Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
Mise en place du Service du Travail Obligatoire. Instructions gouvernementales: répression des « défaillants ».
Faisant suite à la « Relève », le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) est instauré par la loi du 16 février 1943. De nombreux mobilisés des classes 40, 41 et 42, s’opposent à cet enrôlement. Pour lutter contre ces opposants, le Gouvernement impose une répression énergique à l’encontre des « défaillants ».
Au moins trois circulaires sont adressées aux Préfets départementaux pour renforcer cette répression ciblant les réfractaires:
- circulaire du 16 février 1943, signée de René Bousquet, secrétaire général de la Police,
- circulaire du 28 mai 1943 signée de René Bousquet, secrétaire général de la Police,
- circulaire du 11 juin 1943 signée de Pierre Laval, chef du gouvernement.
Circulaire du 16 février 1943.
Transcription de la circulaire:
MINISTERE DE L’INTERIEUR ETAT FRANCAIS
DIRECTION GENERALE VICHY, le 16 février 1943
De la POLICE NATIONALE LE CHEF DU GOUVERNEMENT
Direction de l’administration MINISTRE SECRETAIRE D’ETAT A L’INTERIEUR
De la police
N°67 Pol. 8/Circ. A Messieurs les Préfets.
Rappeler la référence.
Objet : Ouvriers embauchés pour l’Allemagne qui, après avoir reçu l’indemnité d’équipement, ne rejoignent pas les convois désignés.
Les offices de placement allemands me signalent que de nombreux ouvriers français, après avoir souscrit un contrat de travail pour l’Allemagne et reçu pour leurs frais d’équipement une indemnité de 1000 frs, n’ont pas rejoint les convois désignés.
Il importe de sanctionner, d’une manière à la fois rapide et efficace, des actes qui, en fait, constituent une escroquerie.
Or, quelque répréhensibles que soient ces agissements au point de vue moral, notre droit pénal ne comporte aucun texte susceptible de les réprimer.
D’autre part, la législation de travail, relative à la rupture des contrats contre employeur et employés n’est pas applicable, en matière de prestations de service à l’extérieur de nos frontières.
Une seule solution reste possible : l’internement administratif par application du décret-loi du 18 novembre 1939, modifié par la loi du 15 octobre 1941.
Je vous invite donc, de façon expresse, à faire rechercher, dans les plus brefs délais, les ouvriers défaillants que vous signalent les offices de placement allemands et je laisse à votre entière appréciation le soin de décider, à leur encontre, une mesure d’internement dans un centre de séjour surveillé.
Dans les cas où cette mesure vous paraitra opportune, j’attire tout particulièrement votre attention sur l’intérêt que vous auriez à adopter la procédure suivante, en prescrivant :
1°) Une enquête immédiate avec le concours des services de police aux fins de découvrir les ouvriers qui n’ont point exécuté les conventions de leur contrat.
2°) L’arrestation de ces ouvriers.
3°) Leur internement provisoire dans un centre de séjour surveillé.
4°) Leur départ d’office en même que le prochain convoi désigné pour la Relève.
Vous voudrez bien m’accuser réception de la présente circulaire sous le timbre du 8ème Bureau de la Direction Générale de la Police Nationale.
Le Chef du Gouvernement
Ministre Secrétaire d’Etat à l’Intérieur
Le Conseiller d’Etat
Secrétaire Général de la Police
Signé : René BOUSQUET
Copie transmise à Monsieur le Chef de Cabinet
Pau, le 1er mars 1943.
Circulaire du 28 mai 1943.
Transcription de la circulaire:
MINISTERE de l’INTERIEUR PARIS, le 28 mai 1943.
Secrétariat général
à la Police Le Secrétaire Général
P.M. Cab. A N° 259 à la Police,
A Messieurs les Préfets.
Par plusieurs circulaires récentes, le Chef du Gouvernement vous a fait connaitre qu’en vue des opérations de relève qui ont eu lieu en mai et qui doivent se poursuivre en juin, il était indispensable de faire participer d’une manière active et énergique, les services de Police et de Gendarmerie, à la recherche des défaillants.
Cette action s’inspire de la double nécessité d’atteindre le contingent fixé et d’assurer le respect des ordres de priorité déterminés par les instructions gouvernementales.
Jusqu’à présent, des efforts incontestables ont été accomplis sous votre impulsion, par la Police et la Gendarmerie, dans le cadre des directives générales qui vous ont été adressées. Il convient d’accentuer encore ces efforts.
Il serait certes inopportun de placer exclusivement le Service National du Travail et les opérations de relève, sous le signe de la contrainte et d’en assimiler l’exécution à une opération de police permanente. En réalité, le problème qui se pose est clair.
Le Service Obligatoire du Travail constitue une réglementation nationale à laquelle doivent être naturellement astreints, tous les Français, conformément aux instructions du Gouvernement.
La Police et la Gendarmerie ont la mission permanente de faire respecter la Loi.
Il leur incombe donc au premier chef, le rôle de rechercher les insoumis, de persuader les réfractaires, et d’interdire en toutes circonstances à un mouvement politique quel qu’il soit, de faire du Service National du Travail, une arme dirigée contre le Gouvernement et le Pays.
Il faut donc faire comprendre à tous les services que la tâche difficile et souvent ingrate qui leur est demandée, est cependant une tâche nécessaire.
Ils doivent sentir que les défaillants de la relève agissent avec un égoïsme coupable qui fera nécessairement retomber sur d’autres catégories sociales, la charge d’obligations auxquelles en aucun cas le Pays ne peut se soustraire.
Ils doivent percevoir nettement que les règles fixées par le Gouvernement pour les désignations, ont essentiellement pour but d’établir dans les départs une équité et une justice sociales indispensables, tout en sauvegardant les besoins essentiels de notre économie, et qu’en conséquence, obliger à partir vers le lieu d’affectation qui leur est désigné ceux qui cherchent à s’y dérober, et un devoir national impérieux dont la Police et la Gendarmerie ont la charge difficile mais nécessaire, dans l’intérêt du Pays.
Les procédés techniques qui peuvent utilement être employés pour déceler les défaillants de la relève et de les contraindre à exécuter les ordres qui leur ont été donnés, sont de deux sortes.
Le premier consiste à faire rechercher par la Police et la Gendarmerie, les défaillants dont les noms vous sont communiqués par les services compétents français ou allemands. Cette recherche se résume en une visite au domicile, le plus souvent infructueuse, qui présente en outre l’inconvénient d’utiliser des effectifs importants. Il ne convient pas de renoncer à cette méthode, mais à elle seule elle s’est révélée d’autant plus insuffisante qu’il suffit au défaillant de la relève de quitter le département ou la région pour être à l’abri de toutes recherches.
Il convient donc d’utiliser à coté de ce procédé, d’autres moyens qui consistent à déceler les réfractaires, en dehors de toute communication de listes.
Il vous appartient de prendre à cet égard, toutes les initiatives nécessaires.
A titre d’indication, je crois devoir cependant vous suggérer de recourir aux procédés suivants.
Une première mesure peut aisément être mise en application.
Toute personne quittant son domicile pour se soustraire à la relève, doit nécessairement solliciter dans la mairie de sa nouvelle résidence, le renouvellement de ses tickets d’alimentation. Il est possible d’inviter les services de Police, et plus spécialement dans les communes rurales, la Gendarmerie, après vérification dans les mairies de leur circonscription à procéder à des enquêtes immédiates sur toutes les personnes non domiciliées antérieurement dans la commune, et ayant demandé le renouvellement de leurs tickets.
Ces personnes, sauf justification de leur part, peuvent être présumées comme ayant voulu se soustraire à un ordre d’affectation, surtout si elles appartiennent aux jeunes classes.
Le certificat de travail qui a désormais un caractère obligatoire pour les jeunes gens des trois classes 40, 41 et 42, doit également fournir un moyen efficace à la Police pour déceler les réfractaires. Ce certificat doit être exigé dans tous les actes de la vie civile, au même titre que la carte d’identité.
Je ne verrais aucun inconvénient en outre, à ce que dans les villes notamment, des opérations de vérification d’identité, même de vaste envergure, soient effectuées dans les lieux de rassemblement, de distraction, ou de plaisir, tels que les théâtres ou les cinémas.
Toute personne soumise à la production du certificat de travail, et trouvée en situation irrégulière, devra immédiatement être dirigée sur le centre d’hébergement surveillé prescrit par les instructions pour vérification de sa situation au regard de la réglementation du travail.
Je vous rappelle d’autre part que la Loi du 16 février 1943 prévoit des sanctions judiciaires à l’égard de toute personne ayant prêté son concours en vue de faire échec à l’application de la Loi.
A coté de ces sanctions judiciaires et sans attendre les décisions des tribunaux, rien ne s’oppose à ce que vous preniez des sanctions administratives immédiates dans les cas particulièrement nets qui vous auront été signalés.
J’ajoute enfin, que dans certains départements des jeunes gens ont cherché collectivement des refuges pour échapper au Service National du Travail Obligatoire. Dès qu’une telle situation vous est signalée, vous devez immédiatement avec toutes les forces de Police dont vous disposez, faire procéder à des opérations énergiques pour mettre fin à ces rassemblements et pour obliger ces jeunes gens à répondre aux convocations qu’ils ont reçues.
Eventuellement, si les forces de Police et de Gendarmerie dont vous disposez étaient insuffisantes, vous devrez vous mettre en rapport avec le Préfet régional et l’Intendant de Police, qui pourront eux-mêmes s’ils le jugent nécessaire, prendre contact à cet effet avec la Section du Maintien de l’Ordre, du Ministère e l’Intérieur.
J’insiste de façon particulière, lorsque ces rassemblements sont dirigés par des cadres communistes ou dissidents ou ont pris contact avec eux, pour que les opérations soient conduites avec la plus grande célérité et la plus grande énergie.
Les difficultés qui pourraient naitre de semblables mouvements sont en effet faciles à vaincre lorsque le mouvement est étouffé à son origine.
Pour me permettre de suivre d’une manière très précise les résultats auxquels vous aurez abouti, vous voudrez bien me faire parvenir, jusqu’à nouvel ordre, le 15 et le 30 de chaque mois, un rapport détaillé contenant notamment des indications statistiques sur l’action des services de Police et de Gendarmerie dans votre département.
Votre premier rapport devra me parvenir le 15 juin prochain et sera adressé, soit à Vichy pour les départements de la zone non occupée, sous le timbre de mon Cabinet, soit à Paris sous le même timbre, pour la zone occupée.
René BOUSQUET
Circulaire du 11 juin 1943
Transcription de la circulaire:
LE CHEF VICHY, le 11 juin 1943
DU
GOUVERNEMENT
N° 2.804/SG LE CHEF DU GOUVERNEMENT
à Messieurs les PREFETS REGIONAUX
et DEPARTEMENTAUX
en communication à : M.M. les Ministres
Secrétaires d’Etat
Les Secrétaires Généraux
Les Commissaires Généraux
Le Directeur Général de la Gendarmerie
Objet : S.T.O. – Recherche réfractaires – Exploitation de listes collectives de réfractaires – Renforcement de pouvoirs des Préfets.
La circulaire n° 2688/SG. En date du 6 juin 1943 vous a précisé les conditions dans lesquelles devaient être recherchés les réfractaires par le moyen des listes collectives dressées à cet effet.
Une loi nouvelle, en date de ce jours, publiée au J.O. de demain 12 juin, en vue de sanctionner les obligations relatives au S.T.O., modifie et renforce les dispositions prévues dans cette circulaire.
Cette loi vous donne de nouveaux moyens d’action qu’il vous appartient d’utiliser aux lieu et place que définissait la circulaire sus-visée. Je les résume ci-après :
Les réfractaires, au lieu de faire l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par le Juge d’instruction, à la suite de formalités dont je m’étais attaché à réduire la durée, mais qui n’en subsistaient pas moins, feront désormais l’objet d’un arrêté d’internement administratif pris par vos soins.
L’arrêté d’internement pris dans ces conditions a tous les effets attachés par la loi au mandat d’arrêt en ce qui concerne la recherche et l’arrestation des intéressés.
En revanche, il permet de conduire les intéressés directement aux centres d’hébergement que vous avez créés en vue de leur rassemblement et de leur départ immédiat pour l’Allemagne.
Vous n’aurez à déférer à la Justice les réfractaires que lorsqu’ils auront commis des crimes ou délits dont vous jugerez la répression indispensable par la voie judiciaire. Dans ce cas il vous sera facile de provoquer l’émission d’un mandat d’arrêt qui se substituera à l’arrêté d’internement.
Vous noterez tout particulièrement que l’arrêté d’internement pris en exécution de la loi sus-visée donne aux agents de la force publique chargés de leur exécution le droit de procéder en tous lieux, sans aucune restriction, à toutes perquisitions utiles en vue de la recherche et de l’arrestation des personnes qui en sont l’objet.
D’autre part, la loi donne aux Préfets le droit de prononcer une amende administrative de 10.000 à 100.000 frs contre tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, y compris les parents du réfractaire permettant aux assujettis au S.T.O. de se soustraire à cette obligation.
J’appelle votre attention sur l’importance de ces dispositions qui doivent vous permettre, dès réception de cette présente circulaire, d’entreprendre une action répressive particulièrement efficace.
En ce qui concerne les modalités d’exécution, en dehors du pouvoir qui vous est désormais réservé de prendre l’arrêté d’internement, rien n’est modifié aux dispositions de la circulaire précitée n° 2.688 du 6 juin, en ce qui concerne l’établissement des listes de réfractaires qui doivent être adressées à vous-même au lieu de l’être au Parquet.
La recommandation qui avait été donnée sur la vigilance avec laquelle doivent être confectionnées ces listes prend plus de valeur encore en raison du renforcement de la répression résultant de la loi nouvelle.
Les modalités administratives d’application et de perception des amendes seront déterminées par vous en accord avec le Service du Trésor chargé du recouvrement qui recevra toutes les instructions utiles de M. le Ministre Secrétaire d’Etat à l’Economie Nationale et aux Finances.
En raison de la gravité des sanctions prévues par la loi je compte sur votre sens critique et votre esprit de justice pour en faire une application qui soit conforme aux vues du Gouvernement, sans cependant en limiter l’application à la classe 1942, comme je vous l’avais prescrit par ma circulaire du 6 juin.
La loi doit s’appliquer à tous. Aucune défaillance n’est permise et, s’il est des cas délicats, vous aurez toujours la possibilité de me les signaler pour que je puisse vous donner mon avis sur la décision que vous devrez prendre.
PIERRE LAVAL
Copie transmise au Cabinet du Préfet
Pau, le 26 octobre 1943
Source: AD64 Cote 1031W189