Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau
GURS. Protestation de la hiérarchie catholique. Décembre 1940.
La hiérarchie catholique – le Cardinal Gerlier – envoie, en décembre 1940, son mandataire – Monseigneur Guerry – auprès des autorités de Vichy chargé d’une protestation contre les conditions de détention des internés juifs du camp de Gurs.
En décembre 1940, sous l’impulsion de l’Abbé Glasberg, le cardinal Gerlier, Archevêque de Lyon, envoya Mgr Guerry plaider auprès du gouvernement la cause des Israélites enfermés au camp de Gurs.
Monseigneur Guerry relate cette mission dans son livre « L’église catholique en France sous l’occupation ».
Le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, nous confia alors la mission d’aller porter au ministre de l’intérieur une ferme protestation contre la situation faite à des milliers d’Israélites, -20000- enfermés au camp de Gurs (Basses-Pyrénées) dans des conditions de dénuement, de promiscuité, de misère absolument lamentables. Le dossier constitué par Son Éminence avec des témoignages nombreux et directs, que lui avaient procuré des familles juives, et avec le concours dévoué de M. l’Abbé Glassberg, était accablant.
Nous ne pûmes rencontrer le ministre M. Peyrouton, retenu à l’heure de cette visite par le Conseil des Ministres. Nous fûmes reçus d’abord par son Chef de Cabinet, à qui nous avons fait la déclaration suivante :
« Ce n’est pas pour nous, gens d’église, que j’entreprends cette démarche au nom du Cardinal-Archevêque de Lyon : c’est pour des Israélites, victimes de mesures de violence.
« Nous venons d’abord, au nom de la justice, pour protester contre la violation des droits de la personne humaine et faire appel aux sentiments d’humanité, qui doivent animer le cœur des gouvernants. Or les conditions dans lesquelles 20000 juifs se trouvent entasser au camp de Gurs sont une violation flagrante des règles les plus élémentaires du droit humain. Nous en apportons les preuves indubitables dans ce rapport destiné à Monsieur le Ministre.
« Ai-je besoin d’ajouter que nous faisons complètement abstraction de l’aspect politique du problème et que nous ne sommes, nous Evêques, mûs que par un sentiment de charité chrétienne pour ces êtres humains qui souffrent, pour ces familles qui sont désespérés ?
« Enfin, nous sommes des Français, qui pensons à la France, à son prestige dans le monde, à sa dignité, à sa réputation. Ces Israélites emprisonnés appartiennent vraisemblablement à diverses nations. Des Faits comme cela, ne causeront-ils pas demain à la France, lorsqu’ils seront connus, un préjudice irréparable ? »
Le haut fonctionnaire m’écouta correctement et fit aussitôt appeler le médecin, chargé de l’inspections du camp. Le docteur X… accueilli aimablement mes observations, lut en ma présence le rapport ainsi qu’une lettre de Son Éminence, déclara que les faits étaient exacts. « J’ai pu constater moi-même l’état du camp dans la visite que je viens de faire, ajouta-t-il. Nous pouvons dire à notre décharge que ce camp ne relevait pas de nous jusqu’à une décision récente qui l’a rattaché au Ministère de l’Intérieur ». Le médecin me donna l’assurance que des ordres allaient être aussitôt envoyés pour l’amélioration du sort des prisonniers, notamment au point de vue de la nourriture, du logement, des couvertures, car le froid commençait à sévir durement dans les baraquements qui n’étaient que de sommaires abris.
Références bibliographiques.
Duquesne Jacques, Les catholiques français sous l’occupation, Grasset, Paris, 1966, 457 pages. Voir pages 142, 143.
Guerry Monseigneur, L’église catholique en France sous l’occupation, Flammarion 1947, Paris, 379 pages. Voir pages 38, 39.
Lubac Henri (de), Résistance chrétienne à l’antisémitisme. Souvenirs (1940–1944), Fayard, 1988. 270 pages. Voir page 184.