Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Charnier du Pont-Long. Enquête de police sur les conditions du massacre des victimes. Septembre 1944.
Début septembre 1944, un inspecteur de la police de Sûreté détaille les conclusions d’une enquête menée afin de déterminer les conditions factuelles du massacre des victimes du 6 juillet.
Rapport de police
REPUBLIQUE FRANCAISE
Pau, le 9 septembre 1944.
Le Commissaire de Police de Sûreté
André PEDOUSSAUT
à Monsieur le Commissaire Divisionnaire,
Chef de 17ème Brigade Régionale de Police de Sûreté à Pau.
Comme suite à mon rapport sur la même affaire, en date du 28 août 1944, relatif à l’exhumation de corps de patriotes fusillés au champ de tir du la route de Bordeaux par les Allemands, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance le résultat de l’enquête que j’ai effectuée sur les conditions dans lesquelles ces F.F.I. ont été exécutés.
A ce jour l’identification formelle de sept corps, celle probable de quinze corps, l’audition des voisins a permis de déterminer les divers groupes auxquels appartenaient les victimes et les dates auxquelles elles ont été abattues.
Ainsi, les deux grandes fosses communes renfermant l’une 26 corps, l’autre 13 corps contiennent les cadavres de prisonniers effectués par les troupes allemandes à PORTET, près de GARLIN, (B.P.) le 3 juillet 1944, au cours d’un sévère engagement avec la formation commandée le « Colonel Carnot ». Les suppliciés ont été abattus au champ de tir le 6 juillet entre 12h30 et 15h.
La fosse recouverte de plaques de tôle, située près du mur du stand de tir réduit, dans un sillon du terrain contenait les corps de 6 soldats du maquis tués sur place près de MONEIN au cours d’un engagement qui a eu lieu le 7 juillet entre les troupes allemandes et une équipe de la formation Gervais qui effectuait une mission. Les corps ont été enterrés dans la soirée du 7 juillet 1944.
La petite fosse de 2 corps située près des deux grandes contenait les restes d’un jeune homme d’AUREILHAN, près de TARBES, MATHIE Jean, également fait prisonnier à PORTET, ayant échappé au massacre général du 6, mais condamné à mort par un tribunal militaire allemand ayant siégé à la caserne Bernadotte les 15 juillet et passé par les armes en même temps qu’un jeune homme de BRUGES, SAINT LAURENT Roger, fait prisonnier au début du mois dans la région de NAY.
D’après les déclarations des principaux témoins, tous voisins du champ de tir, MM. LARQUIER, CASAMAJOU, BOUEILH, PETRIAT, les faits se sont déroulés de la façon suivante :
Le 5 juillet, M. LARQUIER et CASAMAJOU ont découvert dans la friche près de la butte, deux fosses vides. Les témoins ont pensé qu ‘elles étaient destinées à l’inhumation de cadavres.
Le lendemain, 6 juillet, dans la fin de la matinée, des soldats allemands ont cerné le champ de tir et ont installé des sentinelles sur le pourtour du terrain. M. LARQUIER qui travaillait dans son champ voisin a reçu l’ordre de se retirer chez lui et de n’en pas bouger jusqu’à 15h. De 12h30 à 15h de nombreuses rafales d’armes à feu ont été entendues.
A 15h M. LARQUIER est ressorti. Les Allemands se préparaient au départ. Ils levaient leurs sentinelles. Le témoin qui est formel sur ce point a vu au moment où ils se retiraient des « miliciens », « habillés d’un uniforme bleu » sur le champ de tir. Ces derniers n’étaient pas en conversation avec les Allemands.
Les miliciens sont partis vers 20h après avoir attendu deux heures qu’un camion vienne les chercher car celui qui les avait amenés était en panne.
Le soir M. LARQUIER et CASAMAJOU sont revenus à la friche. Ils ont constatée que les fosses étaient comblées et que des mottes d’herbe rapportées avaient été disposées sur le sol pour masquer des terrassements. Le surlendemain 8 juillet, M. LARQUIER et CASAMAJOU ont découvert une autre fosse, celle qui est située à proximité du stand de tir. Ils avaient été alertés par des coups de feu entendus la veille vers 23h. Peut-être s’agissait-il alors de blessés que les allemands achevaient, car, d’après les renseignements recueillis les corps sont ceux de F.F.I. tués ou blessés en engagements à MONEIN au cours de la journée du 7 juillet
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Quel est le rôle des miliciens dans cette affaire ?
Les chefs de la milice des Basses-Pyrénées en fonction à PAU au mois de juillet, DABADIE, VIVENT, ETCHEBERRIGARAY, DE MALHERBE affirment avec énergie qu’ils n’ont pas participé à l’inhumation des suppliciés. Ils disent être allés effectuer un exercice de tir un jeudi
D’après eux le départ des miliciens a été effectué pour l’exercice de tir le jeudi en question -notons que le 6 juillet est justement un jeudi- . DABADIE et VIVENT sont partis en voiture de tourisme, vers 15h de la villa Ste Hélène. Une quinzaine de miliciens qui devait partir à peu près à la même heure ont été retardés par le mauvais fonctionnement d’un camion. Ils n’ont quitté la villa que vers 16h.
Ils disent avoir fait du tir depuis le moment de leur arrivée jusqu’à 18h environ. Ils prétendent n’avoir rien constaté d’anormal au champ de tir et n’avoir pas vu d’Allemands à leur arrivée. Le soir, au moment du départ, le camion n’a pas pu démarrer et un des chefs présents est allé téléphoner chez PETRIAT pour demander un camion de secours à la villa Ste Hélène.
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D’après l’enquête, l’horaire de la journée du 6 est le suivant :
Vers 10 heures, les Allemands commencent à gardr le champ de tir (M. LARQUIER dixit).
Vers 13h30, arrivée des prisonniers et des Allemands (BOUEILH)
De 13h30 à 15h, tir par les Allemands (fusillade des patriotes).
Entre 15h et 15h30, départ des allemands; arrivée de certains miliciens
Vers 16h, arrivée des miliciens en camion.
Vers 18h, les miliciens attendent leur camion dépanneur.
Vers 19h, le « commandant PELLEGRIN » (chef milicien qui paraît s’identifier avec le capitaine PIRIOU de KERSALEN. Un commandant en retraite PELLERIN de PAU, présenté au témoin n’a pas été reconnu) téléphone pour demander de l’aide.
Vers 20h, départ des miliciens.
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Sur un certain nombre de points de détail les miliciens ne sont pas d’accord avec le témoignage des voisins.Ces deniers sont cependant observateurs (voir la déclaration de BOUEILH) et de PETRIAT) ou des gens dont la sincérité ne peut être mise en doute : CASAMAJOU, gendarme en retraite connaît toute le valeur d’un témoignage.
1° M. LARQUIER a vu des miliciens en même temps que les Allemands au champ de tir, vers 15h. Il est formel.
2° M. LARQUIER, ni M. BOUEILH, ni M. CASAMAJOU n’ont entendu de coups de feu semblant provenir d’exercices de tir après 15h30, alors que les miliciens affirment qu’ils ont essayaient des mitrailleuses jusqu’à 18h.
3° Les miliciens disent n’avoir rien remarqué auprès de la butte lorsque leur camion était en stationnement près du hangar démoli qui se trouve à 50m à peine de là (déclaration CASAMAJOU). Les miliciens sont restés 1 heure sur place en attendant le camion de secours à une cinquantaine de mètres des fosses.
4° Le témoin BOUEILH sur un point de détail en affirmant que c’est un camion rouge qui a transporté la milice sur le terrain. Il est établi que c’est un camion gris. Le camion rouge n’a servi qu’au dépannage du soir.
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Afin d’éviter toute contestation ultérieure sur des points de détail, il me paraît opportun d’examiner les questions particulière suivantes :
Date de l’exercice de tir :
Au cours de l’interrogatoire des miliciens, ceux-ci se sont montrés imprécis sur la date de leur exercice de tir. Il est établi par témoignage que cet exercice a eu lieu le jour du massacre, soit le jeudi 6 juillet. Néanmoins, le recoupement par la date de communication téléphonique chez PETRIAT n’a pu être effectué car la Poste n’établit pas de fiche de communication urbaine.
Serait-ce une autre formation que la milice, le P.P.F. par exemple également habillé de bleu, qui se serait rendu au champ de tir ?
C’est en contradiction avec les témoignages. Un des miliciens a été reconnu par le témoin BOUEILH, le jour en question, le fils BLANCHAREL.
En outre, si les témoins déjà cités m’ont affirmé qu’il n’y avait pas eu tir par les miliciens, car ils n’ont pas entendu de coups de feu, ils n’ont pas été en mesure de me dire ce que ces derniers avaient fait au champ de tir et notamment s’ils avaient participé à l’inhumation des cadavres. Cette hypothèse ne leur est venue à l’esprit que par le rapprochement qu’ils ont fait entre la présence des Allemands et celle des miliciens, le même jour.
Il n’en reste pas moins que le chef DABADIE lui-même reconnaît qu’il est « extraordinaire »
qu’aucun des miliciens ne se soit aperçu de ce qui s’était passé si tant est que la milice se trouvait au champ de tir le jour même du massacre.
Quant aux troupes allemandes qui ont exécuté nos malheureux compatriotes leur identité serait connue du commandant RICHARD de l’Etat Major du département qui pourrait fournir tous renseignements utiles à ce sujet.
Le Commissaire de Police de Sûreté.
Sources: AD64, cote 1031W182
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