Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
CAZABAN Maurice.
Mr. Cazaban Maurice, né à Higuères-Souye le 06/05/1924.
Texte dicté par Maurice Cazaban à son épouse Cathie et transmis à l’association par leur fille Michèle Cazaban en mai 2011.
Récit d’un témoin oculaire des combats de Higuères-Souye du 10 juillet 1944.
Agé de 20 ans, je suis convoqué au Conseil de Révision à Pau, début 1944. Je suis affecté très rapidement à un camp de jeunesse situé dans le Tarn-et-Garonne. Je décide de ne pas répondre à cet appel et quitte la maison familiale, s’en trop m’en éloigner. Je vais travailler chez Monsieur Lazorte, ancien maire d’Higuères, ensuite à la ferme Lalo pendant environ deux mois. Je suis recherché par les gendarmes de Morlaas étant donné que je n’avais pas rejoint mon unité dans le Tarn-et-Garonne. Les gendarmes se rendent chez Mr. Lazorte et me trouve à table. Ils demandent à Mr. Lazorte de bien vouloir me laisser sortir pour me parler.
Le brigadier Gervé et un de ses collègues me demandent pourquoi je n’ai pas rejoint mon affectation. Je réponds qu’ayant appris que les Allemands envoyaient des jeunes travailler chez eux, je ne voulais pas les servir et que je préférais rejoindre le maquis. Le brigadier me demande d’attendre quelques jours car un groupe de résistants était en préparation dans le secteur, ce qui se confirme très rapidement. Vers le 13 ou le 14 juin et après avoir pris contact, je rejoins le soir même les résistants cantonnés dans une maison pas loin de chez moi. Nous sommes partis en direction de Lalonquette et ensuite de Momy. Le chef Pommiès est venu nous voir dans les bois de cette commune.
Départ pour Anoye où le bar de Mr. Ourtalou est réquisitionné. Je connais le chauffeur qui est, peut-être, encore en vie.
Nous partons de nouveau et, cette fois, en direction de Sedzère, rejoindre d’autres résistants. Un parachutage devait avoir lieu dans la nuit. Hélas, l’attente fut vaine. Nouveau déplacement pour rejoindre les bois de Momy pendant peu de temps. Ensuite, nouvelle excursion vers Gerderest, Abère et Lespielle. Nous étions dans cette commune le 3 juillet pour le massacre de Portet. Nous devions, parait-il, y partir pour venir en aide à nos camarades mais nos chefs reçurent un contrordre, de plus, nous avions très peu d’armes. Par précautions, camouflage dans les bois de Larreule. Après quelques jours d’attente, un de nos chefs qui, parait-il, aurait été tué à Monein me désigne comme agent de liaison et me confie un vélo. Vêtu d’un short et d’un vieux blouson, je pars en mission et en cours de route, je porte des papiers à des officiers qui se trouvent à Pau, également à la famille d’un de nos chefs, nommé Charpia, qui habitait à cette époque route de Morlaas. Comme je n’étais pas loin de chez moi, mon chef m’autorise à passer la nuit à la maison.
Il y avait beaucoup de mouvement à Higuères car c’était jour de noce chez Mr. Louis Capdebos. Après avoir passé la soirée en famille, je camoufle mon vélo. J’avais sur le porte-bagages des papiers entourés d’un vieux sac que je devais porter à un groupe de résistants qui allaient rejoindre la ferme Cassagnau à Higuères.
J’avais reçu l’ordre de laisser passer nos camarades d’une colonne composée de camions, voitures et motos. Ils passent vers 23 heures et je vais me coucher sur un lit qui se trouvait à la cuisine, sans me dévêtir. Dès l’aube, mon père me réveille et me dit « Vite, lève-toi, il y a des camions… ». Il sort et revient rapidement « J’entends les Allemands »… Aussitôt, j’arrache le brassard fixé à la manche de mon blouson, car je devais le porter pour me présenter à mes camarades et remettre le vieux sac contenant les papiers compromettants.
Les Allemands, avant d’arriver chez nous, avaient fouillé plusieurs fermes dont la ferme Hourticot principalement. Des coups de crosse dans la porte d’entrée avaient fait tomber la clé à l’intérieur. Monsieur Hourticot, pensionné de guerre 14/18, ne pouvant ouvrir la porte assez vite, les Allemands lancent une grenade par la fenêtre de la cuisine, blessant le vieillard aux jambes. Ils arrivent alors à la maison familiale. Je cherche à m’échapper en direction du jardin, je me retourne pour voir si les Allemands me regardaient…Trop tard, j’avais déjà deux armes braquées vers moi. Etant donné que j’étais près du jardin, le portillon ouvert, j’ai eu l’idée de montrer que j’urinais. Bien sûr, trop tard pour m’échapper… Je reviens en direction de la maison, pensant que j’étais fichu…. Je pense, l’espace d’une seconde, à mes camarades de Larreule.
Rapidement, la cour est envahie d’Allemands, ils se jettent sur moi sans ménagements, me placent contre le mur de la maison, l’arme sur la poitrine… Les uns fouillent la maison, les autres « Vous maquis …. Vous maquisards…maquisards …dormi ici… etc… »
Je fais des gestes pour essayer de faire comprendre que je n’avais rien vu, rien entendu. A ce moment là, un Allemand suivi de 4 ou 5 autres arrive avec mon vélo et essaye de défaire mon paquet, il y arrive et les papiers tombent à mes pieds et il ne cesse de répéter « Vous maquis … maquisards dormir ici… » Je répète que j’avais dormi et comme je faisais des gestes pour mieux me faire comprendre, je reçois des coups de crosse sur les mains et le corps. Ils voulaient, bien sur, que je parle et donne des renseignements. Fichu pour fichu, je ne parlerai pas. Mon père était près de moi, la famille en larmes et les Allemands fouillaient partout.
Des soldats, après avoir ramassé quelques papiers et les avoir examinés, partent en direction de la route avec un officier qui donne des ordres. A cet instant, un moment miraculeux pour ma famille et moi-même. En effet, un gradé, certainement officier donne des ordres et tous les soldats quittent la maison, la cour et se regroupent, car il y avait des hommes dans les fossés et sur les bas-côtés, etc.
Ils emmènent mon vélo et les papiers…et me laissent contre le mur. Je décide de me cacher, je longe le mur pour rejoindre la grange, je lâche les vaches dehors, je les fais courir et mordre par le chien afin de faire croire que je suis un garçon pas très bien équilibré. Auparavant, le brassard que j’avais encore dans mon blouson, je l’ai caché dans le fumier. Donc, je conduis mes vaches vers le terrain communal de Higuères, elles passent au milieu des Allemands et ceux-ci me regardent curieusement me considérant comme un malade. J’abandonne mon troupeau dès avoir rejoint le « communal ». Je monte dans un arbre recouvert de lierre pour me cacher. Je voyais beaucoup de mouvements sur Bernadets et les environs. A peine étais-je caché que j’entends un mitraillage en direction de la ferme Cassagnau où se trouvaient des résistants. A ce moment-là, j’entends des craquements et je vois des lueurs, sans aucun doute, une ferme brûle. Je me faisais du souci car j’avais l’impression que c’était chez moi. Je suis resté caché dans cet arbre plus de 5 heures. Ensuite, j’aperçois mon frère Fernand qui me cherchait et m’appelait. Je n’osais pas répondre car je craignais qu’il ne soit pas seul. J’ai attendu qu’il soit sous l’arbre et j’ai alors répondu. Il me portait mes papiers d’identité que j’avais laissés à la maison avant de partir à la Résistance. Nous sommes rentés ensemble à la maison à travers les champs. Ensuite, j’ai passé la journée dans un champ de maïs près de la maison. Dès la nuit arrivée, je suis allé chercher de quoi manger et, de nouveau, dans les maïs pour plus de sécurité. Je ne savais pas si je pourrais rejoindre Larreule et si mes camarades étaient toujours à cet endroit. Je suis resté camouflé quelques jours puis j’ai aperçu un de nos chefs s’approcher de chez moi. C’était Joseph Bourreau de Morlaas, qu’on appelait « le colonel ». Je suis sorti du champ et me suis approché de lui. A sa demande, je lui explique ce qui s’était passé, je l’ai rassuré en lui disant que je n’avais rien dit envers mes camarades.
Je voulais partir avec lui, il n’a pas accepté me disant simplement « ce serait trop dangereux « . Me promettant de m’avertir dès le retour de mes camarades dans le secteur. Effectivement, quelques jours plus tard, mes camarades sont venus me chercher et nous sommes partis sur Bedous où se trouvait notre groupe. J’ai retrouvé beaucoup de mes camarades, le docteur Nancy ainsi que Majesté-Lassale et le capitaine Charpia. Nous sommes paris au Somport en surveillance car les Allemands étaient camouflés dans la montagne. Ils voulaient passer en Espagne ? Ensuite, départ sur Oloron, sur Pau et les Vosges.
Après un stage d’instruction, le choix nous fut donné : soit rentrer au foyer, soit signer un engagement pour la durée de la guerre. J’ai donc signé un engagement et, hélas, j’ai eu les pieds gelés pendant l’hiver 1944. D’hôpital en hôpital, je suis arrivé à Amélie-les-Bains et y suis resté pendant environ 3 mois. Après une convalescence, j’ai rejoint mon unité en Allemagne où je suis resté en occupation jusqu’à ma démobilisation le 13/11/1945.
Ce récit qui m’est demandé est rédigé en toute simplicité pour que l’on sache ce qui s’est passé dans ce petit village d’Higuères-Souye en juillet 1944. Quant à moi, j’ai eu beaucoup de chance, un rien, un petit rien et je subissais le sort de mes camarades qui reposent à la clairière de Berlanne-Morlaas.
Nous, les anciens du C.F.P., nous sommes fiers d’avoir suivi le Général Pommiès que des voix autorisées considèrent comme un chef exceptionnel qui , des Pyrénées à Berlin, conduisit son unité dans le devoir de la gloire.
Je continue, comme porte-drapeau, à participer à toutes les cérémonies officielles et c’est un devoir d’accompagner avec cet emblème mes camarades qui nous ont quittés.
Avec mon ami Mr. Majesté-Lassalle de Barinque, nous tenions beaucoup à ce que les cérémonies d’Higuères-Souye deviennent traditionnelles en souvenir de ces journées où parmi nos camarades, les uns sont morts, les autres faits prisonniers sur cette commune avant d’être conduits à la côte de Berlanne-Morlaas pour être fusillés.
« Hélas, sans cueillir les lauriers de la victoire » grâce à Mr. Partaix, maire d’Higuères-Souye, et de son conseil municipal, une cérémonie simple et émouvante se déroule dans cette commune le même jour que celle de la côte de Morlaas, associant ainsi les deux communes dans le souvenir de nos chers disparus.
Extrait de Poullenot (Louis). Basses-Pyrénées. Occupation. Libération. 1940-1945. J & D Editions. Biarritz. 1995. 366 p.
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