Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
LAULHE Benoit. Résistances: LIBERATION ET RECONSTRUCTION. 67: L’ÉPURATION ÉCONOMIQUE ET SES LIMITES.
L’ÉPURATION ÉCONOMIQUE ET SES LIMITES.
Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –
Fiche n°67.
L’ÉPURATION ÉCONOMIQUE ET SES LIMITES.
A la fin de la guerre, l’héritage économique du régime de Vichy n’est qu’anarchie, pénuries, rationnements et marché noir. Malgré cette situation, l’un des premiers soucis des nouvelles autorités issues de la résistance, est de rendre justice contre les différents profiteurs des années d’occupation.
Cependant, face à l’état de ruine de l’économie, à la fragilité de l’appareil productif et aux nombreux besoins de la reconstruction, le Comité Départemental de Libération (C.D.L.) ne peut mener son épuration dans les conditions et surtout dans les proportions souhaitées.
Fin 1944, la France est ruinée, « improductive » et sans ressources. Le désordre régnant dans ce système, en grande partie hérité du régime de Vichy, ne fait qu’accentuer les maux de populations déjà affaiblies par plusieurs années de guerre et d’occupation.
Avec une agriculture sans bras, sans engrais ni matériel, des réseaux de communications paralysés, des inégalités croissantes entre régions (chaque zone voulant garder ses ressources), un système des tickets toujours en place mais toujours aussi insuffisants, les Français n’en peuvent plus d’attendre la fin des rationnements et des pénuries. Toutefois, comme durant la guerre, face à ces manques et à ces restrictions, un recours quasi généralisé aux différents marchés parallèles est pratiqué. Ces derniers, même s’ils répondent à une importante demande et à une nécessité économique pour les producteurs, cachent trop souvent des abus et tout un trafic qui ne profite qu’à quelques privilégiés, la conjoncture aidant, au détriment de la majorité.
C’est justement pour lutter et punir ces exagérations que le C.D.L. décide de lancer une politique d’épuration économique. Ayant pour principal objectif de frapper les profiteurs, les collaborateurs et autres trafiquants, le Comité Départemental de Libération des Basses-Pyrénées essaye avant toute action de donner à sa politique les moyens de sa réalisation. L’une de ses premières mesures consiste donc à créer un Comité de Confiscation des Profits Illicites (C.C.P.I.) assisté de forces de police . La mission de ce dernier consiste dans un premier temps à dresser des listes et des dossiers sur les fautifs, ce même comité devant en conclusion proposer des sanctions (souvent des amendes ou des confiscations), il est aidé en cela par l’important travail des C.L.L. (Comités Locaux de Libération) . Ces derniers assurent en effet l’essentiel des recherches de proximité en enquêtant sur les professions, sur la nature des trafics, sur leur durée, mais aussi en recueillant des témoignages et en donnant des avis. Le problème de l’activité de ces comités repose cependant sur les différences de sévérité suivant la zone d’action (le C.L.L. d’Orthez est par exemple particulièrement sévère, de nombreuses amendes supérieures à un million de francs étant ainsi dressées).
Malgré ce renfort, la tâche confiée au C.C.P.I. s’avère être particulièrement complexe et délicate. Les problèmes de contradiction de témoins, de jalousies, les variétés des délits, les proportions des gains sont autant de paramètres à prendre en considération avant de rendre un avis, au même plan que les circonstances atténuantes ou aggravantes (aide aux résistants ou intervention des Allemands dans les trafics).
Dans l’ensemble, ces opérations et leurs premiers résultats répondent malgré tout au désir de vengeance des populations. Il est alors normal que cette répression porte surtout sur les responsables les plus « visibles », à savoir les agriculteurs ou les commerçants. Il en va de même avec quelques industriels, peu nombreux malheureusement (moins de 5 %). Cependant, et c’est l’une de ses principales limites, cette épuration doit également tenir compte des besoins et des priorités liés à la reconstruction et au ravitaillement. La France renaissante ne peut en effet se passer à ce moment-là de ses fournisseurs et de ses négociants. Pour satisfaire ces deux impératifs (vengeance et reconstruction), le C.D.L. est donc obligé d’épargner les gros trafiquants, les petits agriculteurs étant eux souvent condamnés à leur place.
Face à ces contraintes, le C.D.L. est dans l’incapacité de mener à bien et à terme toutes ses opérations. Il doit ainsi concéder un bilan partiellement négatif. A présent, si ce constat s’explique en partie par une conjoncture défavorable, il doit également trouver sa source dans un manque considérable de moyens techniques et juridiques des enquêteurs. Ainsi, lorsque le C.C.P.I. réussit à prouver la culpabilité et à condamner un commerçant, il ne peut souvent faire appliquer la peine faute d’autorité suffisamment puissante pour le sommer de payer et encore moins pour confisquer ses biens.
Nous arrivons donc en avril 1945 à un bilan très révélateur de l’épuration économique dans les Basses-Pyrénées, où sur plus de mille quatre cent citations, seules vingt-quatre sentences ont été prononcées, avec un total de mille cinq cent affaires en suspens. Au final, sur quinze millions de francs confisqués, seuls quatre millions sont payés. 90% des accusés font par la suite appel évitant ainsi souvent les versements ou les saisies.
Nécessaires pour les populations et la reconstruction de l’économie, les politiques d’épuration entreprises par le C.D.L. des Basses-Pyrénées ne peuvent aboutir faute de moyens et de soutient.
Fragiles avant même leurs lancements, elles gardent malgré tout le mérite d’abattre les systèmes de ravitaillement parallèle et de calmer la soif de vengeance des consommateurs. Pourtant, au-delà de l’aspect économique de cette politique, ces mesures du comité ont surtout illustré la volonté des nouvelles autorités de bâtir une nouvelle société sur des bases saines et équilibrées.
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