Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

Camp de Gurs. Lettre de René Bousquet au préfet régional de Toulouse. 11 août 1942.

camp

René Bousquet, secrétaire général à la Police, a envoyé une lettre à L. Cheneaux de Leritz, préfet régional de Toulouse, en date du 11 août 1942. Il porte à sa connaissance les conclusions d’une enquête « sur les prétendus faits révélés par des inspecteurs » qui a eu lieu à la fin du mois de mai au « camp d’hébergement de Gurs ».

 

Pour consulter la lettre de René Bousquet: cliquer ici.

 

 

QUELQUES REMARQUES SUR LE RAPPORT BOUSQUET DU 11 AOÛT 1942

bousquet
René Bousquet 1943

 

Source: archives nationales, cotes : F/7/15086-F/7/15111.

Archive numérisée. Pour la consulter: cliquer ici.

 

 

 

 

Ce rapport est révélateur de l’attitude des autorités de Vichy en ce qui concerne l’administration des camps d’internement. Il fait suite à plusieurs plaintes relayées par les ONG du camp, dénonçant les conditions de vie sordides des internés dans les baraques. Il répond directement au rapport du 9 mai 1942.

La réponse des services de Bousquet peut se résumer en ceci :

1- l’administration du camp fait correctement son travail

2- s’il a des  insuffisances, les responsabilités en incombent aux internés eux-mêmes ou, exceptionnellement, à quelques brebis galeuses parmi les gardiens

3- la discipline doit être restaurée à tous les niveaux.

Contexte du rapport

            Ce rapport est envoyé au moment où sont organisées les déportations de Juifs vers Drancy et Auschwitz. Il n’en est évidemment rien dit ici.

Rappelons la chronologie des faits :

  • 19 avril 1942 : nomination de Pierre Laval à la tête du gouvernement (Président du Conseil). Il se réserve plusieurs ministères, dont celui de l’Intérieur. René Bousquet est Conseiller d’Etat et Secrétaire général de la Police.
  • 6 mai 1942. Installation officielle de Karl Oberg comme chef du HSSPf (chef supérieur de la SS et de la police) pour la France. A cette occasion, rencontre Heydrich / Bousquet à Paris.
  • 18 juin / 8 août 1942 : accords Oberg / Bousquet. Accords de coopération. Bousquet s’engage à livrer 100 000 juifs résidant sur le territoire français à l’Allemagne nazie.
  • 3 juillet 1942 : accords Danecker-Knochen / Bousquet sur les modalités de la livraison des juifs à l’Allemagne nazie
  • 18 juillet 1942 : visite de Dannecker (chef de la section IV B 4 de la Gestapo, chargée de la « répression anti-juive ») au camp de Gurs. Il est déçu de constater que le camp de Gurs ne renferme que quelques milliers de juifs à déporter.
  • 6 et 8 août 1942 : premières grandes déportations des internés juifs vers Drancy (et de là, vers Auschwitz) : 1710 hommes, femmes et enfants

Quelques commentaires sur le rapport Bousquet

  • Les services de René Bousquet ont pris leur temps pour rédiger le rapport : près de trois mois (entre le 9 mai et le 11 août 1942)
  • Ce rapport constitue la version officielle sur l’état du camp de Gurs à la veille des déportations. Il est donc révélateur de la conception que se font les services de police de Vichy sur l’internement des juifs étrangers en zone non-occupée.
  • La mauvaise foi des rédacteurs du rapport est systématique et évidente :

1- si l’alimentation du camp est déclarée « insuffisante », le jugement est immédiatement relativisé par la formule suivante « comme pour l’ensemble de la population d’ailleurs ». Cette affirmation est tout à fait inexacte.

2- les mesures complémentaires évoquées sont présentées comme organisées par l’administration du camp. C’est inexact : le Coopérative du camp et le Centre Central d’Assistance (CCS) sont des créations des seuls internés, sans que l’administration française n’ai joué un quelconque rôle dans la procédure. De même pour la création des « jardins d’ilots » (dont la maigre production était immédiatement dévorée par les rats).

3- Il est également question d’un troupeau de 17 ovins, mais le rapport omet de préciser qu’il est à la seule destination des services français. Notons que le rapport amalgame la nourriture destinée au personnel français et celle des internés, ce qui ne correspond en rien à la réalité.

4- si l’hygiène est insuffisante, la responsabilité semble incomber aux internés, puisqu’il faut leur imposer les « douches obligatoires ». C’est inexact : il est presque impossible de prendre une douche compte tenu du filet d’eau qui ne coule que quelques minutes par jour.

5- les internés ont « transformé les couvertures » (en habits ?). Rien n’est dit du froid glacial régnant dans les baraques, ni de la vermine (poux, puces punaises, rats) qui rendirent le camp de Gurs célèbre parmi tous les autres camps.

6- Les nombre des décès et des naissances est inexact. Se reporter aux listes publiées par les services préfectoraux eux-mêmes.

7- Le rapport sous-entend qu’il y pourrait y avoir de la « cinématographie » au camp. Pour les internés, c’est inimaginable. En outre, il est interdit de prendre s des photos à l’intérieur du camp à l’époque de Vichy, au risque de punitions sévères.

8- Il n’y a « rien d’anormal » dans la comptabilité du camp. C’est inexact. Il a été démontré que le gestionnaire fait systématiquement des économies sur les subventions qui lui sont allouées, destinées à l’alimentation des internés (Cf. Claude Laharie, Le camp de Gurs, chapitre XI)

9- Le rappel à l’autorité est incessant : à l’encontre des internés, à l’encontre des gardiens, à l’encontre des inspecteurs.

 Au total, un rapport instruit uniquement à décharge, qui exonère les services de Vichy de toute responsabilité.

Il est en quelque sorte logique, que, dans cet esprit et quelques jours après la réception de ce rapport, les « hébergés » de Gurs soient déportés vers les camps d’extermination.

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