Association  BPSGM          Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale         64000 Pau

LAULHE Benoit. Réseaux. Passages. Passeurs.15: RÉSEAUX POLONAIS: WISIGOTH-LORRAINE ET F2

RÉSEAUX POLONAIS DE PASSAGE : WISIGOTH-LORRAINE ET F2.

Benoit LAULHE – La Résistance dans les Basses-Pyrénées – Master U.P.P.A. – 2001 –

Fiche n°15.

 

 

RÉSEAUX POLONAIS DE PASSAGE : WISIGOTH-LORRAINE ET F2.

            Si les plus grands réseaux de résistance, de renseignement et d’évasion, ont pour origine la France, la Grande Bretagne ou la Belgique, on oublie souvent que les organisations clandestines des pays de l’Est jouent également un grand rôle dans ces batailles de « l’information et des frontières ».

            De nationalité polonaise, deux structures, Wisigoth-Lorraine et F2, participent, avec plus ou moins de succès, dans notre département comme dans l’ensemble du pays, à la lutte contre l’occupant et à la défense des idéaux de liberté et de justice.

            Luttant en France, après la défaite de leur pays, de nombreuses troupes polonaises tentent au moment de la débâcle de juin 1940 d’embarquer sur des navires à destination de l’Angleterre pour continuer le combat et ne pas avoir à vivre une deuxième humiliation. Prouvant par cela leur courage et leur détermination, ces volontaires de l’Est confirment durant tout le conflit, à l’intérieur des territoires occupés ou sur les différents fronts de «guerre ouverte», leur engagement aux côtés des alliés et leur farouche volonté de combattre les nazis.

                Si les actions des « Polonais libres » restent multiples et variées, tant au niveau du renseignement que des opérations de guérilla, ces derniers s’illustrent particulièrement dans notre département en créant, organisant ou dirigeant des réseaux et des filières de passage.

            L’origine de ces structures remonte à juillet 1940. A cette époque, un grand nombre d’officiers et de soldats polonais passent la ligne de démarcation et s’installent provisoirement dans le Sud-Ouest de la France. Souhaitant rejoindre les Forces Françaises Libres (F.F.L.) et les armées alliées en Afrique du Nord, beaucoup de ces exilés essayent de passer en Espagne en traversant les Pyrénées. Cependant, cette tâche s’avère particulièrement difficile, surtout pour des personnes étrangères au pays. Des organisations clandestines, dirigées et organisées à partir de Toulouse (où l’essentiel de ces hommes est regroupé afin d’être démobilisé) par des spécialistes polonais des services secrets, sont donc crées pour assister ces réfractaires dans leur marche vers la liberté.

                Avec peu de moyens dans un premier temps, ces nouvelles organisations bénéficient toutefois de l’expérience et des conseils de plusieurs agents qui ont déjà connu la clandestinité et l’occupation allemande après l’annexion de leur pays en 1939. Engagés dès 1940 dans l’armée de l’ombre française naissante, ces volontaires polonais se regroupent et s’organisent dans le sud du pays autour d’un certain comte Andrzej Wyssogotha Zakzrewski, dit « M. Georges ». A la tête d’un mouvement auquel il donne son nom, Wisigoth-Lorraine, cet ancien officier polonais (basé à Lourdes) réussit à étendre et à développer son action sur une grande partie de la chaîne en implantant des agents dans les Hautes-Pyrénées, en Ariège, et dans les Basses-Pyrénées.

                Si cette stratégie lui assure l’engagement de nombreux anciens soldats polonais et français qui refusent la défaite et l’ordre nazi, elle lui permet également d’obtenir l’assistance et la reconnaissance de plusieurs agents de F.I.S. (Intelligence Service), du B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action) ou d’autres mouvements d’évasion. Cependant, l’apport le plus important reste sans nul doute celui des ecclésiastiques polonais réfugiés en France. Constant et souvent décisif, ce soutien repose sur la mise à disposition par des centaines de prêtres dispersés dans tout le pays (en poste ou non) de locaux, de «couvertures», d’argent, de vêtements, de faux papiers, mais aussi de relations dans les préfectures et autres bureaux de l’administration.

                Bien organisé dans le territoire, ce réseau centralise ainsi, au fur et à mesure que se développe son action, les évasions sur Lourdes où sont censés se rejoindre tous les candidats polonais ou français pris en charge par Wisigoth-Lorraine. De là, des convois partent régulièrement vers les sommets et les vallées bigourdanes. Toutefois, à partir de 1942, de plus en plus de passages s’effectuent par les Basses-Pyrénées et plus particulièrement par les montagnes basques où des passeurs « du cru », tels le facteur de Saint-Engrâce, Barthélémy Dronde (après avoir aidé une première fois deux polonais perdus il s’engage comme guide dans le mouvement), effectuent régulièrement des traversées, emmenant les futurs évadés vers Arnéguy, Urepel, Saint-Etienne-de-Baïgorry, Uhart-Cize, près de la frontière. Ces itinéraires , par rapport aux bigourdans, gardent l’avantage d’être moins difficiles, moins longs et surtout plus accessibles pour des candidats mal préparés.

                Ces hommes sont en général polonais, évadés d’Allemagne, volontaires n’ayant pas réussi à partir des ports basques en 1940 ou réfugiés dans le Sud-Ouest après la défaite. Toutefois, au-delà de cette «spécialisation», Wisigoth-Lorraine prend également en charge de nombreux Français, Yougoslaves ou Tchèques. Aucune distinction de religion, de motivation ou d’origine n’est donc faite, un juif français pouvant très bien par exemple utiliser cette ligne.

                Malgré ces multiples qualités et ses importants atouts, ce réseau n’a pourtant qu’une activité relativement brève, puisque au bout de quelques mois de lutte et de passage, il subit les foudres de la Gestapo qui le démantèle. Les rares survivants n’ont alors d’autres solutions que de s’engager dans l’organisation Bénédictine du B.C.R.A. français. Le bilan humain est par ailleurs particulièrement lourd avec près de quarante arrestations, principalement au sein de la mission catholique polonaise (quatorze prêtes sont déportés).

            Cependant, l’évocation de l’engagement des réseaux et des filières polonaises dans le département des Basses-Pyrénées ne peut se limiter à l’unique mention de Wisigoth-Lorraine. Un autre grand réseau de cette origine connaît également une grande activité pendant la Seconde guerre mondiale : le réseau F2.

            Structure franco-polonaise implantée principalement en France, tout en étant rattachée et financée par F.I.S., cette organisation représente l’exemple type du réseau «interallié» impliqué dans de multiples activités (renseignement dans un premier temps puis passage à grande échelle) et composé de volontaires français et de responsables étrangers. Implanté au niveau national, ce mouvement bénéficie d’un efficace réseau d’agents dispersés dans toutes les régions «stratégiques» du territoire et du soutien de nombreux ressortissants réfugiés dans le pays depuis 1939.

            Dans notre département, le représentant de F2 se nomme Julien d’Eysmond. Sous le pseudonyme de Palome, ce jeune polonais résidant à Pau reçoit pour mission de contacter les organisations de résistance qui œuvrent dans la région tout en recrutant un maximum d’agents pour le renseignement et l’évasion, afin de créer une filière de passage autonome qui permettra aux agents du réseau de traverser les Pyrénées plusieurs fois par semaine. Cet objectif est atteint en 1943. A ce moment-là, le réseau compte dans les Basses-Pyrénées et dans les départements voisins quelques quatre- vingt agents (vingt et un en Béarn et au Pays basque). Son action se concentre alors sur une production très efficace de faux papiers (un évadé peut complètement changer d’identité et de vie en quelques heures), sur une progressive infiltration des services ennemis (armée, administration, industrie …) mais surtout sur la création de plusieurs filières de passage, des itinéraires et des passeurs étant trouvés à Ciboure, Navarrenx, Licq Athérey…

            Avec d’excellents résultats, la section départementale de F2 traverse la guerre sans grosses frayeurs, ni arrestations (contrairement aux autres régions où les pertes sont sévères). L’activité de cette dernière, parfaitement maîtrisée et dissimulée, favorise en effet la collecte d’informations très importantes pour les alliés. La précision de ces renseignements, la rapidité de leurs transmissions et l’assurance lors des passages permettent en outre aux différents agents d’avoir un maximum d’efficacité pour une prise de risque minime.

            Avec des origines et des destins différents, les deux principaux réseaux polonais de renseignement et de passage qui luttent dans notre département, marquent donc de leurs empreintes et par le sacrifice de plusieurs de leurs membres, l’histoire de la résistance locale. Opposants de la première heure, ces volontaires parviennent ainsi à défendre, sur un sol qui n’est pas le leur, des idéaux dont beaucoup d’autochtones s’inspirent.

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