Le 10 juin 1944, la Une du « Patriote des Pyrénées » titre « La bataille de Normandie » pour publier un communiqué émanant du Grand Quartier Général du Führer et commente le dernier Conseil des Ministres.

Dans son éditorial  » Deux fois insensés »  Henri Sempé développe les dangers liés « aux nations libératrices » et à « la barbarie rouge ».  

Pour accéder à la une du  » Patriote des Pyrénées » du 10 juin 1944: cliquer ici.

Reproduction de l’éditorial du 8 juin 1944 signé Henri Sempé.

DEUX FOIS INSENSES

« La France a signé l’armistice – a déclaré le Président Laval dans l’appel qu’il vient d’adresser au pays – ; elle doit faire honneur à sa signature. Nous ne sommes pas en guerre. Vous ne devez pas prendre part aux combats. »

Voilà en effet ce que les Français doivent se mettre bien dans la tête. Ce combat n’est pas le nôtre. Et ce n’est pas seulement l’honneur, le respect de notre signature qui nous interdit d’y prendre part, mais le moindre souci de notre intérêt immédiat et lointain.

Il est vrai que l’un des belligérants prétend combattre pour notre « libération ». Mais ce n’est là qu’un prétexte classique et invariable de toutes les guerres de conquête et de colonisation. Il n’est pas d’exemple de conquérant qui ait jamais avoué ses buts de guerre mais, à les entendre, tous n’ont jamais voulu qu’apporter aux peuples les bienfaits de leur protection et de leur influence civilisatrice. A ce point de vue, et dans l’art de « libérer » les nations pour mieux les asservir, l’Angleterre est un maître incontesté : elle a déjà libéré de cette façon une bonne partie de la planète : elle a toujours rêvé de « libérer » la France et, plusieurs fois, il s’en fallut de fort peu qu’elle y parvînt ; elle a même réussi à nous « libérer » de Jeanne d’Arc et de Napoléon le Grand. La défaite et l’occupation de notre pays lui offraient une magnifique occasion d’exercer le zèle charitable et de réaliser cette généreuse ambition. Elle ne l’a point laissé passer et elle en a déjà tiré un merveilleux parti : elle a « libéré » notre empire colonial ; il s’agit aujourd’hui de « libérer » la France métropolitaine.

Ce n’est pas une raison parce que, dans cette généreuse entreprise, notre chère vieille amie se trouve associée à l’U.S.A. et à l’U.R.S.S. – deux grands « libérateurs » devant l’éternel, s’il en fut , le second surtout – pour que les Français prêtent la main à cette opération. C’est même une raison très forte pour qu’ils s’en gardent comme du feu. Car ils savent, par l’exemple de l’Afrique du Nord et de l’Italie du Sud, ce qu’il advient des territoires ainsi libérés ; ils se trouvent automatiquement bolchevisés. Cela tient à ce que, par une circonstance qu’on a le droit de déplorer mais non de méconnaître, l’Allemagne se trouve en ce moment la digue qui protège l’Europe contre «  le flot de la barbarie rouge », pour parler comme M. Winston Churchill en 1920 ; or en abattant cette digue, ce n’est pas l’Europe qu’on libérerait, mais le flot qui la menace.

Les Français qui aideraient à rompre la digue seraient donc deux fois insensés : ils ne feraient qu’attirer sur eux et sur leurs compatriotes innocents des représailles terribles, pour livrer finalement leur pays, en cas de victoire des nations « libératrices », à la « barbarie rouge ».

Henri SEMPE