Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Réseaux. Passages. Passeurs.16: RÉSEAUX D’ÉVASION BELGES. ZÉRO, MARC ET COMÈTE.

 

 

ZÉRO, MARC ET COMÈTE: RÉSEAUX D’ÉVASION BELGES.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°16.

 

 

 

 

ZÉRO, MARC ET COMÈTE: RÉSEAUX D’ÉVASION BELGES.

            Vaincue et occupée peu de temps avant la France, la Belgique se lance aux côtés des alliés dans la lutte clandestine à partir des territoires contrôlés par l’ennemi.

         Cherchant dans un premier temps des contacts auprès des ressortissants réfugiés ou émigrés en France, les réfractaires de ce pays parviennent à élaborer d’importants réseaux de relations qui constituent les fondements des futurs mouvements de résistance. Spécialisés dans l’évasion et le renseignement, quelques-uns d’entre eux, tels Zéro ou Comète, s’imposent comme de véritables structures paramilitaires et s’illustrent dans notre département.

            Après la défaite de 1940, les autorités belges en exil à Londres cherchent par plusieurs moyens à faire sortir du pays, ou plus généralement des zones occupées, les soldats, les spécialistes de l’armement, les personnalités, mais aussi les étudiants et les simples volontaires qui refusent l’ordre nazi et qui souhaitent reprendre le combat. Toutefois, les différentes actions des services anglais ou français dans ce domaine ne répondent pas suffisamment à leurs attentes. Les responsables des services secrets décident donc de se lancer eux même dans la recherche, puis dans l’élaboration, de réseaux d’évasions et de renseignements susceptibles d’être contrôlés et gérés par leurs services.

            Malgré une sensible intervention de F.I.S. (Intelligence Service) anglaise dans la construction ou l’action de quelques mouvements, les autorités belges parviennent ainsi à monter ou à « absorber » quelques organes. Ces derniers, des plus prestigieux comme Comète aux plus éphémères comme Zéro, luttent durant tout le conflit aux côtés des alliés et des résistants pour la Belgique et contre les Allemands.

            Sollicitant en premier lieu les Belges restés au pays, mais aussi ceux réfugiés en France, en Espagne ou en Grande Bretagne, ces organisations réussissent à étendre leurs activités dans tous les territoires occupés. Notre département constitue par sa position stratégique une zone centrale dans ces dispositifs. Cependant, si les premières opérations de passage s’effectuent dans cette région dès l’été 1940 (Doménitche Etchegoyen aide par exemple plusieurs officiers de l’Armée Royale lors de leurs évasions), la première véritable filière belge en action dans les Basses-Pyrénées, bien structurée et efficace, ne voit le jour qu’en 1941. Créée par un cadre de l’armée belge, le comte René, qui s’occupe à partir de l’hôtel Soulé, près de Tardets, de rassembler les candidats à l’évasion et de rechercher des passeurs, cette structure entre rapidement en relation avec les jeunes réseaux Zéro et Luc (ces derniers lui demandent régulièrement de collecter des renseignements sur l’occupant).

            Au-delà de cette filière, le réseau Zéro possède également plusieurs autres possibilités de passage. La plus originale consiste à utiliser une vieille scierie abandonnée à Mendive. Repérée par un chirurgien belge, le docteur Schepens (Perot dans la clandestinité), envoyé en mission d’exploration au Pays basque, cette entreprise est « renflouée » financièrement par le réseau en 1942. Son intérêt pour la résistance et le passage repose sur l’utilisation d’un câble d’acier qui relie la zone d’exploitation forestière du plateau d’Iraty (près de la frontière) et la vallée de Mendive. Transportant à l’origine des troncs d’arbres abattus en montagne, ce téléphérique est rapidement mis à profit par l’organisation pour évacuer des agents, des pilotes, des résistants «brûlés», mais surtout des courriers en charge d’informations recueillis par le réseau.

            Toutefois, dénoncée à la Gestapo à Paris après quinze mois d’activité et de nombreux passages, cette filière est démantelée. Sa chute entraîne en outre l’arrestation de nombreux agents et intermédiaires, mais aussi la disparition provisoire du mouvement clandestin.

                Il en est de même pour un autre réseau belge baptisé Marc France. Sous réseau d’un organe (Marc) travaillant pour le gouvernement belge en exil à Londres, cette organisation est dirigée par son fondateur Louis Moreau. Elle dispose d’une antenne sur la côte basque dirigée par mademoiselle Navizet, à laquelle s’associe le technicien radio Laborde Gineis,  mais aussi MM. Peronne, Dallier et Dagorette. Ce réseau se lance à partir de l’automne 1942 dans une importante activité d’espionnage et de passage.

                Si l’objectif initial des fondateurs reste l’évasion par les montagnes basques d’agents et de courriers du réseau Marc, dans la pratique, le nombre de traversées reste relativement limité. Laborde Gineis préfère en effet à cela les opérations de renseignement et de sabotage sur les installations militaires, ferroviaires et industrielles de l’ennemi. Ce choix s’avère malheureusement particulièrement dangereux puisque le 3 mai 1943, il est arrêté, torturé et déporté au camp de Mauthausen. Suivent après lui dans les geôles de la Gestapo Dagorette, Peronne et Dallier. Navizet est la seule du groupe à être relâchée après son incarcération.

                Cette vague d’arrestations du printemps 1943 finit de décapiter entièrement le réseau, tant au niveau national que départemental. Son activité cesse complètement avec l’arrestation des derniers responsables.

Grand spécialiste de l’évasion, connu pour ses charismatiques fondateurs et son impressionnant bilan, le mouvement Comète, également appelé  Dédée line ¹ (du nom de sa fondatrice Andrée de Jongh, reste dans les Basses-Pyrénées le plus sollicité, le plus efficace, mais aussi le plus touché par les arrestations, des réseaux belges. Toutefois, organe des superlatifs et structure «quasi mythique», Comète ne peut être présenté en quelques lignes et mérite une analyse plus précise et plus complète. Plusieurs autres fiches détaillées lui sont donc consacrées afin de mieux comprendre ou apprécier son engagement et ses méthodes.

          Cependant, résumer ainsi l’activité des réseaux belges à ces trois exemples, revient à négliger le rôle d’autres mouvements, peut-être plus «classiques» ou moins impressionnants, comme Luc, Marie Odile dans la région de Tardets, ou Sabot près de Pau, mais tout aussi importants pour l’armée de l’ombre et les services secrets alliés.

           Très actifs au niveau national comme dans notre département, les réseaux belges, par leurs filières d’évasion ou leurs activités de renseignement, prouvent donc pendant la guerre qu’un gouvernement et des services spéciaux en exil peuvent monter des organisations clandestines relativement indépendantes et efficaces.

           Avec des fortunes différentes et des bilans souvent mitigés, ces groupes de résistants marquent par leur engagement et leur détermination toutes les capacités et les possibilités d’une armée exilée et d’un peuple enchaîné.

¹ Eychenne E. Les fougères de la liberté, Toulouse, éditions Milan, 1987, 339 p.

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