Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

BAYLE Maurice, Jeanne et leur fils Jacques: une famille béarnaise « résistante ».

bayle

 

Maurice Bayle, son épouse Jeanne et leur fils Jacques ont, chacun à sa manière, fait oeuvre de Résistance au cours de la seconde Guerre Mondiale.

A partir des archives familiale, M. DELOM et son épouse, fille de Jacques, ont retracé leurs parcours de résistants: résistance intérieure pour Maurice et Jeanne, résistante combattante pour Jacques. Cette biographie contient de nombreux documents originaux (documents officiels, photographies,) et fait une large place au recueil de poèmes écrits par Jacques pendant son séjour en Afrique de Nord.

Ils ont bien voulu nous confier leur travail pour que nous puissions en assurer la publication.Nous les en remercions.

 

 

Cette publication est précédée d’une introduction de Claude Chadelle, historien membre de l’association « Les Basses-Pyrénées dans la Seconde Guerre Mondiale » qui contextualise le parcours de ces acteurs de la Résistance.

Elément de micro-histoire : les Bayle

toute une famille béarnaise précocement en résistance (1941-45)

 

  • Pour mesurer la singularité de l’engagement, de son impact historique et ainsi donner à voir un fragment d’opinion publique, il convient de rappeler les contextes historiques, culturels et spatiaux.

En juin 1940, selon l’historien P. Laborie, « la défaite est presque seconde par rapport à l’effondrement de la nation. » Selon St. Exupéry, dans Pilote de Guerre, la France perd ses entrailles. L’exode précipite huit millions de personnes sur les routes. Le tissu social se désagrège dans un immense désarroi. Pour cette époque, l’historien parle de l’ambivalence de la majorité des français au moins jusqu’à la fin de 1942, « à la recherche de repères perdus ». Dans leur ensemble, ils conserveront une sorte de dette à l’égard du Maréchal Pétain qui les a « sauvés » en juin 40 mais ils sont farouchement hostiles à la collaboration dont ce même Pétain est l’inspirateur. L’image de l’Allemagne reste celle de l’ennemi séculaire.

Dans ce contexte, le Béarn, et plus largement l’ensemble du département -les Basses Pyrénées à l’époque- occupent une position originale. Cette spécificité est liée aux caractères d’un département frontalier (avec un pays neutre) et côtier un peu excentré sur le territoire national, à la ruralité dominante (63%). Particulièrement éprouvé par la 1ère guerre, secoué par les soubresauts de la guerre civile espagnole (à partir de 36) il est une des destinations ultimes des réfugiés fuyant l’avance allemande et l’espoir des premiers évadés vers l’Espagne, l’Afrique ou l’Angleterre. De surcroît, la convention d’Armistice, jusqu’en 42, crée une situation originale : le territoire est divisé par la ligne de démarcation (des Landes à la frontière espagnole) sur 150 kilomètres, elle oppose la zone basque occupée et la zone libre (Béarn et Soule) sous la tutelle de Vichy et des lois de « l’état français ». Sur toute la période l’ensemble du département constitue une base d’évasion par l’Espagne vers les pays libres ; en grand nombre, pris en charge par les réseaux (Comète, Orion, organisations résistantes…) ou en odyssées individuelles, les proscrits venant de France et de toute l’Europe y passent, y séjournent : militaires, alliés, agents secrets, persécutés raciaux, réfractaires au STO. Des éléments matériels en deviennent symboles : lignes ferroviaires vers Hendaye, Pau-Canfranc, cols transfrontaliers, camp de Gurs.

  • Ce contexte historique s’inscrit dans la sociologie particulière de ce département. Elle est définie ainsi par un historien local, Louis Poullenot : basques et béarnais, majoritairement ruraux, « ont pour dénominateur commun un attachement aux notions de liberté et d’indépendance, une saine tradition démocratique et républicaine (… ) avec, pour ligne de conduite, le rejet des partis extrémistes ».

L’action résistante de la famille Bayle associant deux  générations de 1941 à 1945 s’enracine dans toutes ces dynamiques. Elle rend compte aussi d’un corpus de valeurs familiales remontant au moins à 1914 et dont le père est au centre :

– enracinement profond dans le milieu socio- culturel traditionnel béarnais, la famille étant originaire du Vic Bilh;

– tradition d’engagement, d’action, de service des autres : Maurice, le père, s’engage volontairement en 1916 à dix-huit ans ; il milite à la SFIO entre les deux guerres ; instituteur normalien à l’école Henri IV depuis le milieu des années trente, il épouse les valeurs des « hussards noirs de la République » – entre autres un nationalisme républicain anti allemand nourri des séquelles de la première guerre –.

– de ce fait, précocité d’action résistante pour le père et le fils dès 1941 ;

-après la guerre, discrétion exemplaire dans la construction de la mémoire combattante malgré les risques encourus, (partagés par la mère et les deux filles).

bilan de l’action et nombreuses distinctions – médaille militaire (1953), croix de guerre d’argent comme volontaire FFI, reconnaissance appartenance NAP, médaille de la Résistance.

  • Enfin, les deux figures du père et du fils témoignent de deux formes différentes d’ engagement et d’ action

Pour le père, Maurice dit « Henri «   (1898-1984) le poids de la première guerre, du militantisme SFIO, de son métier d’instituteur et d’une personnalité de discrétion, d’équilibre et de justice pousse  naturellement à un engagement rationnel et mûrement réfléchi :

  • Mouvement «  Combat » dès 1941
  • Diffusion de la pensée résistante dans le milieu de l’enseignement
  • 1943 – chef adjoint au NAP (noyautage des administrations publiques) à côté d’Honoré Baradat et de Pierre Couret
  • Chef départemental des fausses identités (fabrication de documents indispensables aux réfractaires isolés, réseaux, membres de l’armée secrète, israélites, aviateurs anglais…)
  • Protection à son domicile de nombreux chefs de la résistance
  • Liaison avec le directoire départemental de la résistance
  • Liaison avec le groupe franc des MUR (actions contre les troupes d’occupation)
  • Liaison avec les chefs des guérilleros espagnols
  • Un des trois membres du noyau actif du  Comité de libération en 1944.  Il dirige les commissions,  actions sociales, atrocités allemandes, droit, travaux publics et transports. Il donne l’image d’un « père tranquille », grande figure de la résistance départementale.

Le fils, Jacques, (1922-1987) témoigne d’une tout autre forme d’engagement et d’action : révolte politique et idéologique, besoin d’absolu aux accents romantiques. A l’insu de sa famille, impatient d’action, mal informé,le 1er février 1941, il s’engage à Marseille dans l’armée d’armistice avec l’espoir de poursuivre le Combat en Afrique du nord. Mais l’ambiguïté de cette armée, la complexité de la situation à partir de 42 le condamnent jusqu’en 44 à une inaction qu’il accepte mal.En pamphlets poétiques, il crie son impatience et son engagement. Il attendra jusqu’au 15 septembre 1944 pour débarquer à Marseille avec la première armée française de de Lattre –futur « Rhin et Danube ». Il participera aux combats d’Alsace autour de Sélestat et Colmar jusqu’à l’occupation  en Allemagne  et au Tyrol ; démobilisation en 1946, cinq ans après son départ du Béarn.

Pour accéder à la biographie: cliquer ici

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.