versements 623018,80 – Remboursements 62618,00
LASSEUBE 240888,00 – 4412,70
MAULEON 1564876,90 – 210130,00
OLORON 2416206,20 – 68050,00
Mois de février
BEDOUS 204487,60 – 71589,20
LASSEUBE 233099,30 – 8447,80
MAULEON 1114897,70 – 191677,90
OLORON 1853878,40 – 312313,00
MONEIN 1437835,00 145101,40
Source: SDA 64 cote 37W37
Document original: cliquer ici.
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