Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Résistance au Pays Basque.38: LA RÉSISTANCE EN SOULE.

 LA RÉSISTANCE EN SOULE, UNION ET RIVALITÉS INTESTINES.

 

Benoit LAULHE – La Résistance au Pays Basque – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°38.

 

 

 

LA RÉSISTANCE EN SOULE, UNION ET RIVALITÉS INTESTINES.

          Evoquer l’histoire de la Soule dans la seconde guerre mondiale revient à s’intéresser à l’une des régions les plus actives et les plus résistantes du Pays basque et du département des Basses-Pyrénées.

          Région propice à l’installation de maquis et à l’action des forces clandestines, la Soule, malgré l’importance des effectifs allemands et les tensions régnant au sein de l’A.S. ( Armée Secrète) et l’A.N. ( Armée nouvelle), a vu se développer un modèle de Résistance original, à la fois populaire et efficace.

          Enclavés entre le massif pyrénéen au sud et la ligne de démarcation à l’ouest, les habitants de cette zone souffrent d’une forte présence ennemie le long des deux lignes frontières artificielles (zone interdite sur le piémont pyrénéen et ligne de démarcation) et dans les principales villes que sont Mauléon et Tardets. Un tel déploiement de forces peut être tout d’abord justifié par les très nombreuses tentatives d’évasions à travers ces vallées montagneuses, plus accessibles que les grandes voies béarnaises. Souhaitant endiguer ce flot de départs clandestins, les Allemands installent plusieurs postes de garde en altitude et lancent régulièrement des patrouilles sur ces « sentiers de la liberté »1. Cependant, si la Wehrmacht concentre autant de détachements dans cette région, cela reste principalement à cause de la configuration du terrain dans cette partie du département. Recouvert de nombreuses forêts, très vallonné, difficile d’accès dans certaines zones au pied des Pyrénées, cet espace rural souletin rassemble en effet toutes les conditions propices à l’implantation de maquis et au développement des forces clandestines.

          Ces éléments résistants commencent concrètement à se manifester dès les premières heures de l’occupation (été 1940), en exerçant tout de suite une pression militaire sur l’ennemi qui ne cesse qu’avec son départ en 1944. Toutefois, durant ces quatre années de lutte, les opérations armées d’envergure restent malgré tout relativement rares et isolées : la peur des représailles des nazis contre les populations civiles, obligent les soldats de l’ombre à limiter leurs actions dans l’attente de conditions plus favorables. Face à ce problème, l’embryon d’armée clandestine ne peut que se préparer pour le jour J en rassemblant un maximum de forces.

          Ces dernières sont dans un premier temps (en décembre 1941) placées sous les ordres du commandant Hegoburu, qui, en tant que responsable du secteur de Mauléon pour l’A.S. (Armée Secrète), organise des réseaux de contacts, fondements des futures organisations secrètes de résistance. En 1943, J.P. Champo est désigné pour constituer un Comité Local de Libération (C.L.L.). Mise au point en novembre après un accord entre les deux chefs, cette organisation se donne cinq principaux objectifs :

1- Assurer des liaisons avec les secteurs de Pau et Oloron,

2- Aider et faciliter les évasions par les Pyrénées,

3- Amasser puis camoufler un maximum de matériel en prévision des périodes de luttes ouvertes (deux sites de stockage sont retenus, à Chéraute chez les Chendil et à Musculdy chez les Haristoy),

4- Assurer l’assistance, le ravitaillement et la cache des nombreux réfractaires au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) sur trois sites : Ordiarp, Saint- Juste et Pagolle,

5- Recruter et regrouper des volontaires pour les maquis. Cette activité représente jusqu’à 1944 le premier souci des responsables locaux de la résistance.

          Malgré la forte pression allemande et les nombreuses arrestations de futurs combattants, les mouvements de résistance réussissent à constituer trois maquis de tailles différentes : à Loubieng (avec seulement quatre membres), à Larceveau (avec vingt volontaires) et à Aussurucq, où cohabitent une vingtaine de résistants et quelques passeurs. Toutefois, si cette zone souletine a surtout été caractérisée par l’importance de son action résistante, elle a également été marquée par de fortes tensions et divisions au sein de ces forces patriotes.

          Ainsi l’histoire de la libération de la Soûle est émaillée de plusieurs oppositions et heurts entre des éléments (mais surtout des chefs) de l’A.S. et de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée, également appelée Armée Nouvelle ou Corps Franc Pommiès). Ces conflits d’intérêt et de pouvoir dégénèrent, puis paralysent à plusieurs reprises les opérations contre l’occupant.

          Pour pallier cette faiblesse, les différentes forces de résistance parviennent à s’entendre et à trouver un accord qui définit exactement les fonctions et les rôles de chaque mouvement. Celui-ci est signé le 4 juin 1944 par le commandant Bèguerie (chef local de l’A.N.) et par le responsable souletin de l’Armée Secrète, le capitaine Jauréguiberry (récemment promu à ce poste). Il donne pour objectif à l’Armée Nouvelle de harceler l’ennemi le long des voies de communication après le débarquement (hors de toute agglomération), l’A.S. devant se charger des opérations liées à l’insurrection générale et aux missions militaires ou policières à la libération. Ce problème de tensions réglé, chaque organisation prend alors ses positions en fonction des ordres de la hiérarchie et des termes du pacte.

  Le 6 juin 1944, après avoir reçu un message radio annonçant le débarquement, les différents mouvements gagnent leurs zones de combat respectives. L’A.N. agit autour de l’Hôpital-Saint-Blaise où les chasseurs du C.F.P. se regroupent dans les maquis. Pendant ce temps, Jauréguiberry poursuit comme prévu ses campagnes de recrutement, de mobilisation et d’armement en attendant l’insurrection. Cependant, si l’heure semble imposer la cohésion, la question de l’équipement entraîne un nouveau conflit avec FORA qui retarde les phases de mobilisation. L’organisation de Pommiès dispose en effet de plusieurs parachutages américains d’armes destinées à l’ensemble des forces de l’ombre de la région. Malgré les consignes de répartition et les nombreuses sollicitations, Bèguerie garde la plus grande partie de ce matériel, laissant les hommes de l’Armée Secrète avec des moyens particulièrement limités. Toutefois, sans régler pour autant ce problème (qui perdure jusqu’à la fin du conflit), les deux partis parviennent malgré tout à un compromis permettant le 25 juin au maquis d’Aussurucq de s’armer et de lancer quelques attaques contre les Allemands (nombreuses coupures de fils électriques entre Licq et Bayonne).

          Cependant, si cette multiplication d’actions de l’A.N. et de l’A.S. redonne espoir aux populations et remotive les soldats de l’ombre, elle produit également chez l’ennemi une certaine appréhension qui l’amène à regrouper le 18 juillet, un détachement de six cent hommes (le bataillon Spielberg) à Mauléon, spécialement entraînés et mobilisés pour lutter contre les maquis. Les actions de ces Allemands s’avèrent être particulièrement efficaces puisqu’elles entraînent le départ de maquis vers Garaïbie et la destruction de plusieurs fermes et habitations ayant aidé les résistants. De même, le 21, une vaste opération de contre guérilla, avec d’importants moyens et représentant une grande menace pour l’armée de l’ombre, est lancée dans toute la Soûle suite à plusieurs dénonciations (le pire est heureusement évité de justesse grâce au dévouement de la responsable locale de la croix rouge Madame Sagardoy qui prévient à temps les responsables de la résistance).

          Un moment désemparé par cette riposte allemande, les hommes de l’A.S. et del’O.R.A. réussissent à se reprendre et à porter plusieurs coups à l’occupant. Ainsi, le 22, Jauréguiberry et ses troupes assaillent et enlèvent plusieurs postes de surveillance allemands en montagne. Trois jours plus tard, une patrouille nazie est attaquée au pied du pic des Escaliers. Enfin, le 27, un groupe de l’A.S., commandé par Labarthe, tend une embuscade à Ahusquy, tuant quatre nazis lors de l’assaut et des combats qui suivent. Toutefois, au-delà de ces coups d’éclats militaires, la principale date de ce mois de juillet 1944 reste celle du 30, durant laquelle les chefs de l’A.S. et de l’A.N. (avec à sa tête le commandant Larrivière récemment promu) se rencontrent afin de redéfinir leurs zones respectives d’action et leurs missions. L’accord qui en découle prévoit que l’O.R.A. doit tenir les routes de Gurs et de Sauveterre ainsi que les bois de Chéraute, Lichos et Nabas (une clause spécifie en plus que ces troupes doivent renoncer à attaquer la Wehrmacht  près des villes pour éviter les représailles contre ces dernières). L’A.S. obtient de son côté le contrôle des axes Mauléon-Tardets et le bois de Goteing.

          Censé être unificateur, ce traité n’en est pas moins rapidement obsolète, plusieurs termes étant rapidement violés. Un groupe de chasseurs du commandant Larrivière prend d’assaut, par exemple, dès le 5 août, en plein centre de Mauléon, le collège où sont cantonnés des soldats allemands. Toutefois, le 10, à la sortie de cette ville, près du pont de chemin de fer, lors de l’attaque d’un convoi allemand composé de trois camions, les forces de la résistance réussissent enfin à s’unir. Elles encerclent  leurs ennemis qui, après de longues heures de lutte et plusieurs morts dans leurs rangs, se rendent aux chefs des deux organisations, leurs hommes se partageant ,comme pour un butin, les armes récupérées et les prisonniers.

          Rassemblant les dernières troupes à quitter la zone, ce convoi laisse une ville de Mauléon ouverte et libre de tout occupant. Informées de cette situation, les forces de la résistance pénètrent le 11 août dans son enceinte et décident avec le maire de convoquer les chefs des différents mouvements pour convenir avec eux de l’entrée en action du C.L.L. (Comité Local de Libération). Cependant, la libération restant encore incertaine (plusieurs villes dont Tardets restent en effet toujours occupées), ses responsables civils et militaires, par prudence, préfèrent remettre la mise en place de ce comité à une date ultérieure, plus sûre et moins risquée. Cette sagesse s’avère par la suite judicieuse, les Allemands reprenant possession de la ville quelques jours plus tard, menaçant ainsi à nouveau les troupes de l’A.S. et de l’A.N. qui se remobilisent en vue de l’ultime assaut libérateur des villes de Soule.

          Entre divisions et union, la résistance souletine connaît donc durant l’occupation un engagement progressif et relativement difficile. Cependant, les problèmes de responsabilités et de pouvoirs réglés, ces forces de l’ombre peuvent rentrer avec éclat et détermination dans l’ultime phase des combats de libération.

1  Eychenne E.  Les Pyrénées de la liberté, Paris, éditions France Empire, 1983, 380 p.

 

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