Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistances: LIBERATION ET RECONSTRUCTION. 69: LE COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION DES BASSES-PYRÉNÉES. GENÈSE ET CLANDESTINITÉ

LE COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION (C.D.L.) DES BASSES-PYRÉNÉES. GENÈSE ET CLANDESTINITÉ.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°69.

 

 

 

 

LE COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION (C.D.L.) DES BASSES-PYRÉNÉES. GENÈSE ET CLANDESTINITÉ.

           Si pour beaucoup de personnes, l’histoire du C.D.L. commence à la Libération avec son entrée en action publique, la véritable origine de ce comité remonte à l’occupation et aux années noires de la clandestinité. Enfant du Conseil National de la Résistance, cette institution est, dès sa création en 1943, présentée comme le futur cadre, à l’échelle des départements, de la reconstruction du territoire.

           Pourtant, malgré l’importance des moyens mis en place et la bonne organisation de cette structure dans les Basses-Pyrénées, la phase de construction et d’affirmation connaît de nombreux problèmes, notamment à cause de tensions internes et de choix contestables.

           Ainsi, organe clé de la Libération, le C.D.L. clandestin se présente lors de cette période cruciale, comme une institution à la fois puissante et centrale, mais aussi fragile et contestée.

           Comprendre et apprécier l’importance ou le rôle du Comité Départemental de Libération (C.D.L.) dans la vie des Basques et des Béarnais, nécessitent de remonter aux origines de cette institution, c’est-à-dire à la période de l’Occupation et de la clandestinité qui vit sa naissance.

           Début 1943, le Conseil National de la Résistance (C.N.R.), organe majeur de l’armée de l’ombre, envisage de rassembler toutes les forces qui luttent sur le sol de France contre l’occupant nazi. Pour concrétiser ce projet, il crée sur son propre modèle des institutions locales, représentatives de toutes les tendances politiques et de tous les mouvements clandestins, unissant ainsi tous les combattants : les Comités Départementaux de Libération.

           Structurés et organisés au niveau national par Closw, alors président de la commission des C.D.L., ces nouveaux organes sont chargés dès l’été 1943 de préparer la période d’insurrection tout en assurant un contrôle strict et permanent des actions terroristes ou civiles menées par la résistance. Cependant, si ces organes très puissants dès cette époque, pèsent déjà considérablement sur l’organisation de la région, ce n’est en réalité qu’une partie de ces derniers, les Noyaux Actifs (là aussi copiés sur le bureau permanent du C.N.R.), qui dirige concrètement toutes les opérations lancées contre l’ennemi par la résistance.

           Institutions clandestines, essentiellement militaires, les comités connaissent une profonde mutation durant l’année 1944 avec l’ordonnance du 21 avril. Publiée au Journal Officiel de la République française, cette loi reconnaît l’existence légale des C.D.L. ainsi que leur première mission : « l’organisation des pouvoirs publics en France après la Libération ».  Cependant, derrière ce grand principe, se cachent également plusieurs taches réunies dans un vaste programme d’action. Ce dernier s’articule principalement autour de trois étapes (périodes clandestine, insurrectionnelle, « d’affirmation »2) et de trois types d’intervention : gestion des opérations terroristes (action immédiate) dans la clandestinité, assistance aux nouvelles autorités dans leurs installations, puis dans leurs travaux lors de la reconstruction.

           Toutefois, de la conception théorique en Afrique du Nord ou en Angleterre, à la réalisation concrète en territoire occupé, l’écart est important et entraîne des difficultés qui peuvent paralyser les organismes. Ainsi, l’exemple du département des Basses-Pyrénées reste particulièrement significatif de ce décalage et des problèmes de mise en place des C.D.L..

           En novembre 1943 (période supposée de la naissance de l’institution), après quelques semaines de travail, l’organe de libération de notre région connaît en effet de nombreux troubles liés à son originalité et aux luttes d’influences entre mouvements de résistance.

           Si les instructions du C.N.R. pour la constitution des comités imposent une participation proportionnelle et représentative des membres des partis politiques, en Béarn et au Pays basque, nous pouvons constater que le C.D.L. n’est composé que de socialistes. Justifiée dans un premier temps par une attitude isolationniste de ces hommes politiques, cette main-mise de l’assemblée apparaît rapidement comme une appropriation stratégique, préparée par les Mouvements Unis de Résistance (organe à forte étiquette socialiste), pour «contrôler» cette puissante institution. Toutefois, s’opposant à cette pression et à celle des autres partis ou mouvements de résistants ayant perçu tout l’intérêt de maîtriser ou du moins de participer à cette construction des comités, le C.D.L. clandestin des Basses-Pyrénées réussit à s’affirmer comme un organisme officiel et indépendant.

           Les premières missions qui lui sont confiées consistent principalement à gérer et coordonner à l’échelle du département toutes les actions, concrètes ou symboliques, militaires ou civiles, lancées par l’armée de l’ombre tout en préparant théoriquement les phases d’insurrection et de prise du pouvoir. Essentielle et décisive, cette tache prévisionnelle devient rapidement l’objectif premier des membres du C.D.L. qui y consacrent l’un de leurs organes centraux : le Noyau Actif (N.A.). Spécialisé dans la préparation de l’insurrection politique et dans le noyautage des administrations et des services publics, ce véritable cerveau du C.D.L. regroupe en son sein de grands résistants (souvent des leaders charismatiques) qui deviennent à la libération les nouveaux garants de l’autorité. Cependant, les missions confiées étant considérables, ce N.A. est obligé (malgré ses compétences) de partager ses responsabilités et ses prérogatives avec un comité restreint, mais surtout avec plusieurs commissions, composées de «techniciens» et présidées (ou contrôlées) par des membres du C.D.L. clandestin. Véritables groupes de travail, autonomes et spécialisés dans les problèmes particuliers de l’époque (milices patriotiques, répression, police, presse, propagande, ravitaillement, santé…) ces mini-assemblées constituent les bras et les symboles de l’action concrète des nouvelles institutions.

           Pourtant malgré cette apparente stabilité et cette rigoureuse organisation, le C.D.L. clandestin connaît à plusieurs reprises de graves crises qui paralysent son action et ralentissent sa préparation du jour J. L’une des plus importantes reste sans nul doute celle de l’affaire de la milice dOloron. Dans un climat de tension lié à la prédominance des MUR (Mouvements Unis de Résistance) et des socialistes dans l’assemblée, la révélation de cette polémique, basée sur un accord passé entre des responsables du C.D.L. et de la milice, crée une telle onde de choc dans le monde de l’armée de l’ombre, qu’elle en désorganise complètement toute la structure, en cette période cruciale de veille de libération (12 juin 1944). Déstabilisée après la «démission» forcée de ses principaux responsables, la résistance se retrouve ainsi du jour au lendemain dénuée de toute autorité civile et militaire sûre.

           Handicapée par ces mouvements et les tensions au sommet de sa hiérarchie, le comité fonctionne au ralenti pendant plus d’un mois, prenant ainsi un retard considérable en vue de l’organisation de l’insurrection. Celle-ci est malgré tout relancée à temps par les nouveaux chefs locaux du C.D.L. (Honoré Baradat remplace Ambroise Bordelongue après son éviction), mais surtout par l’adoption le 18 juillet d’un règlement intérieur. Ce dernier résout en priorité le problème de la composition de l’assemblée mais confirme l’importance des socialistes. Il s’attache également à mettre en pratique les « critères d’identité » fixés par le C.N.R., principalement au niveau de la préparation des actions, de la représentativité du C.D.L. et de l’affirmation de la souveraineté nationale. Enfin, il précise les caractères des mandats (durées, limites et objectifs), mais aussi les méthodes de travail (spécialisation des commissions, centralisation des décisions et des informations au niveau du Noyau Actif).

           Malgré ces efforts et cette nouvelle organisation, le C.D.L. clandestin atteint le décisif mois d’août 1944 avec une préparation incomplète. Plusieurs commissions sont en effet encore en cours de formation alors que les tensions politiques divisent toujours autant les résistants de l’assemblée.

           Colosse au pied d’argile, le Comité départemental de libération a donc eu, dans cette période de clandestinité et d’affirmation, à l’image des derniers mois d’occupation, d’importantes difficultés pour s’imposer en tant qu’organisme centralisateur des forces  de résistance,  mais  aussi  en tant  que représentant de la haute autorité du C.N.R..

 

 

1 Ader C. et Naprous B. Le Comité Départemental de Libération des Basses Pyrénées, 1944-1945. Pau, UPPA, TER, 1974-1975, 212 p.

2  Idem

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