Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.42: KEPA ORDOKI.

KEPA ORDOKI:FIGURE EMBLÉMATIQUE DE LA RÉSISTANCE BASQUE.

 

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°42.

 

 

 

KEPA ORDOKI:FIGURE EMBLÉMATIQUE DE LA RÉSISTANCE BASQUE.

          Ancien officier républicain pendant la guerre civile, puis engagé volontaire dans la Résistance française, Kepa Ordoki est le symbole de l’épopée des combattants basques aux côtés des alliés.

           Fervent défenseur des idéaux républicains et démocratiques, résistant dans l’âme, redoutable guerrier et chef charismatique, il incarne durant la guerre civile espagnole, mais surtout durant la Seconde guerre mondiale, un modèle de bravoure, de courage et de sacrifice pour le peuple basque et pour tous les opposants à l’ordre totalitaire. Se dressant contre toutes les  formes de fascisme, les armes à la main le plus souvent, il a su, en meneur d’hommes, entraîner derrière lui des centaines de volontaires sur les fronts de Biscaye et du Médoc, dans les combats pour la liberté.

            Pourtant, ce modeste maçon, né en 1913 à Irun, n’a rien avant-guerre d’un brillant leader. Membre du mouvement Action Nationaliste Basque (A.N.V.), petit parti a-confessionnel et républicain de gauche créé en 1930, et du syndicat E.L.A. (Solidarité de travailleurs basques), Kepa s’engage, dès l’été 1936, conscient du danger de la situation, dans l’armée basque contre la rébellion des troupes du général Franco. Nommé sergent au bataillon Saseta en octobre, il monte rapidement en grade. Fin décembre 1936, il est nommé capitaine  du bataillon San Andrès, avant de commander l’ensemble de cette unité lors des combats qui précèdent la chute de Bilbao, le 19 juin 1937. Vaincu, il est fait prisonnier, comme beaucoup de soldats basques, dans les prisons de Santona, Larrinaga (Bilbao) et Burgos. Cependant, il réussit à s’évader et  gagne la frontière franco-espagnole qu’il traverse à Biriatou.

            Malheureusement, son sort, comme celui de ses compatriotes, n’est guère plus enviable en France qu’en Espagne : il est de nouveau enfermé dans un camp, à Gurs, dans les Basses-Pyrénées. Il s’en évade et s’enfuit vers la Bigorre où il se fait engager comme travailleur volontaire à l’arsenal de Lannemezan. Peu de temps après, la défaite de juin 1940 et  l’occupation de son pays d’accueil font naître chez lui un profond désir de lutte et de résistance dans la clandestinité.

            Opposant de la « première heure » aux nazis, il commence à travailler pour l’armée de l’ombre dès l’hiver 1940. Avec quelques camarades, il se spécialise dans le renseignement et commet quelques sabotages contre des installations ennemies ou collaborationnistes, le plus spectaculaire étant sûrement celui qui détruit en partie la centrale électrique de St Lary dans les Hautes-Pyrénées. Cependant, arrêté, emprisonné et torturé par les Allemands, il est condamné à mort par un tribunal militaire et emmené au col de Peyresourde pour y être fusillé.

            Toujours aussi adroit et intelligent, il retrouve une nouvelle fois le chemin de l’évasion. Il entre aussitôt dans la clandestinité. Ainsi, malgré les recherches de la Gestapo, il peut reprendre ses activités « terroristes » jusqu’à la libération. Ses zones d’action se situent désormais dans les Basses-Pyrénées et les Landes. C’est justement dans ce département, à Aire-sur-Adour, que Kepa Ordoki se voit confier par Eliodoro de la Torre, ministre des finances et délégué du gouvernement d’Euzkadi, une nouvelle fonction qui le fait rentrer dans l’histoire de la résistance basque et qui lui permet de mettre à profit ses talents de meneur et de chef militaire.

            Le gouvernement basque en exil souhaite, en effet, depuis 1943 regrouper tous les gudaris (combattants basques) luttant dans les maquis, principalement dans les zones pyrénéennes aux côtés des guérilleros de l’U.N.E. (Union nationale espagnole), dans une unité militaire composée d’anciens combattants de la guerre civile et de jeunes recrues. A partir de cette intention, le bataillon Gernika est créé au printemps 1944 et son commandement remis à Kepa Ordoki.

            Pour ce dernier les premières semaines de rassemblement restent toutefois délicates, du fait de tensions avec les Espagnols de l’U.N.E. qui souhaitent attaquer l’Espagne franquiste, dans un assaut quasi suicidaire, à partir de la frontière pyrénéenne, avant de libérer le territoire français. Vite raisonnés, ils finissent par se ranger derrière leur leader, au moment où l’unité basque s’affirme en tant que structure autonome et reconnue. Réunissant ainsi des hommes très opposés politiquement, socialement ou religieusement, le natif d’Irun transforme donc, en peu de temps, un groupe de terroristes et d’aventuriers en une unité militaire, disciplinée et redoutable.

            Sous les ordres d’Ordoki, le bataillon est engagé en tant que corps F.F.I. (Forces Françaises Libres) dans les combats de libération des poches de résistance allemandes de la Pointe de Grave et dans le Médoc. Commandé par le chef de bataillon Chodzko et par le colonel Jean de Milleret, Ordoki sait mener ses hommes vers la victoire et les honneurs, couvrant ces derniers et leur bannière, l’Ikurrina, (qu’il veut en tête des assauts), de gloire et de reconnaissance.

            Après plusieurs opérations réalisées avec succès par ses soldats, le bataillon est en effet à plusieurs reprises décoré, son chef recevant même pour l’ensemble des troupes, les félicitations et les remerciements du chef de la France libre, le général de Gaulle. Cependant, Kepa Ordoki refuse les nombreuses décorations militaires, préférant les faire décerner aux blessés, aux morts ou aux soldats méritants de son unité. Son engagement est malgré tout honoré en novembre 1946 par une citation à l’ordre de la division et par la remise de la croix de guerre avec étoile d’argent.

            Véritable modèle de courage, d’abnégation et de sacrifice, Kepa Ordoki est donc l’une des grandes figures de la résistance basque pendant la Seconde guerre mondiale dans les Basses-Pyrénées et dans tout le Sud-Ouest. Héros discret et oublié du panthéon d’Euzkadi, il a, à lui seul, incarné pendant des années la bravoure et le courage de tout le peuple basque.

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