Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Chantier de jeunesse à Lescar. Un sous-groupe du chantier N°29 s’installe à Lescar à l’automne 1943.
Un sous-groupe du chantier de jeunesse n°29 s’installe à Lescar dans les locaux de l’école normale à l’automne 1943. Il y stationne jusqu’à l’été 1944.
Pierre Manget, incorporé au chantier de jeunesse n°29 et au sous-groupement 115, a témoigné de son séjour à Lescar .
LE SOUS-GROUPEMENT 115 A PAU-LESCAR.
Le sous-groupement 155 a été créé le 25 juin 1943 à Labrugière (groupement 35) pour être mis à la disposition de la Luftwaffe à Pau-Lescar (Pont-Long). Ce sous-groupement était commandé par le commissaire Semont secondé par le commissaire assistant Desplats pour l’administration.
Le logement est assuré à l’ancienne Ecole Normale à 10km du lieu de travail.
Deux stages de chefs d’équipe auront lieu à Pau-Lescar.
Le 30 juillet 1943 une commission de contrôle allemande vient visiter le sous-groupement.
Au mois d’août 1943 le groupement n°29, stationné à Saint-Amand-Soult dans le Tarn, doit fournir un gros détachement pour le sous-groupement 155. Les affectifs du sous-groupement 29 ont déjà été fortement amenuisés par les départs en juin et juillet, de 272 chefs et jeunes de la classe 1942 pour le S.T.O. Le groupe n°1 va partir en entier, des ponctions sont effectuées dans les autres groupes et 50 musiciens viendront compléter le détachement dont l’effectif sera de 197 hommes.
Le départ a lieu le 15 août 1943 après regroupement à Saint-Amand-Soult et équipement à neuf des membres du détachement. Le détachement est encadré par le chef de groupe Dubalen, l’assistant Fischer et le chef d’atelier Defferière. Le chef d’atelier Garric rejoindra Pau un peu plus tard.
Dans un premier temps le détachement est dirigé sur Carcassonne après deux jours et demi de voyage dans des wagons à bestiaux et un grand détour par Montpellier ! En gare de Narbonne le convoi des Chantiers va se trouver à l’arrêt, en parallèle avec un train blindé de S.S. Massés devant les portes ouvertes des wagons les jeunes ont chanté : « Nous reprendrons l’Alsace et la Lorraine ». Des larmes dans les yeux, les civils qui attendaient leurs trains applaudirent chaleureusement . Les Allemands ne réagirent pas.
Le logement à Carcassonne est très convenable par rapport aux baraques des Chantiers. Il est assuré au Lycée et dans une institution religieuse.
Par contre la nourriture est médiocre et insuffisante pour les gros efforts qui sont demandés : lever à 3 heures du matin, départ à 4 heures, 13km à pied, travail sur le terrain d’aviation et retour au campement vers 14 heures 30. Cela va amener la contestation et le refus du travail.
Le détachement quitte Carcassonne fin août ou début septembre pour Pau, voyage de deux jours en train de voyageurs.
Le sous-groupement 155 est composé de deux groupes et d’un service administratif. Les jeunes proviennent de plusieurs groupement : 29, 35 et autres. Au 28 octobre 1943 l’effectif aurait été de 29 chefs et de 444 jeunes.
En septembre 1943 le jeune Raoul Barrau revient de permission agricole. Il constate qu’une mitrailleuse est en position sous le proche d’entrée de l’école, faisant le tour des bâtiments il voit qu’il y a un soldat en arme tous les 10 mètres. A midi les Allemands sont partis et il n’y aura pas de problèmes. Cette visite des Allemands a eu lieu le 15 septembre, presque tous les groupements ont été visités.
Le chef ouvrier Burnault, détaché au sous-groupement de Lescar pendant quelques mois se souvient de cette incursion allemande et il raconte :
« Un matin les Allemands occupent l’Ecole Normale et l’officier allemand commandant le détachement s’installe dans le bureau du chef Semont d’une façon orgueilleuse en disant : »Eh oui, c’est moi qui commande ! ».Je fus le premier à être interrogé par cet officier alors que je m’apprêtais à partir au ravitaillement comme d’habitude, avec une camionnette. Conduit à « son bureau » il me demanda « Pourquoi vouliez-vous partir avec ce véhicule ? » Je répondis qu’étant chargé des cuisines je devais aller au ravitaillement à Pau. L’officier m’observa longuement d’un regard scrutateur et finit par donner un ordre.On m’accompagna à mon véhicule et un sous-officier me demanda d’ouvrir l’arrière de la camionnette.On y avait déposé des sacs contenant du linge pour la blanchisserie. Tous les sacs furent ouverts et fouillés ainsi que la cabine du véhicule. Je fus enfin autorisé à partir. A mon arrivée à l’intendance de Pau, je fis part de ce qui se passait à Lescar.
Toute la surface du jardin potager et toute l’école furent fouillés. Le jardin fut soigneusement examiné, mètre par mètre,pour voir si la terre n’avait pas été fraîchement remuée. Au magasin, les récipients et sacs contenant de pâtes ou des légumes secs furent sondés ».
Le cantonnement à l’Ecole Normale est correct. La nourriture est médiocre mais il y a des possibilités de ravitaillement dans les fermes béarnaises, à condition de pouvoir payer.
Le réveil est à 6 heures 30 et le départ à 7 heures. Il faut parcourir 10km à pied par tous les temps. Le repas de midi est pris sur place en plein air. Le temps très pluvieux de l’hiver 1943/44, la nourriture insuffisante et les longues heures de marche vont provoquer de nombreux problèmes de santé. Le médecin-chef Seugneurec en faisait reposer le plus possible mais il dut faire procéder à pas mal d’évacuations sur l’hôpital de Pau.
Fin novembre 1943, un détachement assez important quittera Pau-Lescar pour aller travailler à la Manufacture d’armes de Tulle.
Le travail à Lescar consistera à l’entretien des massifs et pelouses, au nettoyage des pistes, au défrichage d’un petit bois au bout de la piste Nord. Les jeunes vont aussi être employés par une entreprise pour la construction d’une chaussée bétonnée. Ils auront également à creuser des tranchées pour relier les emplacements de D.C.A. Ces tranchées devaient avoir 3 mètres de profondeur et 2 de largeur. En arrivant le matin, quelques coups de pioche et quelques pelletées de terre remontées à la surface montrent que le travail est en cours!Après, des guetteurs en surface signalent l’arrivée d’un contrôle, ce qui oblige à une remise au travail de quelques minutes. Le soir avant de partir, la terre remontée est rejetée au fond et constituera le travail du lendemain.
Les bureaucrates allemands font des statistiques qui indiquent une « production » de ½ mètre cube par homme et pour…15 jours !!! cela causera évidemment quelques problèmes.
Les relations avec les soldats ne sont pas trop mauvaises. Il n’y a pas de contacts avec les jeunes élèves pilotes, les vieux territoriaux sont compréhensifs dans l’ensemble. Ils se trouvent beaucoup mieux à Pau que sous les bombes en Allemagne ou en Russie. Ils souhaitent avant tout éviter les problèmes.
Il y aura pourtant des problèmes le 11 novembre 1943 à la suite d’une minute de silence observée à 11 heures au garde à vous. Les jeunes des Chantiers vont être aussi accusés de se moquer des soldats allemands. Un soldat aurait écrasé une cigarette sur le visage d’un jeune qui fume dans un endroit où il est interdit de le faire. A la suite de ces faits les jeunes vont être expulsés de la base et resteront plusieurs jours sans pouvoir reprendre le travail.
Ces différends pourront cependant être réglés en raison des bonnes relations qu existent entre l’encadrement du sous-groupe 155 et le colonel allemand commandant la base, ce dernier appréciant la « bonne volonté au travail » des jeunes (?). Cette affaire va cependant aller jusqu’au plus haut niveau, au Commissariat Général des Chantiers de Jeunesse, et provoquer des divergences entre deux grands chefs.
Un autre problème plus grave va se produire en février 1944. A la suite d’un gros bombardement aérien, qui causera de gros dégâts, les jeunes sont appelés à déblayer les décombres. Ils vont trouver des armes et des munitions que certains vont vouloir emmener au cantonnement, mais les sentinelles allemandes veillaient.
Une douzaine de jeunes seront arrêtés et même menacés d’être fusillés. Après entrevue entre le chef du sous-groupement et le commandant de la base, l’affaire s’arrangera et les jeunes s’en tireront avec une coupe de cheveux spéciale et 8 jours de prison au cantonnement. Cependant des armes furent cachées sous le plancher du grenier de l’école.
Une nuit de printemps des résistants de la région d’Arudy* vont venir s’approvisionner à l’Ecole Normale en vêtements et ravitaillement. L’action va se faire en douceur, les maquisards emmèneront aussi un camion et son chauffeur des Chantiers, ce dernier n’était, parait-il, pas du tout étranger à l’opération.
A partir du mois de février 1944, après l’annonce de la non libération des jeunes incorporés en juillet 1943, les « disparitions » vont se faire de plus en plus nombreuses et l’effectif va fondre comme neige au soleil.
Des contacts ont été pris entre des chefs du sous-groupement 155 et la Résistance. Des chefs vont rester sur place jusqu’à la libération pour récupérer ce que les Allemands n’auraient pu détruire avant leur départ. Des incendies allumés dans les dépôts vont être éteint ce qui permettra la récupération de camions, remorques et chenillettes.
Les 2 ou 3 chefs restant vont rejoindre le Corps Franc Pommiès dans un château des environs, deux d’entre eux seront envoyés à Toulouse et … oubliés.
* Maquis de Bilhères. Le 15 mai 1944. COURBET du CFP.
Source: archives privées. E. Saugeron.
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