Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistances C.F.P. 62: LE C.F.P. HARCELÉ DANS LE VIC-BILH (JUIILLET 1944).

 

LE C.F.P. HARCELÉ DANS LE VIC-BILH (JUIILLET 1944).

 

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°62.

 

 

 

 

LE C.F.P. HARCELÉ DANS LE VIC-BILH (JUIILLET 1944).

          Après avoir connu une phase de mobilisation et de préparation des premières opérations globalement réussie, les volontaires du Corps franc Pommiès dans les Basses-Pyrénées s’apprêtent en juillet 1944 à élargir et à accentuer leurs actions. Cependant, face au manque de moyens et aux réactions de l’occupant, les résistants doivent limiter leurs opérations, tout en subissant les arrestations et en essayant de survivre dans un contexte particulièrement hostile.

          Comprendre cette période charnière et décisive pour ce mouvement, nécessite de procéder à un examen approfondi et local des conditions de vie dans quelques maquis, tout en détaillant des exemples d’actions nazies contre ces derniers. En étudiant trois opérations de contre-guérilla allemandes qui se sont déroulées dans le Vic-Bilh et dans le Morlannais, à Lespielle, Higuère-Souye et Monassut, nous pouvons donc essayer d’apprécier les problèmes et les doutes que rencontrent les hommes de la brigade Bénony, mais aussi leurs craintes et leurs réactions face aux menaces ennemies.

          S’étant, dans une première phase, mobilisé ses forces et engagé dans quelques opérations de destruction, principalement le long des axes de communication, le Corps franc Pommiès subit dans un second temps une série de revers qui remet en cause son existence en tant que corps d’armée à mobilisation permanente. Ainsi, après le 23 juin 1944, date officielle de fin de la première phase, de nombreuses troupes (plus de 50% de l’effectif total) sont démobilisées à cause de la faiblesse de leur armement ou par manque de préparation et de motivation.

          A la fin du mois de juin 1944, la situation devient telle, que les priorités des maquis ne sont plus d’ordre stratégique, mais sécuritaire, les opérations de contre-guérilla et les arrestations de la Gestapo entraînant toujours plus de pertes à chaque intervention.

          Pourtant, malgré ces difficultés, l’état-major lance la deuxième partie de son plan. Celle-ci vise tout d’abord à créer de nouvelles unités : des brigades. Regroupant plusieurs bataillons, ces dernières ont pour objectif, à plus ou moins long terme, de gagner et constituer les maquis mobilisateurs qui seront censés par la suite attirer loin des fronts alliés un maximum de troupes allemandes.

           Dans notre région, la brigade Niort (Bénony) est créée à partir de la fusion des bataillons des Hautes-Pyrénées et des Basses-Pyrénées (groupement Sud-Ouest). Elle a pour principale mission d’obliger l’ennemi à maintenir ses éléments concentrés et à n’effectuer de déplacements qu’au moyen de colonnes importantes, tout en isolant les plus grandes garnisons de la région (Pau, Orthez et Oloron). Cependant, au-delà de ces nouvelles dispositions, une division plus pratique du département en deux grandes zones réorganise l’action du C.F.P. La première, commandée par Maupéou (ancien chef du bataillon des Hautes-Pyrénées), comprend toute la zone située au nord et au nord-est de Pau, La seconde, au sud-ouest de la préfecture, est tenue par le bataillon de Carrère, le responsable de tout le département restant M Bénony (Niort) dont le PC (Poste de commandement) est installé à Momy, dans le Vic-Bilh, au nord-est de Pau.

          Toutefois, si l’ensemble de ces nouvelles mesures augure de visées offensives, dans la réalité et sur le terrain, le C.F.P. est contraint de gérer une forte pression ennemie et d’adopter des dispositions plutôt défensives. Illustration type de ce paradoxe, l’encerclement du P.C. de brigade le 10 juillet 1944 montre bien dans quel climat de peur ces hommes doivent vivre.

          Ce drame se déroule à Higuères-Souye où Bénony installe son P.C. avec quarante chasseurs, Momy étant à son avis trop éloigné de la zone de Carrère. Suivant les conseils du maire du village et malgré la présence peu discrète quelques jours auparavant d’autres maquisards, le poste de commandement, sans son chef parti auprès de Pommiès, s’installe le 9 juillet dans une maison isolée au milieu un bois. Le lendemain, sûrement après une dénonciation, un important détachement allemand, puissamment armé, bloque les principaux axes routiers (D 43 Barinque-Souye- Saint-Jammes et D 222 Barinque-Bernadets-Morlàas), isole la région et progresse vers le groupe de résistants.

          Alertés par les bruits des moteurs, les maquisards essayent avec des fortunes diverses, en petits groupes, de passer au travers des mailles du filet. Ayant donné l’ordre de dispersion dans la précipitation, l’adjoint de Bénony (le capitaine Naud) ne peut toutefois qu’indiquer à ses hommes un point de ralliement à plus de dix kilomètres de là, dans les plaines du Pont-Long, puis dans le bois d’Abère (plus proche), la fuite restant pour ces clandestins la seule solution et l’unique chance de salut.

          Plusieurs d’entre eux réussissent à passer en se faufilant dans les champs et en traversant rapidement les routes sous les tirs ennemis. D’autres, avec moins de succès, tentent de forcer le rideau allemand. Certains, enfin, préfèrent se terrer et se cacher sur place en attendant la fin de l’opération, quelques-uns se déguisant en bûcherons (c’est notamment le cas des chasseurs Dejoie et Ordis) ou en fermiers (M. Guillaume attelle deux bœufs qu’il trouve dans une grange et les fait sortir, un chapeau de paille sur la tête pour imiter un bouvier). La population locale participe activement et avec une importante prise de risque à ce «sauvetage». Par exemple, M. Lenz-Majesté, trouvant le chasseur Fourcade qui fait mine de garder un troupeau de vaches, l’emmène dans sa maison et le fait passer auprès des Allemands pour un membre de la famille.

          Cependant, beaucoup n’ont pas cette chance. Préférant se battre plutôt que de se rendre, cinq sont tués les armes à la main, le plus jeune ayant seize ans, le plus âgé cinquante-trois (Henri Ziegler). De même, douze hommes sont faits prisonniers et sont regroupés à un carrefour de Saint-Jammes où ils sont embarqués dans des camions qui les emmènent à Pau.

           En chemin, dans un lacet de la côte de Morlàas, le chasseur Albert tente sa chance et saute du camion. Vite rattrapé, il est ramené aux véhicules après avoir été brutalisé. Cependant, son geste entraîne surtout la furie du chef du convoi qui, sous la colère, ordonne en représailles d’abattre dans une carrière toute proche dix prisonniers, épargnant seulement deux hommes qui sont par la suite libérés. Les cadavres sont retrouvés le lendemain par un voisin et emmenés à l’église de Morlàas où la population leur rendra un dernier hommage.

          Au soir du 10 juillet, le bilan de cette journée est donc très lourd puisque sur quarante-deux chasseurs, seulement vingt-sept échappent à l’ennemi. Cette opération n’est pourtant pas isolée puisque quelques temps plus tôt, le 8 juillet, une section (Navarro) du bataillon Maupéou, toujours dans cette région du Vic-Bilh, est elle aussi attaquée.

          Cachée dans une ferme abandonnée du village de Lespielle (à l’ouest de Lembeye), une vingtaine d’hommes, avec leur chef (Navarro), entendent en pleine nuit plusieurs bruits de moteurs se rapprocher de leur position. En alerte, les chasseurs décident d’attendre l’aube pour abandonner le lieu. Ce choix est cependant exécuté d’une manière rapide suite à la venue du maire du village qui avertit les hommes du C.F.P. de l’attaque allemande.

          Groupée, la section se faufile de haies en champs et de fossés en fermes jusqu’à une maison plus sûre et éloignée de la zone d’offensive. Tournant un peu en rond toute la journée, évitant à plusieurs reprises les Allemands, le chef Navarro réussit ainsi à sortir ses hommes du piège ennemi, ces derniers ayant pourtant massé de très importantes forces pour cette opération (plusieurs centaines d’hommes).

          Annonçant les événements d’Higuère Souye, cette attaque des Allemands n’est pourtant pas la dernière dans le secteur. Trois jours après l’assaut contre le P.C. de brigade, le 13 juillet, un violent affrontement, celui-là fortuit, se déroule à Monassut à quelques kilomètres de là.

          Le 12 juillet, des hommes de la compagnie Dupont reçoivent l’ordre d’aller réceptionner un parachutage dans la région de Sedzere. Dirigé par l’adjudant Sarrazin, un convoi de trois camions (soit deux sections) et deux voitures légères, précédé par un groupe d’une vingtaine de cyclistes et d’une autre voiture légère (dans laquelle se trouve le gradé), part le 13 de Lalongue, à quelques kilomètres du P.C., en passant par les routes secondaires pour atteindre le secteur de la zone de largage.

          Si le trajet s’effectue sans problèmes jusqu’à Monassut, à la sortie de ce village, au croisement des routes D 943 (Axe Lembeye-Pau) et D 211, au niveau du cimetière, un camion tombe en panne alors que le groupe de cyclistes et la voiture de tête sont passés. Comble de mal chance, un important convoi allemand, fortement armé arrive sur cet axe à ce moment précis. Le changement de direction ou le franchissement du carrefour par les camions de la résistance étant alors impossible, ces derniers se préparent à l’affrontement.

        Après avoir mis en batterie deux mitrailleuses de part et d’autre du carrefour, le chef Sarrazin dispose le reste des hommes qui n’ont pas franchi la route pour le combat. Cependant, le groupe ennemi étant composé de plus de cinquante camions appuyés par deux automitrailleuses, les résistants ne peuvent tenir que peu de temps un échange de tirs aussi inégal. Les premières salves atteignent pourtant les camions de tête qui sont ainsi immobilisés. Toutefois, l’entrée en action des deux véhicules blindés allemands oblige rapidement les hommes du C.F.P. à battre en retraite, laissant sur le terrain plus de douze morts. Deux sont tués les armes à la main, huit lors du décrochage, deux sont blessés, capturés et torturés avant d’être abattus. Le reste du détachement parvient malgré tout à s’enfuir, les blessés étant dirigés vers Morlàas et Pau.

          Traumatisant pour de nombreux rescapés, ces combats restent pour ces sections comme pour l’ensemble des résistants de la région, l’une des plus douloureuses épreuves de la période, les pertes humaines associées au choc psychologique de telles défaites semant le doute et la peur chez beaucoup de ces patriotes.

          Nous avons donc vu à travers ces trois exemples d’affrontements dans cette zone du Vic-Bilh et du Morlannais, trois illustrations de ce qu’est la réaction allemande après la mobilisation et les premières actions du C.F.P.

          Reflétant parfaitement la période noire que vit l’ensemble du Corps franc Pommiès dans tout le Sud-Ouest (et plus largement l’ensemble des résistants de France) après le débarquement et l’entrée en action de ces hommes de l’ombre, ces opérations de contre-guérilla en Béarn traduisent l’efficacité stratégique, mais aussi les limites des différentes actions de harcèlement menées par la Résistance.

 

 

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