Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance spirituelle 51: les œuvres (O.N.G.) au camp de Gurs.

vue-camp

 

LES « ŒUVRES » (O.N.G.) PRÉSENTES AU CAMP DE GURS.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°51.

 

 

Il n’est pas indispensable d’avoir un fusil à la main pour réaliser un acte de résistance dans les Basses-Pyrénées. N’acceptant pas la misère et l’ordre allemand, de nombreux volontaires choisissent ainsi comme forme de lutte, l’action «humanitaire» et l’aide pacifique aux internés des camps de concentration.

Dans notre région, les « œuvres philanthropiques » (O.N.G.) présentes dans le camp de Gurs, qu’il s’agisse du Secours protestant, du Secours quaker, du CAR (Comité d’Assistance aux Réfugiés) ou de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France), peuvent donc être considérées comme autant d’organisations de résistance symboliques et non violentes.

S’il est possible de percevoir l’histoire de la résistance comme une succession d’actions violentes, à caractère militaire, il est également envisageable qu’elle puisse être évoquée par une action plus symbolique, plus spirituelle, basée sur un refus des discriminations et de la misère imposée par l’occupant à quelques catégories de population. Ainsi, nous pouvons considérer que toute personne qui s’oppose durant la Seconde guerre mondiale aux persécutions allemandes est un résistant. Illustrations parfaites de cette forme d’engagement, les personnes travaillant dans les camps d’internement comme Gurs ( à quarante kilomètres à l’ouest de Pau) pour atténuer les souffrances et améliorer les conditions de vie des prisonniers, sont autant de combattants méconnus, pourtant dévoués à leur cause.

Il est donc intéressant d’examiner de quelles manières les organismes, dans le cadre desquels beaucoup d’entre eux travaillent, exercent une action à l’intérieur de ce centre. Nous allons donc nous arrêter sur l’histoire des œuvres dans le camp de Gurs, sur leur résistance et leur refus de la misère.

Antichambre de l’enfer, le camp de Gurs, par ses conditions d’internement, par son isolement et le contexte général de l’occupation, représente pour les internés un véritable camp de concentration. Manquant de tout, les populations présentes durant la Seconde guerre mondiale auraient donc sans doute eu beaucoup de mal à survivre sans l’action « humanitaire » des différentes O.N.G..

Représentées par quelques personnages charismatiques agissant généralement dans le cadre d’associations religieuses ou internationales, ces structures ont apporté aux internés durant toute la guerre une aide matérielle, spirituelle et administrative (fiche 52) souvent décisive. Toutefois, tenter de les  tenter de les répertorier s’avère une tâche  considérable. Il apparaît donc plus pratique et intéressant d’évoquer l’action des principales ou des plus illustres œuvres, en essayant de les différencier suivant leurs origines confessionnelles et leurs types d’action.

Premier installé, le Secours protestant est l’une des œuvres les plus actives et les plus proches des prisonniers.

Dès décembre 1940, c’est par l’engagement du pasteur oloronais Henri Cadier (fiches 43 et 47) que cet organisme obtient l’autorisation de pénétrer dans le camp pour aider les différents nécessiteux. Cependant, le véritable élan créateur et innovant de ce groupe très influent, naît lors de l’association en 1940 de cet homme de foi et d’une autre grande figure des ONG gursiennes, Madeleine Barot (fiches 47 et 54), alors secrétaire générale du CIMADE (Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués).

Avec un simple rôle d’assistante du pasteur Cadier, Madeleine Barot devient rapidement un des piliers de l’aide humanitaire dans le camp. Présente sur place jusqu’en 1941, elle parvient par ailleurs à faire perdurer son action en s’entourant de personnes et d’adjointes de qualité comme Jeanne Merle d’Aubigné (fiche 53), qui perpétue son œuvre, ou d’autres grands volontaires comme France Perrier, Jeanne Tendil, les pasteurs Pierre Toureille, Jacques Rennes et André Morel (fiche 53). Cependant, l’action de Cadier et Madeleine Barot servant d’exemple, beaucoup d’autres œuvres s’investissent à l’intérieur du camp en 1940 et 1941.

C’est dans un premier temps le cas du Secours suisse dirigé par l’emblématique infirmière Elsbeth Kasser. Cette dernière réussit elle aussi à obtenir une baraque et l’entrée d’autres infirmières dans le camp. Peu après, c’est l’American friends service committee, plus connu sous le nom de Secours quaker, qui fait son entrée à Gurs. Décisive par sa puissance financière et logistique, cette œuvre, représentée par Helga Holbeck et Alice Resch (fiche 53), permet à de nombreux internés de survivre aux pénuries alimentaires par des distributions massives de nourriture (fiche 52). A noter également la présence et la brève action du Service social d’aide aux émigrants à partir de février 1941, dirigé par Ninon Heidt et Elisabeth Hirsch.

Cependant, dans ce cas-là, comme dans beaucoup d’autres précédemment évoqués, les rapports de force avec l’administration (notamment avec le chef du camp) font que l’action humanitaire est généralement soit bloquée, soit ralentie. Les tensions maximales aboutissent par la suite à l’expulsion de l’association.

Si une grande partie des actions semble donc être le fait d’œuvres protestantes (fiche 47), des associations d’autres confessions jouent également un rôle notable dans le camp. Les premières concernées sont sans doute les œuvres juives (fiche 48).

En apparence discrètes, elles travaillent au travers du CAR (Comité d’Assistance aux Réfugiés), des comités de parrainage qui font parvenir au rabbin Max Ansbacher les différents dons et aides, et de l’UGIF (Union Générale des Israélites Français) qui regroupe les différentes associations en novembre 1941. Durant cette même année, plusieurs autres œuvres juives s’implantent également dans le camp. Il s’agit principalement d’organisations spirituelles spécialisées, avec des objectifs bien précis et bien définis : il s’agit de l’OSE (Organisation de Secours aux Enfants) (fiche 50) animée par Ruth Lambert et de l’O.R.T. (Organisation Reconstruction Travail), pour les plus importants.

Reste, en dernier lieu, les associations catholiques (fiche 47) ou sans engagement religieux (fiche 49). C’est le cas de la Croix-Rouge française, du Secours National (même si ce dernier n’a qu’une action limitée) ou de l’association Amitié-chrétienne de l’abbé Glasberg (fiche 43) qui intervient de manière très concrète auprès des internés.

Il est également fréquent de trouver des formes de partenariat, d’entraide entre œuvres. L’exemple du CAR qui passe un « contrat d’association »¹ avec les Quakers et l’American  Joint Distribution Committee reste particulièrement significatif (chaque groupe met en effet en avant et en commun ses points forts).

Nous pouvons donc trouver dans le camp de Gurs plus d’une dizaine d’O.N.G., avec pour lien principal le C.C.A. (Comité de Coordination pour l’Assistance) qui joue un rôle important au niveau de la gestion et de l’action caritative (fiche 52).

Ainsi, à partir de leurs activités en faveur des populations persécutées par les Allemands, nous pouvons considérer que toutes les personnes qui travaillent dans ces œuvres ont un rôle et un statut de résistant. Leurs refus des privations et leurs condamnations des déportations associés à de fortes convictions religieuses, font donc de ces simples associations caritatives de véritables groupes d’opposition.

1  Laharie Claude. Le camp de Gurs, Biarritz, J&D éditions, 1985, 397 p.

 

Désolé, les commentaires sont fermés pour cet article.