Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Epuration. Procès de H. Dabadie chef de la milice. Novembre 1944.
Premier procès important de l’épuration, celui de Henri Dabadie, chef de la milice départementale, s’est tenue dès le mois de novembre 1944.
Compte-rendu du procès de H. Dabadie dans la presse quotidienne locale.
Le procès de H. Dabadie (voir sa biographie) s’est tenu le 16 novembre 1944 devant la Cour de Justice de Pau. Celui de J. Vivent a lieu simultanément.
Le quotidien local, La IVème République, en donne un compte-rendu dans ses numéros du 16 et du 17 novembre 1944.
Transcription des articles publiés.
La IVème République du 17/11/1944
Page de couverture
Enfin des chefs…….
La cour de justice s’est réunie jeudi matin à 9 heures, au Palais de Justice de Pau, pour juger les nommés Henri Dabadie, quarante sept ans, industriel à Oloron, chef départemental de la Milice, et Jean Vivent, trente huit ans, de Pau, sous-chef de la Milice.
Après les broutilles examinées jusqu’ici, c’est la première affaire dans laquelle sont compromis des chefs, qui voit enfin le jour. Dabadie et Vivent, dont les Palois se souviendront de l’activité néfaste pendant l’occupation, sont accusés de trahison et d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État.
L’accusation reproche aux accusés d’avoir, en maintes circonstances, organisé des opérations contre les maquis de la région, notamment contre celui de Bielle, opération exécutée sur les indications de l’infernal Mounier et qui amena l’arrestation de trois patriotes.
En mai 1944, Dabadie ayant reçu deux inspecteurs de la Milice de Paris, leur signala l’existence à Morlaas, chez M. Pouey, d’un important dépôt d’armes. Celui-ci fut livré aux Allemands et M. Pouey, arrété, ainsi d’ailleurs que M. Menge, maire de ce village.
Peu de temps après, et toujours grâce aux renseignements de la Milice, M. Laborde, de Gan, et M. Roux, appartenant à la Résistance, furent appréhendés. Ce serait à la suite d’un long rapport et sur la pression de M. Dabadie, que M. Saüt, chef départemental de la Légion, aurait été arrêté par les Allemands et déporté en Allemagne. L’enquête a également démontré que le chef et le sous-chef de la Milice ont accepté d’envoyer un détachement de leurs hommes en Haute-Savoie et Haute-Vienne, lutter contre le maquis. Vivent prit même la tête du groupe qui se rendit en Haute-Vienne. Enfin, en juin 1944, à la suite d’une opération exécutée contre le château de Doumy, qui amena la découverte d’un très important dépôt d’armes. Dabadie livra aux Allemands une grande partie du stock découvert.
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A la cour de justice
L’interrogatoire.
A la suite de la lecture de l’acte d’accusation, M ; le Président procède à l’interrogatoire de Dabadie.
Après avoir rappelé le brillant passé militaire de l’accusé, engagé volontaire en 1914, trois fois cité en 1939, M. le Président en vient à son activité politique durant les années d’occupation. Il signale d’abord que Dabadie est un ancien « croix de feu ». En 1941, il devient vice-président de la Légion d’Oloron : en 1942, il accepte la direction du SOL : dès la création de la Milice en devient le chef.
L’accusé précise qu’en août 1944, recherché par les Allemands pour la tiédeur avec laquelle il luttait contre les maquisards, il dut s’enfuir en compagnie de Vivent. Interrogé sur l’activité de son groupement, le chef de la Milice déclare qu’il ne s’occupait que de formation politique. Il recherchait uniquement l’entente avec l’Allemagne dans l’intention d’éviter un nouveau conflit.
Dabadie ajoute qu’en certaines circonstances il a tenté de rendre des services à la Résistance. Il précise pour excuser les premières opérations contre les maquis qu’il ignorait tout de ces organisations et qu’il croyait fermement avoir affaire à des anarchistes. Lorsqu’il connut les chefs il chercha à entrer en contact avec eux, mais surveillé par les Allemands il ne put poursuivre utilement ces démarches.
Sur les différentes opérations menées contre les résistants par les miliciens, Dabadie se trouve d’excellentes excuses. Reconnaissant les déplorables effets de ces intentions, il ajoute – sans doute satisfait de cette explication – qu’ils auraient pu être plus graves si vraiment il l’avait voulu.
Plus l’interrogatoire se poursuit, plus on entre dans le détail des faits reprochés à l’accusé, plus il se trouve de bonnes, d’excellentes excuses. En peu de temps, il deviendrait aisément un brave homme, un vrai patriote qui n’a jamais agi que dans l’intérêt de la France, si malheureusement pour lui il ne restait le souvenir de toutes les brimades, des innombrables arrestations effectuées par ses hommes. Expliquant l’opération contre le dépôt d’armes de Doumy, Dabadie déclare n’avoir livré qu’une partie de ce stock que pour sauver l’autre (?).
On en vient ensuite à la tentative que fit Dabadie pour entrer en contact avec les chefs de la Résistance et à l’issue de laquelle il aurait tenté d’entraîner ses hommes vers le maquis, tentative que fit avorter l’étroite surveillance dont il était l’objet de la part des Allemand.
M.le Président procède ensuite à l’interrogatoire de Vivent.
La IVéme République du 18/11/1944
Page de couverture
Henri Dabadie
Chef départemental de la Milice
est condamné à mort.
Les travaux forcés à perpétuité à son adjoint Jean Vivent.
L’interrogatoire de Dabadie a duré deux heures durant lesquelles l’attitude de l’accusé à fait impression sur l’auditoire.
Avec une franchise et un courage indéniables, Dabadie a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Il a même en maintes occasions – en qualité de chef – pris assez élégamment à sa charge, les accusations portées contre les hommes de son groupement pour des faits auxquels il était cependant étranger, comme le démontrait le dossier. Il s’est âprement défendu d’avoir voulu lutter contre la France et les Français.
A l’issue de cet interrogatoire, M. le Président procéda à l’audition de jean Vivent, chef adjoint de la Milice.
L’action de ce prévenu est étroitement liée à celle de son chef Dabadie avec lequel il a successivement gravi les échelons de ces organisation anti-nationales, SOL et Milice.
Dès son retour de captivité, Vivent entre à la Légion des Combattants où il fait connaissance de Dabadie. Désormais, ils ne se quittent plus et les faits reprochés au premier le sont également au second, mais le second n’oublie pas non plus de de se servir pour sa défense desn arguments du premier. Vivent n’a pas agi contre les Français, il précise qu’il ignorait au début le véritable visage de la Résistance et il chercha, lui aussi, à servir dès qu’il fut renseigné sur son activité et ses buts.
L’accusé détaille les différentes opérations de la Milice contre le maquis, opérations au cours desquelles son chef et lui-même s’efforcèrent toujours d’éviter aux patriotes d’être arrêtés et inquiétés par les Allemands. En ce qui concerne son expédition avec un groupes de miliciens contre le maquis de la Haute-Vienne, Vivent déclare formellement que son rôle et celui du détachement qu’il commandait se borna à assister à une prise d’armes.
Les témoins.
Le premier témoin entendu est M. le Commissaire Dalas qui procéda à l’interrogatoire des accusés. M.M le Docteur Menjeot, de Morlaas, et Laborde, cultivateur à Gan, tous deux victimes d’une dénonciation des miliciens, relatent les circonstances dans lesquelles ils furent appréhendés. Les déclarations de ces deux témoins à charge ne sont pas accablantes. C’est ensuite au tour des témoins à décharge, ils sont une quinzaine. Tous viennent témoigner qu’arrêtés par la Gestapo et internés, ils ont été libérés grâce à l’intervention de M.M Dabadie et Vivent. Le plus important des témoignage est celui de M. Dubien André, garagiste à Pau, camarade d’enfance de Dabadie, qui fut à l’origine des tentatives de rapprochement entre on ami et les chefs de la Résistance.
A la demande de M. Dabadie, M ; Dubien entra en contact avec le noyau actif de la Résistance. Une entrevue eu lieu aux environs de Lasseube entre M.M Bordelongue, Cassagne et Dabadie. Celle-ci n’eut aucun résultat sinon de faire comprendre à l’accusé qu’il se trouvait en présence d’une puissante organisation groupant la majorité des Français.
Une semaine après, le chef départemental de la Milice était débarqué et remplacé par le commandant de Boisse. Ces déclarations sont confirmées par la lecture des dépositions de M.M Bordelongue, président du C.D.L . et Cassagne.
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A la cour de justice
Les réquisitoires.
En préambule, à son réquisitoire, M. le Commissaire du Gouvernement regrette l’absence à cette audience de Mounier, le chef de propagande de la Milice, sur lequel pèsent des accusations sinon plus graves du moins égales à celles portées contre les deux accusés. Il reprend ensuite le dossier et explique par le détail chaque affaire, montrant combien l’action de Dabadie et de Vivent a toujours été anti-française. Il requiert contre Dabadie la peine de mort et contre Vivent une peine sévère d’emprisonnement.
Les plaidoiries
Au début de ses explications, Me Magescas qui assure la défense de Dabadie rappelle les circonstances dans lesquelles il fut arrêté à Hélette en août 1944, circonstances qui paraissent établir que Dabadie n’a pas tenté de fuir en Espagne, mais que c’est de sa propre initiative qu’il s’est présenté à la gendarmerie. Après avoir évoqué le brillant passé militaire de son client et son action politique qui, jusqu’en 1943, fut inexistante. Me Magescas, très brillant, s’attacha à démontrer que Dabadie n’a jamais été l’instigateur d’opérations militaires contre des soldats de la Résistance, mais qu’au contraire il n’a eu qu’une idée, sauver la France et les Français des boches qui souillaient son sol et qu’il ne mérite pas la sanction que demande M. le Commissaire du Gouvernement.
Me Grimaldi, défenseur de Vivent, sans reprendre les faits et les accusations qui pèsent sur son client, élève ce procès à celui des grands chefs responsables de la création de cette triste organisation qu’était la Milice. Vivent et Dabadie, déclare Me Grimaldi, sont les pauvres épaves victimes d’une double trahison, celle des boches et celle de certains Français. Lui aussi demande au tribunal un verdict d’indulgence.
Après un délibéré d’un heure et demie, la Cour condamne Dabadie à la peine capitale et Vivent au travaux forcés à perpétuité.
N.B.
Henri Dabadie voit sa condamnation à mort graciée et commuée en celle de travaux forcés à perpétuité comme l’annonce la presse locale le 16 janvier 1945.
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