Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistances: LIBERATION ET RECONSTRUCTION. 71: L’ACTION DU CDL DES BASSES-PYRÉNÉES ET SES LIMITES.

L’ACTION DU C.D.L. DES BASSES-PYRÉNÉES ET SES LIMITES.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°71.

 

 

 

L’ACTION DU C.D.L. DES BASSES-PYRÉNÉES ET SES LIMITES.

           Enfant de la clandestinité et du Conseil National de la Résistance, le C.D.L. (Comité Départemental de Libération) des Basses-Pyrénées s’affirme dès les premières heures de la libération comme un élément clé de la reconstruction et de la future gestion de la région.

           Secondant le préfet, dirigeant les commissions spécialisées et les Comités Locaux de Libération (C.L.L.), cette assemblée d’anciens résistants rythme et structure pendant plusieurs mois la réorganisation du territoire, tout en assumant des missions particulièrement délicates comme l’épuration ou le ravitaillement.

           Ruinée et abandonnée, l’institution disparaît cependant en 1946 après un long déclin, mais après avoir remporté de nombreuses batailles sur les fronts de l’occupation, de la libération et de la reconstruction.

           En août 1944, le département des Basses-Pyrénées fête ses premières heures de liberté après quatre années d’occupation, de division et de souffrance. Symbole de cette période noire, les autorités civiles et militaires mises en place par le gouvernement de Vichy, sont les premières à connaître par leur destitution, la justice et les lois des vainqueurs. Pour remplacer ces fonctionnaires et ces élus, de nouvelles institutions, issues de la résistance et soutenues par les chefs de la France libre, prennent en charge, dès le départ des Allemands, la gestion du département. Toutefois, si le personnage clé de ce nouvel ordre reste le très puissant préfet de la République, ses fonctions et ses pouvoirs en font l’autorité centrale de la région. Une assemblée, elle aussi issu de l’armée de l’ombre, joue également un rôle très important dans cette renaissance et dans cette phase de reconstruction : le Comité Départemental de Libération (C.D.L.).

           Née dans la clandestinité en 1943, d’un projet du C.N.R. (Conseil National de la Résistance) de rassemblement des forces de la résistance, cette institution départementale connaît avec la libération une véritable seconde naissance qui la fait s’affirmer et se positionner comme l’un des piliers de l’autorité civile et du nouvel ordre d’après-guerre. Toutefois, comprendre cette place dans les sociétés basques et béarnaises, mais aussi cette progression, nécessite avant tout de s’interroger sur les forces et les atouts de ce comité.

           Clé de sa réussite, fondement de son ascension, l’organisation et la composition de cette assemblée sont sûrement les deux facteurs qui aident le plus le C.D.L. des Basses-Pyrénées dans la réalisation, mais aussi l’acceptation de ses périlleuses politiques. A la base de cette structure, nous pouvons tout d’abord évoquer l’importance des principes fondateurs imposés par le C.N.R. Cherchant à élaborer un organisme susceptible de rassembler toutes les forces d’opposition à l’occupant, cette haute instance insuffle dès sa création à son projet, un fort esprit démocratique et républicain. Ainsi, lorsqu’apparaissent les premières assemblées, on constate que les différentes tendances politiques, syndicales, religieuses, mais aussi militaires et professionnelles occupent une place égale pour donner à cette autorité un caractère représentatif de la société française. Y siègent notamment d’anciens résistants socialistes ou radicaux, des fonctionnaires et des professions libérales, des membres du Front national, de la C.G.T., mais aussi des apolitiques ou des indépendants (anciens prisonniers de guerre ou militantes de l’Union des femmes françaises), une délégation spéciale de Bayonne participant par ailleurs aux débats du comité (en particulier lors d’affaires basques et de problèmes locaux, le département retrouvant à la libération son caractère bicéphale).

           Malgré quelques «dérapages» ou abus, en particulier dans la période de clandestinité (accaparement partiel des socialistes), ou par la suite avec la sous-représentation de certaines catégories socioprofessionnelles (ouvriers, jeunes), cette qualité reste ainsi une grande force jusqu’à la disparition du C.D.L., mais aussi une caractéristique qui permet de rassembler l’ensemble des populations.

           Cependant, au-delà du choix politique de ses membres, le comité est avant tout une formidable «machine» de gouvernement et de gestion. Divisés en quatre groupes à la libération (un noyau actif avec les principaux responsables de la résistance départementale, un groupe de représentants d’arrondissements et de cantons, une délégation bayonnaise, un ensemble d’organisations diverses : victimes de guerre, prisonniers, union des femmes, union des juifs…), ces trente-huit volontaires prouvent durant toute la période d’activités du C.D.L., l’importance de leurs actions, mais aussi et surtout la qualité de leurs méthodes et de leur organisation. Ce dernier facteur, essentiel à la réussite du comité, repose avant tout sur une très efficace répartition des tâches. Au sommet de la structure, un organisme de direction, nommé Noyau Actif (N.A.) et composé dans sa version définitive de cinq membres (Bordelongue, Champetier de Ribes, Darbonnens, Baradat et Lembeye) supervise et planifie l’activité de l’institution. Véritable tête pensante et bureau centralisateur, cet organe dispose pour réaliser ses choix stratégiques et ses politiques, de nombreux moyens pratiques et variés. Le plus efficace et le plus sollicité de ces systèmes est sûrement celui des commissions.

           Issus de la période clandestine et de la résistance, ces petits groupes de travail constituent grâce à leur spécialisation, leur rapidité d’action et leur « maniabilité », de formidables outils. Pratiques, ils donnent ainsi au C.D.L. un aspect plus concret et plus humain. A la fin de la guerre, cinq sont déjà en place : commissions insurrectionnelles, politiques, presse, action sociale et hygiène, ravitaillement et organisation sociale. En plus des deux qui ne sont constitués à temps (comités locaux et milices patriotiques), le comité en crée de nouvelles en fonction de ses besoins et des lacunes du moment. Ainsi, peu de temps après le départ des Allemands, des commissions d’épuration, d’enseignement, d’information, d’agriculture, etc. se constituent. Siégeant en permanence, ces groupes de quatre ou cinq spécialistes, réfléchissent et travaillent sur des questions mises à l’étude par un président (nommé par le C.D.L.), qui doit par la suite présenter en séance plénière, une synthèse des résultats obtenus. Après avoir écouté les arguments des commissions, l’assemblée choisit en dernier lieu, par vote et à la majorité des présents, la solution la plus adaptée aux problèmes, puis décide de débloquer des crédits nécessaires à la mise en place d’actions concrètes pour y remédier. Très fréquentes à la Libération, ces séances deviennent par la suite hebdomadaires puis bimensuelles. Vingt-cinq réunions sont ainsi au total recensées dans la vie du C.D.L. des Basses-Pyrénées.

           Au-delà de ces commissions, le comité départemental de libération dispose également pour appliquer ses directives ou pour asseoir son contrôle du département, de l’action des C.L.L. : Comités Locaux de Libération. Crées au niveau national en mars 1944 par le C.N.R. (d’après une idée du Front National) sur le modèle des comités départementaux, ces organes locaux n’apparaissent dans notre région qu’assez tardivement (le 12 août 1944, les membres du C.D.L. discutent encore de leur mise en place). Pourtant, avant cette date et sous le titre de Comités Locaux de Résistance (C.L.R.), des organisations similaires, avec les mêmes fonctions et les mêmes pouvoirs, travaillent déjà pour le noyau actif clandestin. Localisés dans les principales villes du département (Nay, Oloron, Orthez, Mauléon…), ces postes d’espionnage locaux collectent, centralisent puis transmettent vers le C.D.L. les renseignements recueillis dans tous les cantons par les résistants. Cependant, à l’approche de la libération, le C.N.R. impose aux autorités des Basses-Pyrénées de transformer ces C.L.R., sans pour autant modifier leurs fonctions ni leurs pouvoirs, en C.L.L. suivant ses consignes et ses modalités. Dans chaque zone, ce sont les délégués communaux de la résistance qui sont ainsi chargés des transformations de ces nouvelles assemblées en veillant, suivant les principes du haut conseil, à respecter les proportions et les tendances politiques, militaires et professionnelles de la région. Délicate au départ, cette installation finit par se généraliser et se développer dans tout le département. Quelques deux cents C.L.L. sont ainsi recensés début novembre 1944.

           Pourtant, malgré l’action de ces différents organes (plusieurs autres groupes de travail seconde l’institution centrale), sur le terrain ou dans la préfecture, le C.D.L. connaît après quelques semaines d’existence légale d’importantes difficultés de fonctionnement. Si les plus délicates et les plus visibles sont surtout liées à l’urgence ou à la complexité de certaines missions (épuration, ravitaillement), une question  particulière   inquiète   et  handicape   l’ensemble   du  comité :   celle   du financement.

           Lorsque le C.N.R. conçoit les C.D.L., il omet, en effet, sciemment ou pas, de doter cette assemblée d’un budget lui permettant d’assurer ses frais de fonctionnement. Provisoirement réglée à la libération avec l’octroi d’une subvention exceptionnelle par le préfet, cette lacune revient, peu de temps après, paralyser la gestion du département en octobre 1944, empêchant par la même la rémunération du personnel du comité et le remboursement des frais des différents membres. Récurrents et de plus en plus importants, malgré quelques crédits sporadiques et insuffisants, ces problèmes financiers constituent fin 1944 le principal frein et la première menace du C.D.L. des Basses-Pyrénées.

           Sans solutions, ni soutien dans ce domaine, l’institution locale finit après des mois de « lutte », en février 1946, par cesser son activité, les « combats » à mener étant impossibles sans fonds.

           Très actifs aux premières heures de la Libération, les volontaires de l’armée de l’ombre ont assuré après-guerre un important travail au niveau du ravitaillement et de l’épuration,  qu’elle soit économique, morale, administrative ou militaire. A travers cette dernière bataille et cette action au sein du C.D.L., les résistants prouvent donc qu’il ne suffit pas de combattre l’ennemi pour retrouver sa liberté et l’union.

           Partant d’un rêve patriotique de reconstruction et de renaissance d’une société meilleure, plus soudée et plus pacifique, ces anciens combattants ne connaissent que des déceptions et des « trahisons » de leurs instances supérieures et des opinions publiques, trop pressées d’oublier.

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